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Blanc et Joyandet : un sacrifice qui ne règle rien

Publié le 05 juillet 2010 par Pslys

En sacrifiant les pions Blanc et Joyandet pour sauver le cavalier Eric Woerth, Nicolas Sarkozy a pris le risque de voir les feux se concentrer sur son ministre du Travail, fragilisé par l’affaire Bettencourt.
Le chef de l’Etat a été contraint à cette manoeuvre par le refus du secrétaire d’Etat à la Coopération Alain Joyandet d’attendre jusqu’en octobre la chute inéluctable du couperet.
« On a le sentiment que le timing a échappé à l’Elysée », soulignait lundi François Miquet-Marty, directeur de l’institut de sondages Viavoice, sur France Inter.
Beaucoup dans la majorité estiment que cette double démission intervient de toute façon trop tard et que la gauche ne lâchera plus Eric Woerth, chargé de défendre la réforme des retraites, un des derniers grands chantiers du quinquennat.
Alain Joyandet, « sarkozyste » historique accusé d’avoir bénéficié d’un permis de construire abusif, avait déjà été réprimandé en mars dernier pour avoir dépensé 116.500 euros pour la location d’un jet privé lors d’un voyage aux Antilles.
Le secrétaire d’Etat au Développement de la région capitale, le centriste Christian Blanc, s’est vu pour sa part reprocher l’achat de 12.000 euros de cigares aux frais du contribuable.
Pour ne pas avoir pris à temps la mesure de l’impact de ces affaires dans l’opinion publique, le chef de l’Etat a laissé se développer un terrain propice aux attaques contre Eric Woerth.
Les accusations de conflit d’intérêts se sont déchaînées dès qu’on été révélées les liens de l’ex-ministre du Budget et de son épouse Florence avec l’héritière de L’Oréal Liliane Bettencourt, soupçonnée de fraude fiscale.
Pas question cependant pour Nicolas Sarkozy de lâcher Eric Woerth qui, au-delà de ses fonctions de trésorier de l’UMP, est une pièce autrement plus importante du dispositif présidentiel.
TENIR JUSQU’AU 14 JUILLET ?
« Le but était d’essayer de donner en pâture deux noms pour éviter de sacrifier le plus important. C’est le sentiment qui domine », explique une source gouvernementale.
Sauf que les choses ne se sont pas tout à fait passées comme le souhaitait initialement le président de la République.
« Certains comportements ministériels ne m’ont pas plu du tout », déclarait-il mercredi dernier aux députés UMP conviés à l’Elysée. « J’en tirerai les conséquences sévèrement. »
Il n’était encore question que d’un remaniement ministériel en octobre. « Il ne faut pas surréagir. Tout ce que je pourrais faire à chaud nous compliquerait la tâche », expliquait-il.
Selon des sources concordantes au gouvernement et à l’UMP, Alain Joyandet, conscient d’être visé, a cependant « craqué » et présenté sa démission dès vendredi.
Elle n’a finalement été acceptée que dimanche. Le chef de l’Etat a alors décidé de se séparer en même temps de Christian Blanc, qui n’a appris son sort que quelques minutes avant le communiqué de l’Elysée annonçant leur démission.
Pour François Miquet-Marty, ces départs soudains, après l’annonce d’un remaniement en octobre, donnent « davantage le sentiment d’une confusion que d’un planning maîtrisé ».
La situation est-elle tenable jusqu’en octobre ?
« On le saura le 15 juillet », estime un familier des cabinets. « Si Woerth arrive à tenir jusqu’au 14 juillet, après les gens auront la tête ailleurs. Mais s’il y a de nouvelles révélations ou si les attaques continuent, ça sera difficile. »
C’est précisément le 13 juillet qu’Eric Woerth doit présenter la réforme des retraites en conseil des ministres.
MAUVAIS CALCUL ?
Responsables de la majorité et observateurs s’interrogent sur la justesse des calculs de l’exécutif.
La démission d’Alain Joyandet et Christian Blanc risque en effet d’ouvrir une brèche et prive Eric Woerth de diversions.
« Ça contribue à concentrer les feux sur Eric Woerth et à rendre son maintien au gouvernement jusqu’au vote de la réforme des retraites de plus en plus coûteux politiquement », a déclaré à Reuters Jérôme Sainte-Marie, président de l’institut Isama.
Le cas Woerth, jusqu’ici « élément parmi d’autres », va « devenir un élément central », complète François Miquet-Marty.
Une analyse que ne sont pas loin de partager des cadres de l’UMP. « Les petites digues Joyandet et Blanc ont sauté », dit l’un. La démission des deux secrétaires d’Etat affaiblit encore Eric Woerth, estime un autre.
Pour un responsable du parti majoritaire, il est illusoire de compter sur les vacances. « Cette année, les vacances ne sont pas comme d’habitude, parce que c’est la crise », estime-t-il.
Et de prédire une rentrée délicate, avec la manifestation unitaire du 7 septembre contre la réforme des retraites.
« Si c’est un vrai succès, ça va être très compliqué, surtout si ça se fait sur des slogans anti-Woerth », souligne-t-il.
Pour Jérôme Sainte-Marie, la question se pose en effet : « Est-ce qu’Eric Woerth peut affronter des manifestations où il sera la vedette des slogans et des banderoles ? »
Le président d’Isama diagnostique certes un « fond de résignation » chez les Français. « Mais la présence d’Eric Woerth peut donner de l’énergie à ceux qui n’en ont pas, à ceux qui n’en nont plus », ajoute-t-il.

Source REUTERS


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