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L'autre monde, les vacances, semaine ciné dernière.

Publié le 15 juillet 2010 par Petistspavs

Cette Séance du mercredi publiée le jeudi est la dernière de la saison. Je réfléchirai pendant l'été à une autre formule intégrant les sorties du week-end ("Copier(s) collés du vendredi"). Dites-moi, si vous avez des idées. Il est de tradition ici  de vous accueillir en musique. Cette semaine, une musique de film, bien sûr, mais pas la version originale. L'impeccable Baptiste Trotignon reprend en piano solo Love me tender, standard indétrônable, parce qu'on peut faire beaucoup de choses agréables en écoutant ça. Comme lire cette chronique ?

Chronique allégée cette semaine.

LE FILM DE LA SEMAINE

Aff_autre_monde
L'AUTRE MONDE
film franco-belge de Gilles Marchand (2008, 1h40)
scenario Gilles et Marchand et Dominik Moll (vu dans La reine des pommes)
Distributeur : Haut et Court
Avec Grégoire Leprince-Ringuet, Louise Bourgoin, Melvil Poupaud, Pauline Etienne (Le bel âge, avec Piccoli)

Synopsis : C’est l’été dans le Sud de la France. Gaspard est un adolescent heureux qui partage son temps entre ses amis et sa copine, Marion. Mais Gaspard va rencontrer Audrey et sa vie va basculer. Car Audrey est belle, sombre et double. Sur un jeu en réseau elle se fait appeler Sam et cherche un partenaire pour mourir. Pour tenter de l’approcher Gaspard se crée lui aussi un avatar, Gordon, et part la retrouver dans Black Hole.

C'est un film absolument vénéneux. Imaginez une jeunesse qui s'ennuie un peu mais sans souci réel. Comme une boule prise de folie dans un jeu de quille un peu placide, Sam va surgir de l'ombre et précipiter l'ordre mollement installé dans les corps bronzés et les consciences endormies, dans une danse de mort hideuse et sexy.
Il y a des idées étonnantes de cinéma dans ce film français culturellement exotique qui gêne, manifestement, certains critiques et va déranger plus d'un cinéphile. Il est vrai que, loin du jeunisme à dents longues dont Hollywood se plait à bercer nos chères têtes blondes, les encourageant à végéter dans un spiritualisme lénifiant, de façon à s'assurer un marché pour écouler les futures 3Dïtudes reposant sur la technique et non sur l'imagination, L'autre monde les projette dans la lumière crue de la vie réelle pour les retourner comme des crêpes via un monde imaginaire qui concentre toute la perversité d'un certain regard adulte sur un certain désir teenager.
A la frontière des deux mondes, le "réel" et le "virtuel" (encore que ces catégories collent mal à cette histoire qui porte la contradiction comme la nuée porte l'orage), l'adulte-construit et l'ado à construire, le mal dominant et la femelle souffrante (tous ces mondes qui n'ont pour prétention que de contrarier l'essence des autres), Sam-Audrey, incarnée (encore un mot piège pour ce film qui s'amuse de façon glaçante avec les apparences, les miroirs et les reflets, les définitions et les désirs) par une Louise Bourgoin éblouissante, est une chimère (une succube ?) qui va, par le désordre même de sa complexion, redonner un sens à ces vies bouleversées par son passage éclair (je pense à l'éclair d'un orage).
Désolé pour ce discours abscons sur un film qui se veut populaire autant qu'artiste, mais d'une part je suis encore chez moi et j'entends y écrire ce qui me plait et, ensuite, il me semble honnête de couvrir de phrases dont le sens est incertain, un film qui conserve ses secrets jusqu'après le générique de fin.
On en sort en effet avec plus de questions que de schémas d'analyse.
Quelques certitudes. Louise Bourgoin, en apparition mystyco-sensuelle doublée d'un pauv' fille des HLM un peu pute, beaucoup paumée, est parfaite. Sa chute de reins est une ode spirituelle au cinéma en deux dimensions. J'ignore si elle est une actrice au sens classique du terme (au sens où Isabelle Huppert est L'Actrice) mais elle apporte au film une sorte d'abandon du corps et de l'âme qui signe une véritable artiste.
A ses côtés, de grands acteurs en devenir : Grégoire Leprince-Ringuet qui, après le parisianisme de ses personnages intello-fragiles chez Honoré et Guédiguian, se ruralise avec bonheur et assume une masculinité naissante mais débordante. Dieu le garde d'une évolution à la Magimel... Melvil Poupaud, dans un rôle (à nouveau, après le dernier Ozon) au dessous de ses moyens, est parfait en frère douloureux ou démiurge d'un conte qui lui échappe. Pauline Etienne confirme une présence physique et émotionnelle en devenir. Patrick Descamps, qu'on a adoré chez Lucas Belvaux (en particulier en ancien ouvrier cassé mais pas rompu, dans La raison du plus faible) est, en père attentif et impuissant de Marion, le seul adulte convaincant. A qui on se confierait.
Un vrai sujet, réellement traité, de bout en bout, un film.

Vers la fin du générique de fin, parmi les "remerciements", on a le plaisir de noter les noms de Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm. On se dit que le monde est ce qu'il est, mais qu'il est petit.

L'IMAGE DE LA SEMAINE

Heaven

Ça s'impose pour qui a vu le film (c'est une scène vraiment troublante) et pour qui le verra (c'est une belle invitation au voyage).

LES AUTRES FILMS A VOIR

L'été est la saison des reprises, le réseau Action, la Filmothèque, le Nouveau Latina débordent de choses magnifiques. Parmi les films vus récemment, je retiens TOURNÉE de Mathieu Amalric, avec ses beautés new burlesque (qui seront à Paris en fin d'année) film fascinant par la fluidité des lignes, de la bande-son, les mouvements des personnages l'un vers l'autre ou en collectif. Cette entreprise absolument narcissique était indispensable et le prix de la mise en scène, à Cannes, pour cette œuvre constamment surprenante, est particulièrement mérité.

Autre film à voir, même s'il est raté, COPACABANA de je ne sais qui, un film mal foutu avec plusieurs idées de cinéma absolument pas traitées, mais avec Isabelle Huppert. Trop vivante pour un monde en phase de refroidissement avancé, Huppert est étourdissante, incroyable en adolescente attardée folle et sage à la fois, insupportable et adorable. Il faudrait inventer le Prix Nobel de l'Actrice pour elle, plutôt que de donner la légion d'honneur à Bouïg et Mireille Mathieu...

Voilà, c'est fini pour cette année scolaire. J'ai pris un plaisir physique étonnant à porter cette rubrique chronophage mais jouissive à écrire et un plaisir indicible à découvrir vos commentaires. A bientôt toutes et tous. Bonnes vacances.


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