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Comment Sarkozy fourre son nez dans les affaires du Monde

Publié le 13 juin 2010 par Letombe

La salle d'attente du Monde (luc legay/Flickr).

Un coup de fil présidentiel, puis un rendez-vous à l'Elysée… Pour barrer la route à des repreneurs trop à gauche selon lui, Nicolas Sarkozy aurait même agité la menace de suppression de certaines subventions allouées au quotidien Le Monde.

Les offres de rachat peuvent être déposées jusqu'à ce lundi, mais depuis vendredi soir, deux candidatures sont officiellement confirmées, pour reprendre le journal menacé de cessation de paiement dès juillet :

  • Le consortium « BNP » constitué de Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse. Le fondateur d'Yves-Saint-Laurent, propriétaire de Têtu (et hier de Courrier International passé entre les mains… du Monde) et le dirigeant de la banque Lazard qui a racheté les Inrocks se sont associés au président de l'opérateur Free.
  • Claude Perdriel, propriétaire du groupe Nouvel Observateur, est associé à des partenaires dont l'identité n'a pas été dévoilée, mais il pourrait bien s'agir de l'opérateur Orange. Stéphane Richard, directeur général du groupe -encore détenu à 27% par l'Etat-, a admis qu'il pourrait consacrer si nécessaire « quelques dizaines de millions d'euros » au redressement du Monde.

Entre ces deux options, le président de la République a clairement une préférence pour la seconde. Le trio « BNP » est perçu comme trop susceptible de soutenir la candidature de Dominique Strauss-Kahn en 2012. En face, la présence de l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde aux cotés de Claude Perdriel semble bien plus rassurante.

Xavier Niel, « homme du peep-show » pour Sarkozy

Gêné par l'intrusion de l'Elysée dans ses affaires, Eric Fottorino, le président du directoire du Monde, a tenté de minimiser la politisation du dossier :

« Qu'il y ait un regard politique, cela a toujours été le cas. Depuis 1944, il y a toujours eu un regard du pouvoir et ça ne va pas changer. »

Lors d'un coup de fil en début de semaine, Nicolas Sarkozy aurait, selon LePoint.fr, moqué Xavier Niel, présenté comme « un homme du peep-show », peu digne d'entrer au capital du journal fondé par Hubert Beuve-Méry.

Mais il n'est pas le seul à avoir fait fortune dans le Minitel rose, comme le rappelle Electronlibre.info, « 3615 Ulla c'est Claude Perdriel ».

Le patron du Monde n'a pas voulu dévoiler le contenu de sa rencontre avec le Président, mais l'agence Reuters assure que « selon une source interne », Nicolas Sarkozy « a clairement affiché son opposition à l'offre de Pigasse, Niel, Bergé ».

Plus grave, le chef de l'Etat fait pression sur la direction du Monde concernant l'imprimerie, selon LePoint.fr. Sarkozy « a menacé de ne pas donner des aides d'Etat pour le sauvetage de l'imprimerie du Monde si le trio était choisi », ajoute la source de Reuters. L'Etat s'était engagé à financer les deux tiers des frais sociaux générés par la restructuration du Monde-Imprimerie, rappelle Marianne.

Gilles Van Kote, président de la société des rédacteurs du Monde (actionnaire de référence) a déclaré que « vouloir faire pression sur le directeur du Monde est tout à fait intolérable » et précise :

« Connaissant les journalistes, il n'y a pas meilleure façon de les faire voter pour une candidature que de dire : “Je n'en veux pas”, quand ça vient d'un acteur qui n'a pas à intervenir dans une opération de ce type. »

Par Sophie Verney-Caillat | Rue89 |

http://www.rue89.com/

Photo : la salle d'attente du Monde (luc legay/Flickr).


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