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Y’aura-il encore des auditeurs sur France Inter à la rentrée ?

Publié le 09 juillet 2010 par Guy Deridet
C’est la question qui hante France inter. Suite à l’éviction de Didier Porte et de Stéphane Guillon, on ne compte plus les milliers de messages d’auditeurs qui continuent d’arriver pour dire leur colère et jurer qu’ils n’écouteront plus jamais cette radio. Y’aura-il encore des auditeurs sur France Inter à la rentrée ? Mais que fait la direction devant cette hémorragie sans précédent ?
Seul, barricadé dans son bureau, le directeur se frotte les mains. Oui, il est ravi, il se sourit à lui-même, tout fier de la mission accomplie. Une mission très claire : faire fuir le plus d’auditeurs possible.

La mise à pied brutale des deux humoristes n’est pas une gaffe stupide, c’est l’exécution d’une feuille de route bien précise. Aux yeux du pouvoir actuel, France inter est un repère de bobos socialistes et d’islamo- gauchiste, c’est surtout et avant tout un bastion de l’anti sarkozysme.

Or, à l’approche des présidentielles, pas question de négliger le moindre détail. Il faut restructurer cette antenne « de façon plus objective » selon l’Elysée.

Conseillé par sa compagne Carla Bruni, le Président lui-même a esquissé une nouvelle grille : Jean-Marie Bigard pour la matinale, Serge Dassault pour les banlieues, Alain Finkielkraut et Michel Sardou pour les grandes idées, Etienne Mougeotte pour le rire, Liliane Bettencourt pour parler d’amour...

Un bien beau projet mais de longue haleine. Le temps pressait, et - on l’a vu - les auditeurs n’apprécient guère que l’on change leurs habitudes.

Donc une autre idée s’est imposée. Pour lutter contre la propagande socialo-communiste, le moyen le plus efficace c’est de faire baisser l’audience. Mais encore fallait-il trouver celui qui l’appliquerait. Prendre une entreprise en bonne santé et la conduire dans le mur n’est pas à la portée du premier venu. Sauf à trouver quelqu’un de suffisamment incompétent et qui serait prêt à tout pour se voir dans le miroir du pouvoir. C’est ainsi que s’imposa le nom de Philippe Val. C’est, dit-on, Carla Bruni en personne qui suggéra le patron de Charlie hebdo, célèbre pour n’avoir pas hésité en juin 2008 à faire accuser d’antisémitisme le vieux dessinateur Siné dont il voulait se débarrasser. Le tribunal reconnut la complète innocence de Siné et les lecteurs laissèrent tomber ce journal comme un fruit pourri.

Coup double pour Val qui, en un temps record, réussit à perdre à la fois un procès et un journal. Cette prouesse allait lui ouvrir les portes de France Inter. C’est Carla qui lui annonça la bonne nouvelle.

Pour masquer sa parfaite ignorance de la radio, il eut l’idée de faire appel à son vieil ami Jean-Luc Hees, ancien grand professionnel de la profession retiré dans le bocage normand à cultiver ses tomates, ses choux et son cheval. Contre un bon salaire et une belle auto (avec chauffeur), Hees accepta le job de Président que lui offrit Nicolas Sarkozy, sur lequel il avait écrit un livre passé inaperçu. Etait-il à jeun en signant son engagement ? On l’ignore. Le lendemain, une fois dissipées les brumes matinales, il s’aperçut qu’il n’y avait pas de marche arrière ni même de frein dans son contrat. Et il comprit que jusqu’à la fin du film, il porterait le chapeau avec écrit en gros « Sarkozy » dessus. Oui, jusque dans son cercueil, sur son chapeau de cow-boy il y aurait, indélébiles, les sept lettres « Sarkozy ».

L’ordre d’éliminer les auditeurs ne fut jamais formulé par le pouvoir. On savait que ces deux-là ne manqueraient pas la première occasion pour combler les attentes de l’actionnaire-Président. On reconnaît les grands professionnels à ce qu’il n’est plus nécessaire de leur donner des ordres. Une petite tape sur le derrière de temps en temps leur suffit, ou une décoration.

En juin 2010, la façon de congédier les deux humoristes les plus populaires du pays et qui assuraient une excellente audience a surpassé toutes les attentes : la brutalité, la mauvaise foi, l’arrogance. Tous les ingrédients pour enrager l’auditeur et le faire fuir vers d’autres radios, Europe 1 par exemple, la radio de l’ami Lagardère.

« Barrez-vous, tas de cons ! Barrez-vous ! » répétait tout seul le directeur enfermé dans son bureau en voyant sur l’écran le nombre de messages et de signatures au bas des pétitions. Certes, pensait-il, il reste des émissions auxquelles les auditeurs sont attachés. Il faudra les déplacer à des horaires confidentiels, les gommer de la une du site de la chaîne, leur refuser toute promotion... Et puis, après tout, pourquoi France inter échapperait au sort de tous les Services Publics ? Nous sommes dans une époque de rigueur et de réduction des coûts. Il y a là des économies à faire et des bouches à faire taire.

Mais voilà qu’il est interrompu par la rumeur d’une manif sous ses fenêtres. Entre les lamelles du store il aperçoit sur le parking de la maison de la radio, la foule des auditeurs venus protester contre la mise à pied des deux chroniqueurs à l’appel de l’intersyndicale. Il les entend faire rire la foule en promettant du goudron et des plumes pour la direction, c’est-à-dire lui-même ! Et là, seul dans son bureau, il glousse de plaisir. Se faire haïr par une foule d’imbéciles est une rare jouissance pour un esthète.

Il sent son portable vibrer dans sa poche. C’est un message de félicitation, signé Nicolas. Il pense que c’est son ami Nicolas Demorand, l’animateur vedette de la chaîne, qui le félicite d’avoir viré Didier Porte. On se souvient en effet comment Demorand, sur Canal+, le 5 juin, avait condamné Didier Porte et approuvé son renvoi.

Mais non, le message est signé « Nicolas S. »

S. comme ... heu...

Le directeur ressent comme une bouffée de chaleur, il lui semble même éprouver une légère érection.

Malgré le tremblement de sa main, il parvient enfin à lire le message :

« Cass’toi pauv’con ! t’ es viré ! »

Marie B.
La-bas.org
3 Juillet 2010
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