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Les voix de Jean Ferrat

Publié le 28 mai 2010 par Fmariet

Les voix de Jean FerratLa mort de Jean Tenenbaum, alias Jean Ferrat, a retenu l'attention de la presse. Retentissement inattendu. Des articles dans Le Parisien, la une de Paris Match (850 000 exemplaires), un hors-série de L'Humanité avec le DVD d'une émission de Denise Glaser diffusée en 1971 (témoignge éloquent de l'évolution des émissions de variété). Pourquoi ce succès médiatique d'un chanteur qui ne faisait plus de scène depuis 1973 ? Peut-on lire dans cette popularité médiatique l'oeuvre de forces que n'expriment pas les procédures électorales ? Que disent de souterrain ces "plébiscites" populaires exprimés pour Michael Jackson, Jean Ferrat ou Johnny Hallyday, qui ne se dit pas autrement ? 
Dans la popularité discrète de Jean Ferrat se dessine une France qui n'a plus guère d'occasions de [se] manifester ; "sa" France ("Ma France") se tient évidemment loin de la "Douce France" que Trénet chante en 1943 dans un Paris tenu par les nazis et les collabos. C'est la France de Robespierre, de la Commune, des Partisans, du "vieil Hugo", symboles que se disputent des politiciens aujourd'hui.
Les chansons de Ferrat énoncent un engagement personnel de mauvaise humeur, révolté et conservateur, loin des "multinationales", loin des people ("Ma Môme", chanson reprise par Godard dans "Vivre sa vie")un peu écolo, un peu communiste et antistalinien, un peu Drucker et un peu Pivot... Beaucoup de nostalgies et de doute aussi, difficiles : "La Montagne" ou encore la chanson féministe et tendre de "La Vieille dame indigne" (film de René Allio, 1965, d'après une nouvelle de Brecht), "On ne voit pas le temps passer".
La France de Ferrat est aussi celle de Lorca, des Gitans, celle de "Nuit et Brouillard" (1963) - le père de Jean Ferrat est mort assassiné à Auschwitz. La chanson sur les camps sera "déconseillée" par le directeur de la radio et de la télévision d'Etat (ORTF). "Douce France" ! Le politiquement correct, terriblement incorrect, n'est pas nouveau. Ce ne sera pas la seule chanson censurée (cf. la liste établie par Le Nouvel Observateur).
Toutes ces voix composent une polyphonie politique, qui ne trouve pas son expression politicienne, et que trahit et déséquilibre nécessairement chacune de ses voix séparément. "Toutes ces voix se multiplient pour n'en plus faire qu'une..."
Les médias à l'occasion d'un événement (décès, anniversaire, accident) organisent une consultation électorale involontaire, imprompte, non intrusive, hors institution, non contrôlée dont les élus n'ont pas été candidats. La science politique devrait prêter attention à ces voix de traverse hors de toute doxa des doxosophes.

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