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Le commerce équitable vu de “là-bas”… puis d’ici !

Publié le 08 juillet 2010 par Ruminances

Posté par clomani le 8 juillet 2010

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C'est toujours en été qu'on découvre les joies de la zapette. On peut trouver de petites pépites sur les vraies chaînes publiques. Arte aussi nous gâte… pour tomber sur les bons programmes il faut d'abord muscler son pouce pour zapper, et un zeste de chance.

Ma bonne étoile doit être mexicaine… (il faudra d'ailleurs que je vous raconte une anecdote qui vous prouvera que je suis une vraie fée). Elle m'a fait atterrir au Mexique, samedi à 22h, via la chaîne Public Sénat. Direct sur l'Isthme de Tehuantepec. On y parlait du café équitable.

Titre du documentaire : “Van der Hoff, le père du café équitable“. Ce prêtre hollandais a été l'initiateur du commerce équitable dans les années 80. Affublé du titre “prêtre “rouge” par des cons, il a été un de ceux qui luttaient pour la libération des peuples opprimés : des pauvres et des indigènes (qui se confondent d'ailleurs très souvent partout dans le monde). Recherché au Chili pendant la dictature, il s'est réfugié à Mexico où son activisme l'a fait remarquer. Menacé dans la capitale mexicaine, Van der Hoff est alors parti se réfugier dans les montagnes de l'Isthme de Tehuantepec. Comme son nom l'indique, c'est la partie la plus étroite du Mexique entre le Golfe du Mexique et le Pacifique. C'est un des endroits le plus chaud du Mexique, où les indigènes du coin sont des Zapotèques.

Van der Hoff s'est fixé donc dans de petites communautés dans la forêt de caféiers, où les habitants cueillent le café depuis des siècles. Petits récoltants exploités car sans voix, sans aucune représentativité et maintenus sous le joug des “coyotes” (intermédiaire qui achète à très bas prix leur production et la transporte vers les ports) ou celui des gros propriétaires terriens qui les emploiyaient et les traitaient encore plus mal que des esclaves (indigènes déplacés de force dans le Chiapas, soumis par la force, obligés d'aller récolter chez le “maître” et de rembourser hébergement et pitance par leur travail, les laissant complètement dénudés et exsangues).

Ces traitements ont été le lot (et le sont encore) de milliers de communautés indigènes du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest du Mexique. Zapata hélas n'a pas eu le temps de mener à bien sa réforme agraire, et l'entrée, en 94, du Mexique dans l'ALENA (marché commun de l'Amérique du Nord) a fait empirer l'exploitation, mais en gardant les mains propres. En entraînant les caciques locaux dans la corruption, les “gros” ont toujours la mainmise sur les petits. C'est donc en voyant combien les indigènes souffraient qu'un prêtre hollandais a eu l'idée de former les petits récoltants de café au commerce équitable. Il s'est donc fixé dans un village caféïer zapotèque et, s'inspirant d'un héros de légende hollandais appelé Max Havelaar (Max avait pris la défense des indigènes de Java et Sumatra contre ceux qui les maltraitaient en les exploitant), a fait en sorte que les petits récoltants s'unissent en coopérative, reçoivent une formation et négocient directement avec les acheteurs, éliminant du coup les intermédiaires. L'esprit communautaire est tel dans l'âme indigène mexicaine, que j'imagine que ça a été le plus facile dans l'histoire.

Les petits ruisseaux faisant de grandes rivières, les récoltants ont appris à cultiver leur café en respectant la nature (ça aussi, c'est inné chez eux), ils décortiquent les grains à l'aide d'une machine tournée à la main, ils font sécher ensuite les grains au soleil, les mettent en sac et les emmènent à la coopérative où on pèse la récolte, où on la fait griller et d'où on transporte le café dans les ports. Les bénéfices de ce commerce équitable sont appréciables sur place : chaque récoltant reçoit un acompte sur sa récolte, payé par la coopérative. En s'associant, les récoltants ont pu acheter des camions qui font le transport des petits villages haut-perchés dans la montagne jusqu'à la coopérative, puis jusqu'à Vera-Cruz, énorme ville portuaire du Golfe du Mexique. Comme les coyotes ont été éliminés, le récoltant est payé en fonction du cours international du café. Avec l'argent gagné, on a pu construire des écoles, des dispensaires, continuer les conseils en matière d'agriculture bio et le niveau de vie des familles de petits récoltants s'est légèrement élevé. Ils ont maintenant de quoi se nourrir, ils connaissent la valeur de leur marchandise et ne sont plus exploités.

