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Egalité des chances sa race

Publié le 22 mai 2010 par Alxh

enfant.jpgIl y a une grosse dizaine d'années, tout frais « diplômé » du BAFA, j'attaquais avec impatience ma première colo en tant qu'animateur. Après trois semaine dans un centre aéré à la cool avec des mômes à la cool et une équipe à la cool, j'allais découvrir que non, le monde n'est pas merveilleux.

Je venais aussi d'avoir mon bac, et devais emménager dès septembre dans mon premier appart. Bref, le début d'une vie de débauche déjà bien entamée à l'internat. A moi sexe (très peu), drogue (beaucoup) et rock'n'roll (encore plus).  Un été de transition en fait. Un long tunnel entre mon ancienne et ma nouvelle vie de jeune branleur.

Cette colo se déroulait à Sixt Fer à Cheval (ne me demandez pas si le mec qui a trouvé ce nom à la con se droguait ou pas ou avait juste décidé de coller la honte éternelle aux habitants du bled...) un trou paumé de Haute Savoie. Avant d'y accéder je devais récupérer mon groupe d'enfants à Amiens. Un peu en avance, je prends connaissance des noms de ceux qui vont changer à jamais ma vision des enfants. Parmi eux, un certain Hervé S. Je ne sais pas pourquoi je me suis tout de suite dit qu'il allait me casser les couilles. Un prénom pareil, ce n'est pas par hasard. Dès le premier regard j'ai su. J'ai su que ce môme allait me pourrir la vie. Son « accompagnant » sentait le Ricard à 15 mètres. Lui, avait toutes les dents pourries à 8 ans (record du monde),  sentais la pisse et se bâfrait de bombons. Notre premier échange fut simple :

-   L'accompagnant : tu fais pas trop chier l'animateur

-   Hervé : faut voir lapaslairtropcon

-   Moi : ./...

C'est ainsi que commencèrent les trois plus longues semaines de ma vie. Ce môme m'a crucifié. Véritable serial killer il frappait, insultait tout ce qui se trouvait dans son passage. Il m'a même mordu, jeté une pierre en pleine face... Violent, instable... comme 80% des membres de la colo. A bout je me jurais de ne jamais avoir d'enfant et tenta une vasectomie avec les dents. Mais un manque évident de souplesse m'empêcha d'aller au bout des mon idée. Je savais que ce môme était cramé. Qu'à 8 ans, il avait déjà un avenir tout tracé. HP au mieux, prison ou je ne sais pas quoi d'autre.

Des années plus tard, je raconte toujours les exploits du fameux Hervé S. Ca en fait marrer beaucoup, halluciner autant... Et puis la semaine dernière, je le googlise et je tombe sur un article de presse : « Hervé S., 21 ans retrouvé mort sur son canapé. »

Je vous passe les détails, mais il est mort seul, on a retrouvé son corps 1 semaine après et les motifs de la mort restent inconnus. Peut être que c'est un homonyme. Je l'espère même. Je n'ai pas le courage d'enquêter. Mais l'âge, le lieu... tout correspond.

Ce salle gosse qui n'a jamais réussi à éveiller en moi le moindre soupçon de tendresse (même les plus durs arrivent au moins à ça) serait mort comme un con. Un destin tout tracé. Rien ni personne n'aura réussi à lui donner une chance.

Toute cette note chiante pour dire quoi ? Rien. Me dédouaner. Même pas. Qu'est ce qu'un gamin de 17 ans aurait pu dire ou faire pour changer la vie de ce gosse ? Peut-être que ce gamin n'est pas celui retrouvé dans son canapé et qu'il est ailleurs, en vie et pourquoi pas « heureux » ? Quoiqu'il en soit ses noms et prénoms raisonnent en moi comme un sentiment d'impuissance totale devant l'innévitable.

Jacques Pradel


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