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Pétain a encore gagné la défaite de 1940

Publié le 17 juin 2010 par Jean-Philippe Immarigeon

L’inévitable défaite… Voilà comment on continue de raconter 1940. Il semble définitivement admis que la France a été vaincue non par l’armée allemande mais par des tares que l’on s’obstine à chercher qui dans les quarante heures, qui dans la dénatalité, qui dans le régime parlementaire, à l’exemple de François Mauriac qui invitait les Français d’alors à se frapper la poitrine. Rien n’a changé, et en entrant dans le jeu des interprétations qui varient selon la chapelle à laquelle on se rattache, les Français s’interdisent toute réflexion sur une bataille supposée perdue d’avance.

Pourquoi la France est-elle la seule nation dont les citoyens surdimensionnent les défaites pour en faire le signe d’un inéluctable déclin ? Tropisme hexagonal du dénigrement de soi qui choque les étrangers, dont les historiens rappellent depuis vingt ans des vérités auxquelles nous restons sourds. Oui, c’est bien le Front Populaire qui a réarmé la France, lancé un grand emprunt et réorganisé les industries aéronautiques et d’armement. Oui, le programme de quatre ans décidé par Léon Blum aurait été tenu s’il n’avait été interrompu avant terme par l’attaque allemande. Oui, nous avions de toute manière à cette date davantage de chars (3.100 contre 2.500). Non, il n’est pas vrai qu’ils étaient uniquement conçus pour l’infanterie, puisque les deux-tiers étaient des engins de combat comparables aux panzers. Non, il n’est pas vrai qu’ils étaient dispersés puisqu’ils étaient intégrés dans douze divisions tout ou partie mécanisées dont les structures ne différaient pas de celles qui seront adoptées côté anglo-saxon ou soviétique. Enfin non, notre stratégie défensive, prônée par tous les auteurs de Clausewitz à Aron, n’était pas l’idiotie absolue qu’on prétend.

Tout ceci est écrit notamment par les historiens américains : mais tout ceci avait déjà été dit par Edouard Daladier lors du procès de Riom. Pourquoi rejeter en bloc ces vérités, et poursuivre le procès d’une France supposée déliquescente ? Quel compte nos intellectuels ont-ils à régler pour continuer à propager les inepties de Vichy ? Et ce ne sont pas les célébrations du 18 juin 1940 et des discours « polis comme des galets » (François Delpla) qui y arrangent quoi que ce soit. Une fois encore les Français Libres, interrogés comme le furent il n’y a guère nos derniers poilus, sont présentés comme les héros d’une épopée romantique mais déraisonnable, face à un régime de Vichy qui représenterait le bon sens après une défaite dont la faute pèse encore sur la République. On n’écoute toujours pas ces compagnons qui, à l’exemple de celui qu’ils ralliaient, ne continuaient le combat qu’au nom de l’évidence et du bon sens. La rupture, elle était du côté de ceux qui il y a exactement ce jour 70 ans, mirent à bas nos libertés, tentèrent d’effacer mille ans d’Histoire de France en nous prostituant à l’envahisseur, et nous précipitèrent dans l’épouvante des lois antisémites avant de livrer nos enfants aux fours crématoires !

Montoire 1940

Cette honte de la Collaboration d’Etat ne fut pas l’aboutissement d’un enchaînement fatal, il fut un choix délibéré que ni les soubresauts de la IIIe République ni la mauvaise fortune du champ de bataille ne rendaient inéluctable. Que la France se soit trompé sur la forme que prendrait la guerre et que, quasiment seule face à la barbarie, elle ait été balayée par un Reich dont les forces combinées de trois grandes puissances mirent ensuite cinq ans à venir à bout, n’autorise pas à décréter sa déchéance. C’est pourtant ce à quoi nous assistons du fait de l’assourdissant silence sur les circonstances exactes de notre défaite militaire. Si les généraux de Vichy ont perdu la bataille de France, ils ont en revanche gagné, comme l’écrit Robert Paxton, la guerre de la mémoire. Et la défaite de 1940 est devenue la défaite de l’Histoire.

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