Magazine Culture

Anthologie permanente : Isabelle Pinçon

Par Florence Trocmé

Je vous parle mieux en écrivant. Mais aussi par le bas du ventre. Chaque fois qu’un mot arrive, je vous l’adresse. Nous avons tous les deux les corps qui s’attendent. Nous avons tous les deux les corps qui nous quittent pour rejoindre celui de nous qui n’est pas là. 

Tu me restitues plus vraie que moi. Si je regarde un coquelicot, c’est un baiser. Je suis allée aimer au lieu de toi cet endroit retenu encore. Nous allons nous marier puisque tu veux. Je t’aime énormément l’énormité que tu me donnes ricoche en moi comme une balle perdue, je suis impossible à aimer si énormément. 

Tu me demandes si ça existe d’autres mots pour dire je t’aime. Répondre qu’il n’y a pas d’autres mots que ceux-là en train d’être dits par toi. Répondre que le poète ne remplace pas les mots par d’autres mots. 

Une pluie fine à mouiller les mariés, une pluie de riz comme il neige depuis. Je dois pouvoir te pénétrer à tout moment. Les lèvres d’une femme sont nombreuses, êtes-vous d’accord, vous hochez la tête, vous étiez d’accord. Le lit est assez grand pour rester fermé, ta main ne revient pas et le matelas ouvre la trappe. Il y a un cri qui tombe à la fin. J’ai bien fait d’avoir tout fait, j’ai bien fait car nous l’avons fait. Ensuite nous regagnons nos places, le travail du jardin que je prépare doucement.  

Mon objet préféré n’est pas le mot, mon objet préféré est le mouvement du mot. Celui de nous qui se tient à côté lui fait signe d’avancer ou de reculer, la marche du mot de vous à moi. Vous réclamez que ça recommence sous la couette tant de fois. Vous faisiez cela très bien chaque jour aussi souvent. Dans le lit il n’y a pas que des corps, le sommeil nous dépasse, autour c’est déjà trop loin. 

Deux corps qui se touchent sont un même mot roulé en boule au pied d’une seule page. C’est pour vous dire les petite choses sur mon ventre vigoureuses rebondissantes, heureuses d’avoir plongé dans mon sexe, turbulentes incandescentes combien vous êtes présent. 
 
Isabelle Pinçon, Lhommequicompte, p.11, 17, 25, 30, 37, 65 ( Cheyne, 2006)  
 
 
par Ariane Dreyfus 
 
 


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines