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Le jars jase sur le Swing

Publié le 07 août 2010 par Assurbanipal

Brian Blade

La photographie de Brian Blade est l'oeuvre du Swinguant Juan Carlos HERNANDEZ.

Un journaliste anglais demanda un jour à Louis Armstrong: " Monsieur Armstrong, pouvez vous nous expliquer ce qu'est le Swing? "

" Si tu le demandes, c'est que tu ne le sauras jamais, mec! "

Le jars jase sur le Swing

Le jour où Louis Armstrong apprit que Benny Goodman, un Blanc, s'affichait partout comme le " King of Swing ", Louis entra dans une telle colère que ses amis durent le persuader de ne pas aller tuer Benny Goodman.

Ceci dit, Swing signifie " Balancer ". En sport, c'est un terme bien connu des golfeurs. Le swing de Tiger Woods fait des ravages mais pas seulement sur les greens de golf. Il sert aussi en boxe. Mohamed Ali swinguait terrible, que ce soit avec les poings ou les mots. Miles Davis pratiquait la boxe en 1970 lorsqu'il aborda la partie la plus dure, la plus électrique, la plus noire de sa carrière. Au tennis, le service imprévisible et terriblement efficace de " Pistol " Pete Sampras venait de son swing, la nonchalance féline de ce joueur rappelant celle d'un danseur.

En musique, le Swing invite à se balancer sur la piste de danse et plus si affinités. Comme l'expliquait le pianiste John Lewis, le maître de cérémonies du Modern Jazz Quartet, certains musiciens classiques swinguent terriblement, certains musiciens de Jazz pas du tout. Les Jazzmen qui ne swinguent pas ne m'intéressant pas, j'évoquerai d'abord les musiciens classiques qui swinguent.

Une place particulière doit être réservée ici à Claude Debussy. Bien que Debussy ait écrit " Le pianiste doit faire oublier que son instrument est composé de marteaux qui frappent des cordes ", ce qui est à l'opposé du piano Jazz, son écriture influença des Jazzmen aussi divers que Duke Ellington, Charlie Parker, Bill Evans, Jimmy Giuffre. Debussy lui même, les oreilles aux aguets, découvrit le Jazz et écrivit un " Cake Walk "  (une des premières danses Jazz) dans " Children's Corner " pour sa fille de 4 ans. Le voici dans une version d'anthologie par Alfred Cortot, le pianiste des pianistes.

Comme exemple de pianiste classique qui swingue, John Lewis citait  Ivo Pogorelich. En 1986, j'ai eu la chance d'écouter Pogorelich seul en concert. A un moment, le piano fit " Plonk ". Une corde du piano venait de céder sous les assauts du pianiste. Imperturbable, Ivo continua son concert. De temps en temps, le piano faisait un bruit bizarre lorsque la corde fatiguée était sollicitée. L'ensemble restait splendide malgré ce détail. Un grand Jazzman n'aurait pas fait mieux. Keith Jarrett, lui, aurait certainement arrêté son concert. Pas Ivo Pogorelich. Même sur Beethoven, il swingue.

Après ces deux exemples tirés de la musique dite " classique " (Leonard Bernstein préférait parler de musique "exacte"), voici quelques morceaux de Jazz où le Swing est indéniablement présent, hors de toute définition savante.

Les années 1920 furent appelées aux Etats Unis d'Amérique la " Swing Era ". Parmi les nombreux orchestres qui firent danser les Américains de cette époque, un seul avait pour slogan " Rhythm is our business ", celui de Fletcher Henderson.

Dans les années 1930, deux Aristocats du Swing faisaient chavirer les corps et les coeurs, le Comte de Basie et le Duc d'Ellington. Pour sa rythmique en acier trempé (Freddie Green à la guitare, Papa Jo Jones à la batterie) , voici l'orchestre de Count Basie dans son " One o'clock jump ". Pour son titre qui est une leçon de vie, plus encore que de musique, voici l'orchestre de Duke Ellington dans " It don't mean a thing if it ain't got that swing ". (solo de sax ténor par Ben Webster).

Le Swing se danse bien entendu. Les Maîtres du genre ce sont les frères Nicholas, Harold et Fayard. Leur numéro dans le film " Stormy Weather " est le plus grand numéro de danse jamais mis dans un film selon Fred Astaire. Pour les analystes, voici ce numéro expliqué par Gregory Hines, danseur. Pour les amateurs, voici  ce numéro de danse où les Nicholas Brothers entrent dans l'orchestre de Cab Calloway et y mettent le feu sacré. Attention, ils font TRES mal!

Avec l'arrivée du Be Bop dans les années 1940, le Jazz cesse d'être une musique de danse pour devenir une musique de concert. Heureusement, Dizzy Gillespie était là. Trompettiste, chanteur, pianiste, chef d'orchestre, compositeur, danseur, militant, philosophe, clown, cet homme avait tous les talents. Ajoutant le percussionniste cubain Chano Pozo à son orchestre, il invente l'afro cubain et la salsa. " Le rythme afro cubain est comme la joie de l'homme qui a découvert le feu " (Michel Leiris). Ray Brown, contrebasssiste de l'orchestre, raconte qu'un soir, en plein concert, Dizzy quitta la scène, descendit dans le public et s'en alla. Il revint 10 mn plus tard. Ray lui demanda ce qui s'était passé. " Oh mec, l'orchestre swinguait si dur que je n'ai pas pu le supporter! ". Ce grand orchestre dura de 1946 à 1948, jusqu'à ce que Chano Pozo se fasse descendre dans un bar de Harlem par un dealer qui ne s'était pas laissé impressionner par sa machette (comme Indiana Jones au cinéma beaucoup plus tard). Il nous reste les rengistrements comme ce " Manteca " qui frappe toujours aussi fort plus de 60 ans après son enregistrement. Louis Armstrong, paraît-il, détestait le be bop. Ca ne l'empâchait pas de swinguer comme un démon avec Dizzy comme sur cet " Umbrella man " où Louis s'amuse à perturber les soli de Dizzy (écoutez Louis et observez Dizzy).

Après cette orgie de rythme comme aimait dire Art Blakey, je conclurai cet article par un homme toujours habité par le Swing quel que soit le contexte dans lequel il joue, M. Sonny Rollins. Né à New York en 1930 de parents originaires des Iles Vierges (Antilles Américaines), Sonny a fait d'un air traditionnel antillais son hymne national,  " Saint Thomas ".

Comme le dit Sonny Rollins, si vous ne trouvez pas de Swing et de Blues dans une musique, c'est que ce n'est pas du Jazz. Le jars jasera donc prochainement sur le Blues.


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