“Les hommes-couleurs” de Cloé Korman

« Les hommes-couleurs » est une fresque épique qui prend parfois des allures de policier à suspens. Ce roman intense est particulièrement original, de par sa forme, sa construction et le ton employé. Chaque page est subtilement entourée de mystère ; des interrogations qui comme une brume, s’éclaircissent par moment avant de redevenir beaucoup plus denses et énigmatiques quelques lignes plus loin.

Le lecteur découvre le destin pour le moins singulier de Florence et Georges Bernache, expatriés dans un village mexicain par une grande société américaine qui les laissera pour ainsi-dire livrés à eux-mêmes.

A travers leur mission, conduire un chantier de tunnel passant sous la frontière avec les Etats-Unis, officiellement pour un train devenu fantôme, le lecteur plonge dans le monde de ces villageois, prêts à tout pour traverser et atteindre l’Eldorado. Leur monde fait de traditions et de croyances paraît impénétrable, même aux Bernache pourtant installés là depuis des années. Ces hommes feraient l’impossible pour rejoindre un pays plein de promesses mais où les désillusions seront immenses.

Dans ce récit incroyable, leurs histoires se mêlent à celle, également tragique, de la famille Bernache, symbole d’une certaine époque, d’une mondialisation débutante, empreinte de colonialisme à laquelle se mêlent les grandes migrations et les absurdités de l’Histoire et de l’expansion incontrôlée des grandes corporations américaines de l’après-guerre.

Ce récit est donc particulièrement riche et admirablement mené. Si les descriptions quelque peu alambiquées peuvent rendre la lecture parfois fastidieuse, celle-ci devient plus aisée à l’approche du dénouement, tant on voudrait comprendre, répondre à toutes ces questions que l’on se pose depuis le début.

Et lorsque l’on sait qu’il s’agit d’un premier roman, on ne peut qu’admirer le talent de Cloé Korman.