A l'autre bout de la chaîne, il y a nous, les riches Occidentaux, qui acceptons de payer plus cher une marchandise venant de l'autre bout du monde, tout en sachant qu'elle n'a pas été trafiquée et que l'argent permettra à des communautés de se redresser et de vivre dignement.

Le documentaire était passionnant parce qu'un homme y parlait de sa foi… pas en dieu, pas comme un forcené… c'est un homme tout simple, 85 ans, aimé de tous les petits villageois indigènes des alentours parce qu'il leur a apporté la dignité qu'ils avaient perdue depuis 500 ans. Il a une citation d'ailleurs au sujet de la charité (il s'exprime en espagnol) : la charité, c'est commencer par faire une petite plaie sur quelqu'un, puis l'agrandir en créant un besoin ensuite avilir l'homme en le rendant dépendant (c'est une paraphrase).

A la suite du documentaire de 52 mn, débat. J'y ai appris qu'un décret va être appliqué, rendant visible le commerce équitable et demandant un décodage clair et uniforme sur tous ces produits… “car les Français n'y comprennent rien” ai-je entendu ! Et là je m'inscris en faux ! Je suis de ceux qui épluchent les étiquettes, la composition, la provenance avant d'acheter. Exemple : la plupart des chocolats vendus en grande surface contiennent de la lécithine de soja (merci l'Europe)… sauf le chocolat équitable fait au Vénézuéla, au Pérou, ou ailleurs. Au début de la chaîne, les récoltants obéissent à une charte de qualité : point de lécithine de soja dans les chocolats équitables !

Autre sujet abordé au cours du débat par un journaliste auteur d'un livre critrique envers le commerce équitable. Il y parle d'enrichissement… et d'abus. Certes, mais l'enrichissement, il est du côté des grandes surfaces qui vendent les produits équitables avec de curieuses marges, qui varient selon les marques. S'il y a pourrissement dans le commerce équitable, une fois de plus, ça vient du côté des détaillants occidentaux !

Parce que, côté campesinos indigènes, la vie est toujours très difficile, mais il y a eu une nette amélioration parce qu'ils savent : ils savent lire les cours de la bourse, ils savent ce qu'il faut faire pour que leur café ne pourrisse pas, pour qu'il soit odorant sans matière chimique, ils savent qu'il vaut mieux que leurs enfants aillent à l'école plutôt que de marner dans les récoltes, qu'ils ne mourront plus de maladie guérissable, qu'ils pourront élever des volailles et auront ainsi leur “milpa” : maïs, courge et volaille, de quoi vivre en autarcie. Il y a 4 ou 5 ans, je suis allée à Lille à un congrès sur l'associatif humanitaire et je m'étais inscrite justement à la conférence sur le commerce équitable. Le conférencier était un producteur de café péruvien, directeur de sa coopérative (ils ne le sont pas “à vie”, la direction tourne). Il racontait tous les changements positifs que le commerce équitable leur avait apportés.

Artisans du Monde, Max Havelaar et d'autres milieux associatifs distribuent des produits fabriqués proprement par des gens qui sont en train de retrouver leur dignité… On peut maintenant facilement trouver de l'huile ou des savons de Palestine, du café mexicain, péruvien, du chocolat de Colombie, de Java ou d'ailleurs… si on en a les moyens, achetons équitable des produits sans additifs chimiques, cultivés dans l'esprit bio par des petits paysans respectueux de l'environnement. C'est aussi une façon d'être citoyen pendant que les Grenelles de l'environnement dévident leurs coquilles vides. Un intervenant disait hier que c'était une fantaisie de “bobos” que d'acheter équitable ! Eh bien la bobotte que je suis l'emmerde !

Le commerce équitable vu de “là-bas”… puis d’ici !

Avant de conclure, petit rappel des piliers du commerce éthique :
- progrès social
- respect de l'environnement
- pérénnité économique
- gouvernance coopérative.

Puisque les indigènes nous montrent l'exemple, sur l'initiative de quelques occidentaux “allumés”, pourquoi ne pas faire comme eux et se ré-approprier ces principes ? Ca marcherait mieux à mon avis.


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