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Histoire de M-J, 3.

Par Laurelineamanieux
"J'ai aussi écrit pour des gens qui traverseraient les mêmes épreuves, qui n'oseraient pas ou ne sauraient pas s'exposer sur un sujet aussi douloureux et intime, car il enferme dans une forme de solitude", me dit encore M-J.
J'ai écouté récemment Grand Corps Malade pour chercher quels mots peut-être avaient déclenché l'écriture de M-J. J'ai relevé ceux-ci : "Finies la patience et la méfiance, on s’offre simplement avec l’écriture une renaissance/ Le jour se lève et son glaive de lave nous lave des peines et douleurs du passé/ Notre avenir est lancé… " Je lus son parcours d'un accident qui interrompit sa carrière sportive à sa mutation en slameur.
Devant toute souffrance, il y a une décision à prendre. Ou elle s'invite chez soi au point de devenir la principale compagne du quotidien et puis peu à peu sans qu'on le réalise, on ploie sous sa présence monstrueuse : on n'est plus que son ombre. C'est elle qui détient les commandes du reste de notre être. Ou bien on fait du passé un pas chassé. Le slam fait cela pour M-J : une glissade en pied de nez au mauvais sort.
"J'ai pris le risque de m'exprimer avec franchise pour me libérer et me sentir moins seule, en espérant que mes mots auront une répercussion libératrice auprès de ceux qui souffrent en silence".
Libératrice parce que l'écriture l'ouvre à une nouvelle espérance dorée comme des pommes. Elle adoptera un enfant.
Elle l'écrit à la toute fin de son texte comme le début d'une chorégraphie nouvelle, avec cette retenue involontaire tellement elle lui est naturelle. Ses mots dansent alors plus que jamais entre eux, leur sonorité prend plus de poids que les images, et le corps se maintient jusqu'au bout dans une élégance, une droiture vitale.
Ce mercredi-là, dans l'herbe du parc tout près des enfants en sortie scolaire qui cherchent à gagner leur concours sportif, les confidences de M-J dansent aussi sous mes yeux. Quand elle se tait et se tourne pour acclamer ses élèves, j'ai un vacillement au coeur. Les séquoias et les eucalyptus se resserrent et bleuissent jusqu'à former les murs d'une chambre repeinte fraîchement. La prairie fait place à un tapis double épaisseur sur le sol. Le soleil tourne en sautillant accroché à un fil. Je vois M-J avec son bébé– ce sera une fille finalement en 2009 – elle la balance doucement contre son corps en lui chantant des berceuses a cappella.
A ce souvenir, je comprends désormais autrement ce que m'a dit Reno Simo. Parfois, c'est vrai, même un poème peut générer une famille.
Laureline.

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