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Géopolitique des empires, Chaliand Rageau

Publié le 06 juin 2010 par Egea

Voici la fiche de lecture, parue dans le dernier RDN, sur la géopolitique des empires, de Chaliand et Rageau. Il vaut le détour, malgré quelques défauts de forme.

Géopolitique des empires, Chaliand Rageau

O. Kempf

Géopolitique des empires Gérard Chaliand, Pascal Rageau Arthaud et Libération, 2010

Inventeurs des atlas géostratégiques, MM. Chaliand et Rageau livrent ici leur dernière production, un atlas sur les empires.

Sur la forme, si le format est pratique et le texte imprimé lisible et agréable, on est moins convaincu par la signalétique (avec notamment des hexagones noirs curieux). On est particulièrement déçu par la qualité des cartes : il s’agit en effet de cartes scannées au hasard des ouvrages, sans unité de typographie, de légende, de couleurs ou d’échelle. Les auteurs réussissent l’exploit de présenter deux fois la même carte, scans d’éditions successives du même ouvrage mais avec des couleurs différentes, pour illustrer deux thèmes différents à quarante pages d’écart ! On est ainsi très surpris de constater qu’au crédit iconographique, les droits de copie appartiennent en majorité à N. Rageau et S. Mousset : je ne suis pas sûr que les différents éditeurs des ouvrages d’origine soient très satisfaits du procédé. Bref, il est visible que les cartes ont été copiées. L’assemblage hétéroclite est finalement extrêmement déplaisant, et gâche beaucoup la lecture, en donnant en permanence une impression de mauvaise qualité.

Cela est bien dommage, car sur le fond, le texte est tout à fait passionnant. Le lecteur, ouvrant l’ouvrage pour la première fois, pourrait s’attendre à une sorte d’atlas historique. Mais alors qu’un atlas historique choisit des tranches historiques au cours desquelles il représente l’état politique des régions du monde, cet atlas prend le parti inverse. Il sélectionne une région puis en dessine l’évolution « impériale » au cours des âges.

Le dessein est transparent : l’étude de ces fluctuations géohistoriques permet de distinguer les permanences géopolitiques des aléas temporels. L’auteur cherche au fond à déceler, au-delà de ces permanences, des déterminismes. C’est à la fois sa grande force et, d’une certaine façon, sa faiblesse.

Force car la méthode est originale, surtout quand elle est pratiquée de façon aussi systématique. Elle soutient ainsi l’idée maîtresse du livre : les grands empires sont d’abord terrestres et continentaux, et progressent par contiguïté. Les empires maritimes (ultra marins ou coloniaux) qui marquant la domination de l’Occident pendant trois siècles, constituent une parenthèse qui est en train de se refermer.

Mais là se tient aussi la faiblesse de la méthode : autant elle est pertinente pour expliquer le passé, autant elle peine à convaincre aujourd’hui pour décrypter le présent. D’ailleurs, le dernier quart du livre est le moins persuasif. Tout simplement parce que l’idée impériale n’y tient pas sa place, et que le fractionnement actuel (et, pourrait-on dire, l’égalisation des puissances) rendent le modèle impérial inadéquat. C’est au fond le déterminisme historique qui touche ici ses limites. Est-ce d’ailleurs un hasard si Fernand Braudel, l’inventeur du mot « géohistoire », ne l'a finalement pas retenu dans l’édition première de sa thèse sur la Méditerranée ?

Toutefois, la richesse des réflexions occasionnées par cet ouvrage en démontre assez l’intérêt. Quels que soient ses défauts (qui permettent d’ailleurs un prix relativement bas), ils ne sauraient empêcher ce livre d’être une référence à détenir, quand on se pique de géopolitique.

O. Kempf


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