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Malaise...

Publié le 04 juin 2010 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

Une fois n'est pas coutume c'est moi qui vais réagir à une note de spyko (oui ça change ;)) ). La note en question est celle-ci.

Pour résumer spyko nous parle d'une jeune ado (14,15ans?) atteinte de mucoviscidose (maladie grave des poumons, Gregory Lemarchal etc...) qu'il a rencontré lorsqu'on a envisagé pour elle une greffe de poumons seul moyen de la sauver d'une mort certaine mais au risque... de rester sur la table.
Et donc quand spyko l'a vu pour la première fois elle a accepté cette greffe mais je jour J à l'heure H, lorsqu'enfin un greffon a été disponible pour elle, elle a refusé absolument l'opération... et est morte quelques temps plus tard des suites de sa maladie...

Le sujet qui m'interpelle ici est donc la fameuse "volonté du patient".
Depuis plusieurs années celle ci a été érigée en principe absolu et ce n'est pas un mal puisque cela permet au patient de faire ses choix propres et singulier pour sa vie propre et singulière.

Cependant ce cas précis me semble une limite à cet argument... je m'explique...

Tout d'abord remettons nous au premier rendez-vous, le marché proposé est tout de même étrange si on le résume:
" Qu'est ce que tu préfères? Rester comme ça et mourir en t'étouffant à petit feu ou alors te mettre sur une liste pour recevoir un greffon et être un peu mieux mais en prenant le risque que cette opération te tue d'un coup?"

La gamine est une ado donc... Alors en fait ce genre de questions me fait penser aux jeux débiles qu'on faisait autrefois genre " Qu'est ce que tu préfères vivre avec un nez de trois mètres de long ou bien avec une jambe de deux mètres et une autre de 20 cm mmmhhhh?"

En clair: face a des questions aussi absurdes, aussi impossibles, est-il bien utile de recueillir "la volonté du patient" et surtout de quelle "volonté" parle t on alors? Enfin est-il tout à fait "humain" de proposer cela comme un choix ?

D'autre part le jour j à l'heure h quand elle a refusé que signifiait ce refus? Qu'elle avait changé sa "volonté"   (alors dans ce cas pourquoi la recueillir en amont?) ? Ou bien qu'elle était simplement prise à le gorge et terrorisée sans pouvoir reprendre ses esprits alors qu'on ne lui laissait que quelques dizaine de minutes pour se décider de mettre oui ou non sa vie en jeu, à 15 ans...

Alors oui j'ose poser la question : Était il parfaitement pertinent de lui poser la question de sa volonté le jour j à l'heure H ? En quoi cette volonté là annule alors la précédente ? N'est-ce pas,enfin, au fond passablement pervers ce genre de questions là à ce moment là ("tu es suuuure hein tu es suuuure que tu la veux ta greffe?") ?
De plus cette jeune fille était mineure alors quid de la volonté parentale, du rôle même des parents de savoir ce qui est bon pour leur enfant au delà des réactions affectives et spontanées (après tout je ne demande aux enfants que je pique, la seringue à la main, si ils sont "surs" qu'ils veulent une piqure...)?

Mais évidemment je simplifie la situation, évidemment je n'y étais pas, évidemment je ne suis pas concerné et je n'ai pas le quart du tiers d'une légitimité quelconque pour donner mon avis... Et je souhaite en plus sincèrement ne jamais être confronté à une pareille situation tout comme je souhaite beaucoup de courage aux parents de cette jeune fille...

Cependant, en élargissant le propos pour sortir de ce cas particulier je voudrais tout de même poser une question qui me semble essentielle : qu'est ce que la volonté véritable du patient (mineur ou majeur) et surtout quand doit on la respecter absolument ou pas?... Qui décide et sur quel fondements?... A quel moment respecter la volonté du patient ne revient pas à se cacher derrière son petit doigt pour laisser les patients seuls face à des choix impossibles et dégueulasses ? (si on veut tant l'adhésion du patient n'est-ce pas pour dire aussi " ça s'est mal passé mais c'est ce qu'il voulait" et évacuer plus facilement sa lourde responsabilité face à l'énorme part d'imprévisible qui est l'essence même de la médecine mais qui devient pourtant de plus en plus inacceptable dans le grand public).

Enfin si je réagis à ce sujet c'est que j'y suis confronté tous les jours ou presque.. Tous les jours ou presque je vois des gens qui n'ont plus les moyens physique de rester à domicile mais qui (bien évidement et je les comprends dans l'absolu) veulent rester chez eux... Et tous les jours ou presque j'assiste au bal des faux cul qui me disent que "après tout c'est sa volonté" et que "une maison de retraite c'est cher"...

Sauf que quand le problème arrive (la chute, l'accident etc...) bizarrement tout le monde tombe des nues et rien n'est prêt (bien que j'ai prévenu 50 fois en long en large et en travers) (et croyez moi quand je préviens, je préviens ;)) alors on ballade mémé de services en services avant de la mettre d'office dans la première maison venue qui prend pas trop cher (car étrangement au moment ou il faut payer la volonté de la mémé n'a plus aucune importance). Quand mémé se réveille plus impotente et dans un environnement qu'elle n'a pas choisi, trois fois sur quatre c'est alors la déchéance rapide...

Et ceci m'agace profondément...

Alors je pose la question qui fâche : Rend-t-on forcement service au patient en respectant à la lettre sa volonté, surtout quand on n'est pas absolument certain qu'il est en état de la formuler clairement et rationnellement ? Et surtout qui gagne quoi a poser ce genre de questions ?

Note : Au cas ou je précise avant des coms prévisibles : Oui je sais, je suis un pur fasciste qui veut soigner les gens de force, c'est bien connu... ;)

Note2 : Pour psyko, la jeune fille a exprimé clairement et sincèrement son avis devant toi et tu n'as pas pu prévoir son changement d'attitude... Ben, c'est bien:  tu es psychologue et tu travailles sur ce qu'on te dis mais pas devin donc... Et tu n'es pas encore assez fort pour deviner les désirs des patients avant qu'eux mêmes ne les formulent... ;))

Bon ceci dit dommage pour toi, si ça se trouve tu gagnerais surement mieux ta vie avec une boule en cristal et un joli fichu sur la tête ;)))


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