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Soirée Traduction de Poezibao, les textes : 6. Carlo Bordini

Par Florence Trocmé

Poezibao a organisé le 16 juin dernier une soirée spéciale Traduction en pré-ouverture du Marché de la Poésie, à Paris (compte-rendu, avec photos).  
Le principe était le suivant, chaque traducteur apportait une traduction inédite, laquelle serait publiée ensuite sur le site Poezibao.  
Le site entreprend donc aujourd’hui la publication de ces contributions. Dans l’ordre seront ainsi publiés des textes et poèmes de : 
 
1.
Rachel Blau Du Plessis (traduction Auxeméry) 
2.
Klaus Merz (trad. Marion Graf) 
3.
Frank O’Hara (trad. Olivier Brossard) (à venir) 
4. George Oppen (trad. Yves di Manno) 
5.
Nichita Stănescu et Herta Müller (trad. Pierre Drogi) 
6. Carlo Bordini (traduction Olivier Favier) 
7. Sera publié également une traduction inédite d’Eric Arendt, envoyée par Jean-Claude Schneider qui ne pouvait malheureusement être présent.  Un fichier Pdf avec l'intégralité des textes sera publié lorsqu'auront été mises en ligne toutes les contributions.

6. Carlo Bordini 
Traduction Olivier Favier 
 
 

 

Ces poèmes sont extraits de I Costruttori di vulcani. Tutte le poesie 1975-2010, qui vient de paraître chez l’éditeur de Bologne Luca Sossella.  
 
 
poésie découlant de l'observation de quelques moribonds de ma famille 
 
Quand on va mourir on devient 
d'autres personnes 
on devient des saints des 
prédestinés  
anachorètes des ermites tout l'égoïsme 
qui a été dans la personne disparaît dans ce cocon 
qui attend seulement de partir et dans cet 
état de grâce qui est comme 
l'état de grâce des femmes enceintes 
le sourire pâle 
le cheveu argenté ce cocon ou ectoplasme qui va 
partir 
C'est une vraie métamorphose qui n'a plus de rapport avec la (personne) 
personne 
qui vivait et tout doit lui être pardonné 
même s'il est incapable de pardonner et 
incapable de penser 
et peut seulement 
souffrir trembler et craindre et dans cette 
fragilité qui est la sienne et réconcilié avec le monde et rien 
de tout ce qui est obscène dans la vie ne peut désormais faire partie  
de lui sinon le tremblement et l'espoir 
d'aller 
 
 
poesia derivante dall'osservazione di taluni moribondi della mia famiglia 
Quando si sta per morire si diventa 
altre persone 
si diventa santi dei  
predestinati 
anacoreti degli eremiti tutto l’egoismo 
che è stato della persona svanisce in questo bozzolo 
che aspetta solo di partire in questo  
stato di grazia che è come 
lo stato di grazia delle donne incinte 
il sorriso pallido  
il capello argenteo questo bozzolo o ectoplasma che sta 
per partire 
E’ una vera metamorfosi non ha più rapporto con la (persona) 
persona 
che viveva e tutto gli dev’essere perdonato  
anche se egli è incapace di perdonare e 
incapace di pensare 
e può soltanto  
soffrire tremare e temere e in questa  
sua fragilità e pacificato col mondo e nulla 
di tutto ciò che è osceno della vita può ormai far parte 
di lui tranne il tremore e la speranza 
di  
andare 
 
 
 
attente 
Ne pas pouvoir dormir manger peu 
commencer à parler tout seul 
ne pas oser aller dans certains lieux 
où l'on alla ensemble 
revenir à la maison en espérant trouver 
un mot de toi 
à chaque bruit des escaliers 
imaginer que c'est toi 
penser à toi tout le jour 
et une partie de la nuit 
contracter les machoires désormais depuis 
plus d'un mois 
me surprendre la nuit à sourire 
en parlant avec toi, qui 
n'es pas là 
 
 
attesa 
 
Non poter dormire mangiare poco 
cominciare a parlare da solo 
non osare andare in certi posti 
dove si andò insieme 
tornare a casa sperando di trovare 
un tuo biglietto 
ad ogni rumore delle scale  
immaginare che sei tu 
pensare a te tutto il giorno 
e parte della notte 
contrarre le mascelle ormai da 
più di un mese 
sorprendermi la notte a sorridere 
parlando con te, che 
non ci sei 
 
 
 
