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Roman Polanski arrêté, puis libéré, en application du droit par la Suisse

Publié le 13 juillet 2010 par Francisrichard @francisrichard

Le cinéaste Roman PolanskiQuand Roman Polanski [dont la photo provient d'ici] a été arrêté à Zürich le 26 septembre 2009 à sa descente d'avion, la Suisse a appliqué le droit international auquel elle adhère.

Le 29 septembre 2009 j'écrivais sur ce blog [voir mon article La justice américaine devrait clore le dossier Roman Polanski ] :

"Quoi qu'il en soit des circonstances, il faut préciser que la Suisse ne pouvait pas se dérober à la demande d'extradition de la justice californienne. Si en Suisse le crime sexuel de Roman Polanski, relations avec une mineure de 13 ans, est prescrit - le crime de pédophilie a été rendu récemment imprescriptible en Suisse, mais cette imprescriptibilité ne s'applique pas aux crimes anciens -, il ne l'est pas aux Etats-Unis. Or, comme le rappelle, dans 24 heuresMe Christophe Piguet, spécialiste de l'entraide judiciaire, "l'extradition doit être ordonnée en fonction du droit américain (ici)""

Il est vrai aussi que la justice américaine ne s'est pas bien comportée à l'égard de Roman Polanski. Le 29 septembre 2009 j'écrivais :

"A l'époque, un accord est intervenu entre le procureur et les avocats des deux parties, et il a été approuvé par le juge : la reconnaissance de sa culpabilité par Roman Polanski et les 47 jours de détention qu'il a déjà effectués sont pénitences suffisantes pour satisfaire la partie civile.


A la surprise des autres protagonistes, à la dernière minute, le juge revient sur sa parole et n'honore pas cet accord. C'est pourquoi Roman Polanski fuit pour échapper à une peine qui peut aller jusqu'à 50 ans de prison
."

C'est justement ce point que Madame Eveline Widmer-Schlumpf, Ministre suisse de la Justice, a cherché à élucider. Or la justice américaine s'est dérobée, si l'on en croit le communiqué du 12 juillet 2010 du Département fédéral de Justice et police ici :

"Dans le cadre de l’examen de la demande d’extradition, l’Office fédéral de la justice (OFJ) avait demandé, le 5 mai 2010, aux autorités américaines de lui faire parvenir, à titre de complément à la demande, le procès-verbal d’une audition du procureur Roger Gunson, alors chargé du dossier, menée le 26 février 2010. Ce document devait permettre de confirmer que le juge avait bien assuré aux représentants des parties, lors d’une séance le 19 septembre 1977, que les 42 jours que Roman Polanski avait passés dans la division psychiatrique d’une prison californienne couvraient la totalité de la peine d’emprisonnement qu’il devait exécuter. Si ces faits sont avérés et que Roman Polanski a dès lors effectivement exécuté l’intégralité de sa peine, la demande d’extradition des autorités américaines et, a fortiori, la procédure d’extradition sont dénuées de fondement.

Le 13 juin 2010, le Département américain de la justice a refusé de donner suite à la demande de l’OFJ en se fondant sur une ordonnance du tribunal concluant à la confidentialité de ce procès-verbal. Dans ces conditions, on ne saurait exclure avec toute la certitude voulue que Roman Polanski ait déjà exécuté la peine prononcée autrefois à son encontre et que la demande d’extradition souffre d’un vice grave. Vu les incertitudes qui subsistent quant à l’exposé des faits, la demande d’extradition doit être rejetée."

Pour ce qui est des circonstances de l'arrestation du cinéaste j'écrivais le 29 septembre 2009 :

"Les circonstances dans lesquelles s'est déroulée son arrestation peuvent indigner (ici). Je le conçois fort bien. Roman Polanski est un invité de marque du Festival du Film de Zürich (ici), au cours duquel il doit recevoir un prix pour l'ensemble de son oeuvre, et recevoir l'hommage du chef de l'Office fédéral de la culture, Frédéric Jauslin. Or il est arrêté, le 26 septembre, au soir, à sa descente d'avion par la police zurichoise, à la demande, faite la veille, de la justice californienne. La main gauche ignore-t-elle donc ce que fait la main droite? S'agit-il d'un traquenard? 
Ce qui peut étonner en tout cas c'est que Roman Polanski se rend régulièrement en Suisse, à Gstaad, où il possède un chalet, et que, justement, il est arrêté le jour où il se rend à Zürich pour y recevoir un prix, alors qu'il y avait certainement d'autres occasions de le cueillir, dans des circonstances plus discrètes
."

Le communiqué du Département fédéral de Justice et police revient sur ces circonstances :

"En droit suisse, la protection de la bonne foi est inscrite à l’art. 9 de la Constitution fédérale. Il faut dès lors tenir compte du fait qu’il était de notoriété publique que Roman Polanski séjournait régulièrement en Suisse depuis l’achat de son chalet à Gstaad en 2006. Plusieurs années se sont pourtant écoulées sans que les autorités américaines adressent à la Suisse de demande formelle d’extradition. En outre, les autorités suisses n’ont procédé à aucun contrôle à l’endroit de Roman Polanski à la suite de son inscription dans le registre suisse des signalements de personnes. Ces circonstances ont conduit à l’instauration d’un climat de confiance : Roman Polanski ne se serait certainement pas rendu au Festival du film de Zurich en septembre 2009 s’il n’avait pas eu confiance dans le fait que ce voyage n’aurait pas de conséquences juridiques."

Il n'a donc pas été donné droit à la demande d'extradition américaine par la Suisse :

"Eu égard au manque de précision de la demande d’extradition concernant l’exposé des faits et aux principes de l’ordre public international régissant l’action de l’Etat, l’appréciation des tous les aspects de l’affaire commande le rejet de la demande d’extradition"

Je terminerai en réitérant ce que je disais il y a quelque dix mois. La justice américaine devrait clore maintenant le dossier Roman Polanski :

"Samantha Geimer [la victime du crime sexuel commis par Polanski] est sévère avec le juge, "plus intéressé à sa propre réputation qu'à un jugement équitable et au bien-être de la victime", qui, par la publicité faite autour de l'affaire, a souffert en quelque sorte une peine à vie. Quand elle dit cela au Los Angeles Times 26 ans ont déjà passé. 6 autres se sont encore écoulés depuis. Roman Polanski est devenu un autre homme et, à ma connaissance, il n'a jamais récidivé. C'est tout cela qu'il faut aujourd'hui prendre en considération, pour apprécier son cas, et certainement pas sa qualité d'artiste éminent."

En effet la prescription fait partie des valeurs chrétiennes sur lesquelles reposent notre monde "occidental". Il ne s'agit pas d'oublier, mais de pardonner, comme l'a fait la victime elle-même, après autant de temps, 33 ans tout de même, dont, en Suisse, 69 jours de détention et 220 jours d'assignation à résidence.

Francis Richard


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