Magazine Culture

La Femme des Sables - Kôbô Abe (Japon)

Par Woland

La Femme des Sables - Kôbô Abe (Japon)

Suna no Onna Traduction : Georges Bonneau.

"La Femme des Sables", qui est considéré comme l'un des plus grands romans de la littérature moderne japonaise et qui reçut le Prix Akutagawa en 1962, fait penser irrésistiblement à un Beckett qui aurait délaissé les planches du théâtre pour recréer ses "Beaux Jours" de façon exclusivement romanesque.

Pourtant, à la différence de l'auteur de "En attendant Godot", Kôbô plante ses personnages dans le réel, un réel de cauchemar certes mais un réel suffisamment réaliste pour que le lecteur se dise que, finalement, cette histoire pourrait arriver - et a pu arriver quelque part à quelqu'un ...

Intrigue de départ extrêmement simple : parti en congé pour trois jours, un instituteur qui consacre ses loisirs à la recherche de nouvelles espèces d'insectes se rend sur la côte japonaise, en quête d'une espèce rare de cicindèles des jardins. Il atteint un village cerné par le sable et, la nuit tombant, demande à un vieillard qui se promène s'il ne pourrait pas coucher chez l'habitant. Après s'être enquis s'il venait "de la Préfecture", le vieillard semble réfléchir et lui répond que, en définitive, la chose est possible. Par une échelle de corde, il descend dans un trou de sable où se dresse une maison habitée par une femme jeune encore mais veuve. Il y passe donc la nuit mais le lendemain, il se rend compte que l'échelle de corde a été retirée et qu'il ne peut donc plus s'en aller. Et tout autour, le sable s'entasse, s'entasse, menaçant d'engloutir tout et tous si on ne s'occupe pas à le déblayer périodiquement ...

On devine tout ce que l'esprit humain, si prompt à concevoir des angoisses en tous genres, peut tirer de pareille lecture. Ce sable qui dort et qui cependant ne cesse pas un instant de bouger et de bouger encore, l'ensevelissement programmé de ceux qui y vivent s'ils ne tentent pas de le contenir, la révolte ressentie à l'idée que cet esclavage présente quelque chose d'éternel, puis, peu à peu, la résignation qui s'installe à un degré tel que, finalement, notre héros refusera sur la fin d'abandonner maison et sable, tout cela peut se lire de bien des manières.

Le sable et ce qu'il engendre symbolisent-ils l'inanité de l'existence humaine ? ou autre chose encore ? Chaque lecteur est tenu de leur trouver une signification personnelle car, de l'auteur, il n'obtiendra rien de plus qu'un récit à la fois onirique et précis qui se conclut de façon on ne peut plus légale par un document du tribunal déclarant Niki Jumpeï - l'instituteur - comme personne disparue.

Un roman étrange, aussi irritant que le sable qu'il élève ici à la dignité de dieu-vivant, bourré d'interrogations existentielles, tout à la fois déroutant et percutant et dont il faut saluer l'implacable maîtrise du récit. Un style souple, raffiné, poétique aussi avec des pages d'un érotisme tout à fait particulier et aussi étouffant que le sable lui-même. A lire mais surtout à relire. ,o)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Woland 388 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines