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Fest'arts

Publié le 18 août 2010 par Alexcessif
Fest'arts
D'une malle, un vélo et sa remorque, d'une toile noire érigée entre deux spots, elle a annexé quelques mètres carrés de la rue Gambetta habillant le pavé d'un bout de moquette rouge que les passants hésitent à franchir. Le spectacle a déjà commencé: Solen harangue et houspille! Ceux qui passent et les téméraires qui s'assoient. "-J'aime pas les trous, ça m'annnngoisse!" Elle installe à sa manière son parterre de spectateurs involontaires. Gestuelle de cirque, déplacements exagérés genre petit Poucet mais botte de sept lieux, sa silhouette filiforme charme et l'expression du visage aux mimiques de théâtre de No en instance de maquillage capte le chaland hésitant. "-serrez-vous, c'est frontal, sur les cotés vous n'y verrez pas" Et ça fonctionne:le piéton vertical repli ses cannes et devient statique et assis,obéissant, charmé, acquis, sans avoir encore rien vu. L'abattage de Solen vaut une promesse du bon moment à venir. Laborieuse la ville aux heures closes s'ouvre aux saltimbanques devant une banque fermée et les commerces somnolents. En cet Aout 2010 qui, à peine entamé, déjà donne des signes de fatigue, étals de candies, déballage, baladins, cracheurs de feux, augustes en redingote, fakirs et gratteurs de guitares, équilibristes et accordéonistes sont les maîtres de la rue pour le off des Fest'arts à Libourne. J'étais dans ma vie d' Émile Honoré Laforêt J'avais une maison aux rives de cette Dordogne qui mouillait les pieds lors des grandes marées quand le mascaret s'invitait au rez de chaussée. L'année Maybe. Miraculeusement retrouvée et aussitôt repartie. Définitivement! Involontairement! Solen est arrivée un fin d'Aout sans doute ou était-ce en septembre? Qu'importe! c'était la fin du Moi la plus difficile de mon existence Il pleuvait. Sinon elle n'aurait pas été trempée d'orage et de désespoir avec son vélo à plat, sa remorque, sa fortune dans un malle trop petite pour sa passion trop grande, sa marionnette, une sono atone et son enthousiasme pour l'heure un peu douché Moi ,j'avais dans le cœur un grand vide comme celui de la chambre où je ne dormais plus, des rustines et une garbure qui mijotait sur la fonte du poêle. J'ai réparé son vélo tandis qu'elle honorait ma soupe. J'avais des lasagnes en phase terminale, j'ai fait une béchamel et j'ai mis au four à gratiner. Pour pas gâcher, j'ai aussi creusé un puits dans une pomme, que j'ai empli de crème fraiche et de cannelle et mise au four dans un caquelon. Et puis comme l'automne nous faisait sentir son empressement d'envahir l'entre deux mers, et parce qu'elle me rappelait Maybe, Solen a passé l'hiver à se refaire la santé et l'enthousiasme avant de repartir vers sa vie de patachon, d'artiste de rue, de saltimbanque, la foi chevillée au corps, l'espoir dans le cœur et la sébile désespérément vide. Je n'avais pas de questions ni d'opinions sur sa vie de bohème,juste de l'admiration pour sa ferveur et la flamme de ses yeux, elle qui n'avait pas encore renoncé. Amour, succès, reconnaissance. Maladies mentales ces obsessionnelles certitudes de croire à son talent auto proclamé. Faut être gonflé de prétention pour prétendre à l'état de gagnant qui touche si peu d'élus pour tant d'appelés.Motivé ni par la reconnaissance du bas ventre, ni par la gratitude d'une bouteille à la mer ramassée ou par le retour sur investissement des couples GIE* attendre le succès ou l'amour véritable relève d'une  même démence.   Maybe! Il me souviens que je posais après l'amour mon oreille sur son ventre pour écouter la théorie du meilleur spermato preums à l'ovule. Tu parles: elle fait ce qu'elle veut, l'ovule. Elle bloque l'entrée et attends que tous le monde soit là. Elle ne choisit ni le plus vif, ni le plus ceci ou le plus cela. Elle choisit le plus compatible. Celui qui complètera ses propres qualités et non pas celui qui l'écraserait de son arrogance de vainqueur. Il n'est pas impossible qu'un vieux têtard la flagelle au ralenti, qui se pointe en déambulateur et à la bourre, soit l'élu. Elle sait attendre. Maybe m'avait attendu renonçant au chant et à la carrière pour déchirer des tickets à l'entrée d'un ciné qui vendait aussi du pop corn, mais surtout pas aux cigarettes qui font rire et ces poumons avaient lâché l'affaire. J'avais quitté son monde pour la retrouver dans le corps de celui qui l'avait aimé avec vingt ans de mieux. Je la croyais invulnérable. Elle ne l'était pas. De résilience en résurrection, revenu enfin sur son territoire à coup de subterfuges, transfuge de toutes mes vies où j'avais cru aimer alors que je n'aimais que l'amour. J'avais rejoint son univers, suivi son rythme,respiré sa peau, reconnu sa chaleur et retrouvé la tendresse. Il me fallait encore tout désapprendre et apprendre d'elle. La vie c'est mortel et, à part l'enclouté qui résurrectionne trois jours plus tard pour rejoindre, pas rancunier, son daron qui est aux cieux, d'elle, qui paya l'addition de tous les excès antérieurs, je ne tiendrais jamais plus le visage entre mes mains. Tandis que j'occupais définitivement la chambre d'amis, Solen vivait des hivers régénérants dans notre chambre désertée à jamais et repartait inlassablement vers sa vie, de tournées en fêtes et de fêtes en festivals. Défaite les lendemains de fêtes, je retrouvais cette migratrice et sa passion échaudée en automne avec dans l'escarcelle aussi peu d'euros que de goy dans un film d'Arcady. Puis sa ferveur de nouveau intacte dés le printemps piaffant aux canicules. L'impitoyable arithmétique additionnât les années d'attente de nos chairs qui pourrissaient l'une au tombeau, l'autre dans l'absence et de Solen qui usait sa jeunesse. Trois saisons sur quatre, je partageais cette vie de répétitions, celle des spectacles et celle des déceptions, à la lumière de son soleil, au cœur de mon hiver. Comme son ventre s'arrondissait des œuvres d'un illusionniste inconnu qui lui fit un instant de bonheur éphémère, l'effet mère d'un numéro de prestidigi/tateur et comme le Karouf d'à coté embauchait des caissières*, elle Sourit-Bonjour-Au revoir-Merci* huit heures par jour au bip des code barre sur le tapis roulant de son renoncement. Elle mange presque à sa fin. Elle est juste un peu aigrie.

Solen a remplit son espace. Chaque passant conquis, assis ou debout figé par sa mobilité, sa folie et sa fraicheur. Tout en se maquillant au noir de fumée sous les aisselles et au vermillon sur les lèvres pour un numéro de marionnettiste cracheur de flamme. Elle lace un bustier inutile sur son 85 B gracieux et un nez rouge plus tard au son d'un radio-cassette, elle entame un dialogue de ventriloque avec un négrillon de chiffon sorti de sa malle à malice. Au royaume du pas grand chose et des bouts de ficelles, des crèves-la-faim et des croques-notes, la reine blanche et solaire devient accessoiriste minimaliste qui pénètre avec sa pince monseigneur les chambres fortes des passants réticents. A l'énergie, elle gagne à sa cause, un par un les intrus dans la coulisse de Sa rue devenue coté cour, coté jardin. La narration poétique, comique, émouvante touche la part enfantine des grands et la curiosité complice des petits. Nous la suivons dans sa folie exubérante comme un tournesol suit le soleil de l'aube au crépuscule captivés par ce jour d'été qui durerait vingt minutes. Prés de moi était Maybe. Puis  Solen salue son public assis qui "y va"courageusement de quelques euros et les "debout"de la foule impécunieuse, ingrate pourtant émue et mouvante qui se carapate à la vue de la sébile. Pauvrement riche d'applaudissements nourris, l'artiste dinera ce soir du buffet à volonté de la réalité suivi du plat du jour, de tous les jours, le plat de résistance de l'avarice. Au dessert, le fakir d'à coté viendra avec les cigarettes qui font rire les solitaires des espérances .

* Groupement d'intérêts Economiques
* Pardon: Hôtesse de caisse, mais là ça l'fait pas!
* je sais, le culte de la SBAM c'est plutôt chez Auchan

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