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Ma méthode «musicale»

Publié le 27 juillet 2010 par Abouchard

Je n'en ai jamais parlé sur ce blog, mais j'ai quelques activités en dehors de l'informatique et de l'entrepreneuriat. L'une d'elles est la musique. Je joue de la basse depuis l'âge de 16 ans, de la basse 6 cordes depuis 10 ans, et de la basse fretless depuis 2 ans. J'ai joué dans plusieurs groupes ; mon groupe actuel − Perpetual (e)motion − existe depuis 2002 et a sorti son premier album il y a peu de temps. C'est du métal progressif : l'énergie du métal avec une vraie recherche musicale.

Si, si, je vous jure, c'est vrai. La preuve en image :

Concert

Il existe grosso modo deux manières d'aborder la musique : soit on rejoue la musique des autres, soit on invente la notre. Ce n'est pas antinomique ; la plupart des groupes, amateurs ou stars mondiales, jouent des reprises au milieu de leurs propres compositions.
J'ajouterais un cas supplémentaire auquel on ne pense pas forcément, celui de la composition en groupe. On se retrouve forcément à devoir jouer certaines parties qui ont été composées par un autre membre du groupe, et d'autres parties qui sont de notre propre fait.

Tout l'intérêt de la création de groupe, c'est justement l'équilibre et la mise en danger que l'on ressent quand on essaye de créer une œuvre qui transcende les individualités, tout en exprimant la créativité de chacun.

Les principes

Pour ma part, j'ai toujours abordé la musique en appliquant la même méthode. Elle tient en 3 principes simples :

  1. Simplifier. Quand il s'agit de musique, je suis un peu fainéant. Travailler une partition à la note près, je l'ai fait assez souvent pour savoir que j'en suis capable. Mais c'est fatiguant et castrateur. Alors la première chose que je fais − qu'il s'agisse d'une reprise ou d'une composition du groupe − est de simplifier les lignes de basse qui ont été écrites. J'en extraite la substance fondamentale, qui peut être la mélodie principale ou le groove de base de la chanson.
  2. Écouter. La simplification permet d'ajouter de l'espace, qui m'offre des options pour m'exprimer, composer mes propres variations sans dénaturer le morceau. Mais le seul moyen d'apporter ma pierre à l'édifice musical, c'est de trouver la bonne mélodie, de placer la note juste au bon moment. Et pour y arriver, je prend le temps d'écouter l'ensemble du morceau, j'essaye de sentir ce qui lui manque. En abordant une chanson avec une oreille neuve, en écoutant tous les instruments en même temps, on peut apprécier ce qu'on peut lui apporter.
  3. Improviser. Je n'ai malheureusement pas le temps de travailler longuement nos morceaux. Quand j'étais plus jeune, je travaillais mes lignes de basse tous les soirs, mais maintenant c'est bien plus difficile. Je répète toutes les semaines avec mon groupe. Je mets ce temps à profit pour expérimenter, pour essayer de nouvelles choses. Je me laisse aller à l'improvisation, mais ce n'est possible que parce que j'ai d'abord épuré les lignes de basse, puis pris le temps d'écouter. Quand une mélodie intéressante se dessine, je la ciselle en l'améliorant à chaque répétition.

Cette méthode est celle que je pratique depuis plusieurs années. Forcément, c'est plus facile quand on joue avec les mêmes personnes depuis 8, voire 10 ans. J'oscille entre le rôle ingrat habituellement réservé aux bassistes de rock (soutenir le rythme) et mes velléités mélodiques (en mettre plein partout). J'aime la basse car c'est un instrument à la fois harmonique et rythmique − c'est pour ça que la basse 6 cordes me convient si bien.

Bref, je me suis souvent demandé s'il y avait des enseignements à tirer de tout cela, applicables à mes activités professionnelles. Et je me suis rendu compte qu'au final c'est exactement la même chose avec les méthodes de travail.

La partition professionnelle

J'ai déjà dit sur ce blog que les méthodes de travail ne sont que des modèles théoriques, et qu'il faut savoir les adapter à nos besoins. Je me suis aperçu que, pour y arriver, j'utilisais le même cheminement que pour la musique.

  1. Simplifier. Appliquer telle quelle une méthode de travail à une entreprise ou un groupe de projet est quasi-impossible. Le plus important est de comprendre en quoi cette méthode est différente des autres, quels en sont les points spécifiques qui vous ont conduit à vouloir l'utiliser. Retirez le superflu et concentrez-vous sur l'essentiel.
  2. Observer. Mettre en place une organisation de travail, cela ressemble beaucoup à faire une greffe. Un rejet peut survenir à tout moment. Il faut donc observer attentivement, pour voir les points qui ne sont pas suivis, et comprendre pourquoi. Certaines fois, il faudra insister sur ces points-là, d'autres fois vous pourrez finalement les laisser de côté si leur adoption n'est pas générale.
  3. Adapter. Si vous avez pris le soin de bien observer votre entreprise, vos collaborateurs et vos projets, vous devriez sentir les problèmes qui vont apparaître. C'est simple : si vous avez l'impression qu'il manque une procédure ou que quelque chose est mal défini, c'est que la méthode est incomplète dans votre cas spécifique d'utilisation. Ajoutez donc ce qui manque, en vous inspirant de tout ce que vous pourrez trouver (y compris grâce à votre propre imagination). Vous voulez saupoudrer du Scrum sur un cycle en cascade ? Rien de vous en empêche. Vous souhaitez intégrer quelques principes de l'extrem programming sur un process basé sur un cycle en V ? Essayez !