Lire la suite, trois autres poèmes et leur version originale en cliquant sur “lire la suite » 

poésie démente 
 
Le monde fut fait 
en très peu de temps, 
dans de grandes querelles 
et seulement au dernier 
moment il fut décidé, 
à défaut de confiance,  
d'instituer la mort et de diviser les sexes. 
Dieu était très jaloux 
de ses quatre ou cinq collègues et par dépit 
il dit: 
Mais de toute façon dans quelques années ils seront tous cassés, l'un sans 
un bras, l'autre sans une jambe, autant 
les faire mourir! 
Et un autre lui dit: 
Et les nouveaux comment tu les fais? 
Ce n’est pas moi qui les fais, ils les font 
eux! La belle affaire. Et ainsi, 
au dernier moment, 
en quelques minutes, ils inventèrent l'instinct sexuel, 
et l'enfance. Ils furent au bord d'en venir aux mains. 
Et l'un dit: mais tu ne vois donc pas 
qu'ainsi il y aura plein d'ennuis? 
Qu'est-ce qu'on s'en fiche- dit Dieu. 
-De toute façon ce monde ne me plaît pas. 
Il est raté. La belle affaire- 
intervint un autre. -Où voulais-tu en venir, avec l'idée que tous doivent se manger 
les uns les autres? Il est logique qu'ils 
s'usent. Et alors? Toi, qu'est-ce que tu aurais fait? 
Ils furent au bord 
d'en venir aux mains. 
 
poesia demente 
 
Il mondo fu fatto 
in pochissimo tempo, 
tra grandi litigate, 
e solo all'ultimo 
momento fu deciso, 
per sfiducia, 
di istituire la morte e di dividere i sessi. 
Dio era molto geloso 
dei suoi quattro o cinque colleghi e per ripicca 
disse: 
Ma tanto in pochi anni saranno tutti rotti, chi senza 
un braccio, chi senza una gamba, tanto vale 
farli morire! 
E un altro gli disse: 
E quelli nuovi come li fai? 
Non li faccio io, li fanno 
loro! Bella roba. E così, 
all'ultimo momento, 
in pochi minuti, inventarono l'istinto sessuale, 
e l'infanzia. Quasi vennero alle mani. 
E uno disse: ma non vedi 
che così sarà pieno di guai? 
Chi se ne frega - disse Dio
- Tanto questo mondo non mi piace. 
E' venuto male. Bella roba - 
interloquì un altro. - Cosa pretendevi, con l'idea che tutti  
devono mangiarsi 
l'uno con l'altro? E' logico che si sarebbero 
consumati. E allora? Tu che avresti fatto? 
Quasi 
vennero alle mani. 
 
 
 
poésie interdite 
 
Je sais que je vis dans une bulle 
et je sais qu'elle éclatera 
et l'horreur du monde la fera éclater tôt ou tard et entrera en elle 
et je sais que l'horreur du monde entrera en elle et la fera éclater 
mais je ne savais pas que 
l'horreur du monde 
s'insinuerait dans mon esprit 
et le ferait éclater 
avant que l'horreur du monde 
n'entre dans mon esprit 
 
 
 
poesia proibita 
 
So di vivere in una bolla 
e so che si spaccherà 
e l’orrore del mondo la spaccherà prima o poi e vi entrerà dentro 
e so che l’orrore del mondo vi entrerà dentro e la spaccherà 
ma non sapevo 
che l’orrore del mondo 
si insinua nella mia mente 
e la spacca 
prima che l’orrore del mondo 
entri nella mia mente 
 
 
suicide 
 
Rien de ce qui est vivant ne m'intéressera 
Ce sera comme n'être jamais né 
Qui est mon rêve de toujours 
Je ne me souviendrai de rien. 
Je ne me souviendrai même pas d'être mort 
Je ne saurai jamais que j'ai été en vie 
Et je ne saurai pas 
Que je t'ai aimée 
Les autres s'étonneront 
Se demanderont pourquoi. 
Ils ne comprendront pas. 
Si je m'y prends bien 
je ne me rendrai même pas compte du passage 
Je ne me souviendrai même pas d'avoir écrit cette poésie 
 
 
suicidio 
 
Nulla di ciò che è vivo mi interesserà 
Sarà come non essere mai nato 
Che è il mio sogno di sempre 
Non ricorderò nulla. 
Non ricorderò nemmeno di essere morto 
Non saprò mai di essere stato vivo 
E non saprò 
Di averti amata 
Gli altri si meraviglieranno 
Si chiederanno perché. 
Non capiranno. 
Se sarò bravo 
non mi accorgerò nemmeno del passaggio 
Non ricorderò nemmeno di aver scritto questa poesia 
 
 
©Carlo Bordini et ©Olivier Favier pour la traduction.


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