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Ru de Kim thúy

Par Ngiroux

Ru de Kim thúyRu, signifiant petit ruisseau, on entend presque cette eau cascadée très doucement dans ce texte. Dès les premières pages, le rythme est dominant, prévalant, telle une mer de quiétude, un rythme dit oriental. Un rythme tout en douceur, tout en poésie, un texte parfois comique, parfois tragique.

Kim Thuy, immigrante au Québec, une enfant, 10 ans, un « boat people », nous raconte cette immigration, son pays natal, son pays d’adoption. « Ma naissance a eu pour mission de remplacer les vies perdues.  Ma vie avait le devoir de continuer celle de ma mère.»

Thuy dévoile un Vietnam qui m’était inconnu, un Vietnam d’un autre temps, d’un autre siècle. Issue d’une famille bourgeoise, influence française à l’appui, cette petite fille nous raconte l’histoire de son pays natal, celle avec un grand H, celle qui a déjoué les plans de sa mère. « Celle qui a jeté les accents de nos noms à l’eau quand elle nous a fait traverser le golf de Siam, il y a trente ans ». Fuite de ce pays ancestral devenu impossible pour les notables, ce long voyage vers l’inconnu. De ces camps de réfugiés en Malaisie où l’on découvre l’invisible que les caméras de reporter ne peuvent capter, pour s’achever à Granby, sa terre promise, « où nous ne connaissions pas encore le prix du temps, sa juste valeur, sa grande rareté.»

Cette immigrante nous présente sa famille vietnamienne, ses enfants : Je n’ai pas crié ni pleuré quand on m’a annoncé que mon fils était emprisonné dans son monde, quand on m’a confirmé qu’il est de ces enfants qui ne nous entendent pas, qui ne nous parlent pas, même s’ils ne sont ni sourds ni muets. Sa mère, ses oncles et ses tantes qui à travers les années se retrouvent tous en Amérique.  L’auteur confie, ce rêve américain qui nous quitte plus, comme une greffe, une excroissance.

Mes parents nous rappellent souvent, à mes frères et à moi, qu’ils n’auront pas d’argent à nous laisser en héritage, mais je crois qu’ils nous ont déjà légué la richesse de leur mémoire, qui nous permet de saisir la beauté d’une grappe de glycine, la fragilité d’un mot, la force de l’émerveillement.

Roman très dense, trop court, gagnant du prix RTL-lire 2010.  Un premier d’une grande qualité, une découverte. « Mon récit n’est pas un récit autobiographique, insiste-t-elle. Ce livre-là n’est pas mon histoire ».



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