Magazine France

Insécurité : Sarkozy a peur de son bilan

Publié le 03 août 2010 par Juan
Insécurité : Sarkozy a peur de son bilanLa semaine dernière, Nicolas Sarkozy a tout donné pour que l'on cesse de parler de l'affaire Bettencourt, du chômage et de la crise. Roms, immigration, nucléaire, Al Qaida, tout était possible. Avec son discours sécuritaire de vendredi dernier, Sarkozy espérait gagner un peu de répit, et lancer sa campagne de réélection.
Révélations chez Bettencourt
 Pourtant, ces derniers jours ont livré leurs lots de confirmations sur cette affaire de financement politique et de conflit d'intérêt. Eric Woerth a quitté vendredi sa fonction de trésorier de l'UMP. Mais l'affaire demeure.
Vendredi, Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, a confirmé certains de ses propos. A Eric Woerth qui contestait avoir demandé futur médaillé de la Légion d'Honneur de recevoir son épouse pour faire le point sur sa carrière, alors qu'il était lui-même ministre du Budget, Patrice de Maistre a répondu, par policiers interposés, que le ministre mentait : il a «confirmé ce qu’il avait dit lors de sa première garde à vue, à savoir qu’Eric Woerth lui avait bien demandé de la recevoir, mais pour discuter de son parcours professionnel, pas pour l’embaucher.» Pour l'embauche, on se référera aux écoutes clandestines de ses conversations avec Liliane Bettencourt, authentifiées par la police. Patrice de Maistre a ensuite récusé la validité des carnets de caisse de l'ancienne comptable de son employeur: «Les cahiers de caisse de Claire Thibout démontrent que ce qu’elle dit est faux.»
a déclaré son avocat. Vraiment ?
Autre information, sur l'IGF cette fois. François Baroin, actuel ministre du budget, avait confié à Jean Basseres, directeur de l'Inspection Générale des Finances, et non à l'IGF elle-même, le soin d'évaluer si Eric Woerth avait été informé de la situation fiscale de Liliane Bettencourt [qui employait son épouse], et s'il était intervenu pour empêcher un éventuel contrôle fiscal, notamment vu les informations d'évasion fiscale de François-Marie Banier révélées par le parquet début 2009. En fait, Jean Bassères avait été nommé à son poste de l'IGF par ... Eric Woerth lui-même ! La belle affaire ! Le Nouvel Obs rappelle ainsi que «le décret de nomination du 24 janvier 2008 annonçant le nouveau chef de service est bel et bien contresigné par Eric Woerth, alors ministre du Budget.» En matière d'enquête impartiale... on a vu mieux.
Mais ce n'est pas tout. L'actuel directeur de cabinet d'Eric Woerth, Sébastien Proto, est un ami proche d'Antoine Arnault, dont le beau-père est ... Patrice de Maistre. Rappelez vous les toutes premières déclarations du ministre : il connaissait à peine Patrice de Maistre. Depuis, on a appris qu'il prenait des cafés avec lui, qu'il a dîné avec, qu'il lui a même remis la Légion d'Honneur, et, last but not least, que son fidèle directeur de cabinet (qui l'a suivi du Budget au Travail), était un ami proche du beau-fils de Patrice de Maistre... Au Nouvel Obs, Anne Méaux, qui conseille Eric Woerth dans sa communication de crise via l'agence Image 7, confirme: «Oui, Sébastien Proto et Antoine Arnault se connaissent. Ils n'ont pas à s'en cacher. Mais cela n'a jamais interféré dans le travail de Sébastien Proto.» Thomas Bronnec, de l'Express, rappelle sur son blog que le conflit d'intérêt ne s'arrête pas à l'affaire Bettcncourt/Woerth : Sébastien Proto a beaucoup oeuvré pour l'adoption de la récente loi sur les paris en ligne. Or Bernard Arnault, père de son copain Antoine, possède 10% de Bwin, l'une des sociétés lancées sur le créneau, et sponsorise le dit site...
Manigances à l'Elysée
Au sein du camp présidentiel, on ne trouvait pas grand monde pour commenter ces informations. Les proches du président s'excitaient à surenchérir sur les propos de leur patron de vendredi dernier. C'est un plan, concocté à l'Elysée. Claude Guéant a multiplié les réunions et contacts discrets avec les hauts responsables de la police pour préparer une salve d'annonces sécuritaires tout au long de l'été. le clou du spectacle sera la présentation le 7 septembre par Brice Hortefeux de la loi de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi). Eric Besson suivra de peu avec une loi sur l'immigration. Le hasard du calendrier sarkozyen fait bien les choses, le 7 septembre est la journée retenue par toutes les organisations syndicales pour protester contre le projet de réforme des retraites.
En attendant, les ténors de l'UMP appliquent la feuille de route présidentielle, et délivrent quelques propositions sécuritaires qui «approfondissent» les déclarations de leur patron vendredi dernier.
Brice Hortefeux a ainsi annoncé dès dimanche qu'il voulait aller «plus loin» sur la déchéance de nationalité. Il souhaite étendre les possibilités de déchéance de nationalité aux cas d'excision, de traite d'êtres humains ou d'«actes de délinquance grave». La fraude fiscale à grande échelle est-elle un acte de délinquance grave ? Les services d'Eric Besson avaient confirmé avoir durci certaines dispositions de la prochaine loi sur l'immigration.
Dimanche dernier, Eric Ciotti, l'ancien suppléant de Christian Estrosi, devenu député et secrétaire national de l'UMP en charge de la Sécurité, prépare un texte sur la responsabilité pénale des parents des mineurs délinquants. Sa grande idée est de proposer deux ans d'emprisonnement ferme aux parents qui n'auraient pas fait respecter les obligations auxquelles seront soumis leurs enfants condamnés: «Les parents du mineur encourront alors une condamnation pénale qui pourra aller jusqu'à deux ans de prison» a-t-il expliqué au Journal du dimanche. Il précise d'abord: «Nous voulons que, systématiquement, en cas de condamnation d’un mineur, le magistrat mette en place un plan de probation sous la responsabilité de ses parents.» Et si ces derniers n'obtiennent pas de résultats (scolaires, ou autres pour leur progéniture), et bien Eric Ciotti a prévu l'article qui va bien : «Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende, le fait par le père ou la mère de laisser son enfant mineur, lorsque celui-ci a été poursuivi ou condamné pour une infraction, violer les interdictions et les obligations auxquelles il est soumis.»
Cette stratégie sécuritaire est dangereuse... pour Nicolas Sarkozy lui-même. Une partie de l'opposition tombera peut-être dans le piège maladroitement tendu par l'Elysée, et s'offusquera de cette surenchère. Mais le vrai risque pour Sarkozy est que l'on parle de son bilan en la matière : vendredi, il a voulu rapidement évacué le sujet, refusant un Grenelle, et livrant quelques chiffres apparemment flatteurs de lutte contre la délinquance. En fait, son bilan est doublement mauvais : désastreux en termes de résultats (d'après ses propres statistiques officielles), et en termes d'image. Sarkozy a perdu sur les deux tableaux, l'éthique et l'efficacité.
L'ampleur des surenchères des quelques jours précédents ne trompe personne : elle illustre l'inquiétude du Monarque.

Woerth-Bettencourt : "Le conflit d'intéret était pâtant..."
envoyé par politistution. - L'actualité du moment en vidéo.

Retour à La Une de Logo Paperblog