L'improvisation et l'adaptation sont des qualités qui permettent aussi bien de composer une œuvre musicale que d'améliorer l'organisation d'une entreprise. Rien n'est monolithique, contrairement à ce qu'essayent de nous faire croire la plupart des livres qui traitent des méthodes de travail. Chaque situation est différente. En entreprise, l'arrivée d'un nouveau collaborateur ou la signature d'un nouveau client peuvent vous amener à revoir en profondeur vos manières de travailler. Oui, c'est un équilibre aussi précaire que ça.
Mais justement, c'est ça qui est fun. Quand vous avez des responsabilités, vous êtes toujours en train de vous assurer que l'équilibre est respecté, tentant d'anticiper les futures pertes d'équilibre.

Tout cela est évidemment très empirique. C'est ainsi que je fais les choses naturellement, mais c'est intéressant d'étudier la question, non ?

À propos de la théorie et de la pratique

Il y a un autre parallèle à faire entre mon parcours musical et le monde de l'entreprise, celui de la formation.

Quand j'ai commencé la basse, j'ai pris des cours avec un très bon professeur pendant près de 2 ans. Cela m'a permis de prendre de bonne habitudes, de m'améliorer rapidement, d'acquérir un socle solide de connaissances sur la théorie musicale.
À côté de ça, j'ai toujours joué dans des groupes. Le premier groupe dans lequel j'ai joué, cela faisait à peine 2 mois que je pratiquais la basse. Grâce à ça, j'ai pu aborder la musique sous un angle moins intellectuel. C'est ce qui m'a appris la souplesse de la musique : on peut jouer avec les règles, l'important c'est que ça sonne.

Je connais des musiciens qui ont appris uniquement par eux-même. Certains ont développé de mauvaises habitudes : des guitaristes qui ne savent pas faire autre chose qu'un accord en quinte, des batteurs qui ne savent pas accorder leur batterie (oui, les batteries s'accordent) ni battre une mesure en 16/8. D'autres ont atteint une très bon niveau, mais cela leur prend plus de temps que s'ils avaient suivi une formation factuelle.
Je connais aussi des musiciens qui ont fait un parcours très complet en conservatoire, sans jamais sortir des «sentiers battus». Certains sont incapables de composer, ou même de participer à une composition. Beaucoup n'en ont même pas envie, ayant été formatés par des années à jouer une musique dite parfaite dont les œuvres ont plus de 200 ans (vision sclérosante des choses, non ?).

Les meilleurs musiciens avec qui j'ai joué ont suivi des cours, parfois en conservatoire, parfois pendant plus de 10 ans, mais toujours associés à des activités de composition seul et en groupe.
J'ai tendance à voir les choses un peu de la même manière concernant la formation des informaticiens. Faire des études longues, c'est bien ; y associer des stages, c'est mieux.

L'informatique est encore une sorte d'El Dorado ; chacun peut s'y lancer, développer ses propres compétences et en faire une activité commerciale. Ce n'est pas réglementé comme certaines professions (médicales, notamment).
J'ai rencontré pas mal d'autodidactes complets qui avaient un niveau technique incroyable. Mais il leur manquait souvent la capacité à analyser un problème jamais rencontré jusque là. Lorsqu'il fallait raisonner au niveau algorithmique, trouver par eux-même des solutions innovantes, ce n'était pas toujours évident.
J'ai connu aussi de jeunes informaticiens particulièrement brillants, des cerveaux qui avaient fait de longues études théoriques. Il leur manquait souvent la vision réaliste des choses qui leur permettrait de faire les bons choix. Par exemple, j'ai connu un gars très intelligent, qui voulait développer un code basé sur un algorithme génétique ; mais ce qu'on lui demandait, c'était juste un parseur (un peu compliqué comme parseur, certes ; mais il lui a fallu moins de temps pour tester et comparer les 3 ou 4 algorithmes possiblement utilisables que pour de mettre en place son algo génétique).

Il y a toujours des gars qui font des études purement théoriques et qui deviennent de vraies machines à apprendre. En sortant d'école ils ne savent rien faire, mais donnez-leur un peu de temps et d'expérience et ils atteignent des sommets. Ça existe, mais ce n'est pas courant.
De la même manière, rien n'empêche un autodidacte d'atteindre un niveau exceptionnel en prenant en main sa propre formation. Là aussi, c'est rare mais ça arrive.

Pour se donner les meilleures chance, il faut donc associer les aspects théoriques et pratiques. Mais j'espère que c'était déjà évident pour tout le monde.


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