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Finances publiques : le rapport que Sarko n'a visiblement pas lu

Publié le 24 mai 2010 par Juan
Finances publiques : le rapport que Sarko n'a visiblement pas luJeudi dernier, Nicolas Sarkozy organisait sa seconde conférence sur les déficits publics. Il s'était fait remettre une multitude de rapports: un diagnostic sur la situation des finances publiques de MM. Champsaur et Cotis, un autre sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques, un troisième sur la maîtrise des dépenses locales, et un dernier sur le pilotage des dépenses d'assurance-maladie. Le premier d'entre eux livrait des conclusions intéressantes, peu explicitées dans les constats et recommandations énoncées par Nicolas Sarkozy à son assistance. Le rapport sur la situation des finances publiques, réalisé par Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis, donne en effet quelques résultats gênants pour l'argumentaire sarkozyen.
1. Le déficit structurel du budget s'est aggravé en de 2000 à 2003, puis à nouveau en 2007 et 2008. Qui gouvernait la France depuis 2002 ?
2. La hausse des dépenses publiques, en valeur relative, provient des prestations sociales (y compris retraites). Parmi les 5 catégories de dépenses publiques, les charges d’intérêts de la dette ont baissé de 4 à 3% du PIB depuis 1996 grâce à la baisse des taux d'intérêt. Mais les auteurs du rapport notent que «les marges de baisse aujourd’hui sont épuisées»: les taux ne baisseront plus. L'investissement public (80% collectivités locales, 10% Etat, 10% hôpitaux) est également stable depuis 30 ans, même s'il a un peu progressé depuis 1998 (de 3,4% à 3,7% du PIB). Les dépenses de fonctionnement ont été maîtrisées: «Depuis le début des années 1980, la tendance à la hausse des dépenses de fonctionnement s’est nettement infléchie». En volume comme en valeur, elles sont plutôt stables. Les prestations sociales ont au contraire progressé systématiquement plus vite que le PIB. Le rapport pointe l'allongement de la durée de vie, et donc la croissance du coût des retraites et de santé.
3. Paradoxe, le financement de l'assurance sociale, même s'il est insuffisant, a été mieux assuré que le financement de l'Etat, grâce à la CSG.
4. Le déficit public est dû à l'Etat, et pour une raison simple : «la liberté qu’a l’État d’avoir des dépenses durablement supérieures à ses revenus contraste en effet avec les règles plus restrictives qui s’appliquent aux autres administrations» (page 19). Les auteurs du rapport insistent à plusieurs reprises sur l'accroissement des défiscalisations, qui ont dégradé le rendement de l'impôt. Au final, les prélèvements obligatoires ont baissé: «Depuis 1999, l’ensemble des mesures nouvelles prises en matière de prélèvements obligatoires ont ainsi réduit les recettes publiques de près de 3 points de PIB  : une première fois entre 1999 et 2002 ; une deuxième fois entre 2006 et 2008.» L'ampleur des niches fiscales est impressionnante : «à titre d’illustration, en l’absence de baisses de prélèvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’est en réalité générant ainsi une économie annuelle de charges d’intérêt de 0,5 point de PIB. » (page 18). Entre 2002 et 2008, les gouvernements de droite ont ainsi réduit les impôts (niches ou baisses) de 1,6 points de PIB, tandis qu'ils ne réduisaient les dépenses de l'Etat que de 1,3 point de PIB.
5. Conséquence logique de dépenses en hausse et de recettes en baisse, l'Etat est le principal responsable de l'augmentation de la dette publique:  «la très forte progression de la dette publique au sens de Maastricht, qui est passée de 21,1 % du PIB en 1978 à 67,4 % en 2008, a été essentiellement portée par l’État.» (page 20).
6. «Les dépenses des administrations publiques locales sont celles qui, au sein des APU, ont progressé le plus fortement au cours des trente dernières années, en passant de 7,7 à 11,3 % du PIB de 1978 à 2008, avec une croissance moyenne en volume de 3,3 % par an» pour atteindre 221 Md€ en 2008 (Cf. page 40). C'est un constat qu'affectionne particulièrement Nicolas Sarkozy. Mais depuis 30 ans, les transferts dépenses de l'Etat ont été massifs : l'Etat a transféré l'équivalent de 5 points de PIB par an aux collectivités territoriales et aux organismes sociaux. Les auteurs du rappoert relèvent qu'après un infléchissement de cette croissance pendant les années 90, l'inflation a reprise de plus belle depuis 2000 à cause «des nouvelles compétences confiées aux départements en matière d’aide sociale (création de l’APA en 2002 et montée en charge progressive depuis lors) et des mesures de décentralisation de compétences existantes (RMI pour les départements et transports ferrés de voyageurs pour les régions par exemple)». A partir de 2005, elle reste soutenue «par les transferts
intervenus dans le cadre de la deuxième vague de décentralisation (personnels TOS, agents de l’équipement, etc.)

7. Les impôts locaux ont presque doublé en 30 ans, mais (1) ils restent marginaux dans l'ensemble des prélèvements obligatoires, (2) la décentralisation explique cette progression.
8. Les effectifs de la Fonction publique ont très peu progressé depuis 20 ans: «les effectifs de la fonction publique d’État, qui s’élevaient à 2 351 000 ETP fin 2007, n’ont progressé que de 0,3 % par an en moyenne au cours des vingt dernières années ; à cela se sont ajoutés les effets d’une certaine modération salariale.» En revanche, le montant des pensions a fortement progressé. Et la charge de la dette représente 11% du budget de l'Etat, contre moins de 3% en 1978.
Finances publiques : le rapport que Sarko n'a visiblement pas lu9. L'assurance sociale coûte environ 480 milliards d'euros par an. Le régime général représente 70% des dépenses sociales. La CSG a permis de faire contribuer les revenus du capital au financement de la Sécu. Mais l'essentiel reste financé par les salariés. Quand à la rente, elle ne contribue quasiment pas  (cf graphique 24).
10. La hausse du coût de la Sécurité sociale est logique compte tenu de l'évolution démographique : la population française croît et vieillit. Les dépenses de santé «sont en effet croissantes avec l’âge : la consommation de soins moyenne d’une
personne de 70 ans est 4 fois plus élevée que celle d’une personne de 20 ans, celle d’une personne de 80 ans 6 fois plus élevée
»
La conclusion de ces constats (Cf. page 45) est plutôt claire:
«l’essentiel du déficit, comme la hausse de la dette, est ainsi au niveau de l’État ; le dynamisme de la dépense relève en revanche plutôt de la sécurité sociale et des collectivités locales ; enfin, la stabilité du taux de prélèvements obligatoires depuis 15 ans recouvre une hausse des prélèvements au profit des administrations locales et des organismes sociaux, plus que compensée par la baisse du taux de prélèvements obligatoires au profit de l’État, alors même que celui-ci est amené à supporter de manière croissante des mesures d’allègements de recettes sociale et locales. »
L'argument sarkozyen, pour valider ses actions de réduction des déficits publics, est quelque peu différent. Selon Sarkozy, (1) L'assurance sociale (maladie en particulier) ne sait plus maîtriser ses coûts (alors que le rapport souligne bien que l'évolution démographique est la cause de cette inflation) ; (2) Les collectivités locales sont responsables des déficits ; (3) l'Etat est trop gras, d'où une cure d'amaigrissement.

Merci à Politistution (pour la video) et à Menilmuche (pour le rapport).
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