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Eva Joly: un peu d’écologie, beaucoup de puritanisme et de calculs politiques

Publié le 19 août 2010 par Hmoreigne

 Daniel Cohn-Bendit (DCB) a encore frappé. Le lancement d’Eva Joly sur la rampe des présidentielles de 2012 constitue pour l’ancien leader de mai 68, coulé depuis 16 ans avec délices dans les confortables sièges du parlement européen, à la fois un bon coup médiatique et un verrouillage de la galaxie écologiste. Pas sûr en effet que le battage médiatique autour d’une personnalité plus connue pour son passé de magistrat que sa vision de la société et de l’écologie se traduise par une entrée en lice effective en 2012. En agitant la figure du puritanisme dans une période marquée par les affaires DCB entend bien faire monter les enchères avec le PS pour mieux négocier des circonscriptions législatives en échange d’un retrait de la candidature écologiste.

Un peu rapidement une poignée d’observateurs politiques ou d’admirateurs béats voient dans Eva Joly “une juge rouge”.  De rouge la franco-norvégienne n’a bien que les lunettes. La chasse aux turpitudes ne constitue pas un certificat de gauchitude pour une personnalité plutôt proche du Modem. “J’ai toujours été de gauche“, affirme l’intéressée qui précise qu’elle appartient à la génération 68,  qu’elle a “grandi avec le souci de préserver l’environnement, qui est très prégnant en Norvège“.

Guère convaincant pour le député Vert Yves Cochet qui n’a jamais caché ses ambitions personnelles : Je ne sais pas quelle est sa vision de l’écologie… Or il faut que notre candidat définisse une analyse du monde écolo, celui de la décroissance“. Contrainte de donner des gages sur son positionnement politique, la députée européenne s’est déclarée en faveur de la retraite à 60 ans. Un peu court tout de même pour rassurer la famille de gauche.

DCB et les supporters d’Eva Joly, Yannick Jadot notamment, jouent sur l’irrationnel.  Sur une mayonnaise improbable devenue béton, un “effet Eva” qui n’est pas sans rappeler le phénomène Ségolène. Pas de fond mais, une impression. Un sentiment qui passe, suffisamment fort pour faire basculer le cœur d’une majorité de militants verts, plutôt aptes d’habitude à la zizanie et à couper les cheveux en quatre.

Si la candidature d’Eva Joly sert les intérêts de DCB et permet d’amorcer la structuration politique du mouvement écologique, est-elle pour autant une bonne chose ? Loin de tirer la vie politique vers le haut, elle confirme la dictature de l’apparence au détriment du fond et des idées. Elle complète à cet égard magnifiquement le sarkozysme par son manichéisme et le recours aux incantations dans des interventions décousues qui laisse croire qu’il suffit de déclamer pour agir. Par une infantilisation qui ne dit pas son nom également. Aux frasques du papa bling-bling, mal éduqué il est proposé la maman maîtresse d’école, gardienne de la morale de la famille.

Au PS, elle emprunte les défauts de la dénonciation des scandales d’Etat, dans l’affaire Woerth dernièrement, sans être capable d’émettre un souffle pour la justice “ordinaire”, de proximité et son indigence matérielle. Sans s’interroger sur cette délinquance de quartier qui nourrit l’extrême droite fruit directe d’une République essoufflée qui n’est plus capable, sinon d’assurer une égalité des chances, au minimum de donner à chacun sa chance.

Ce décalage n’est-il pas au fond le symptôme de la boboïsation d’Europe Ecologie, club d’anciens ultra-gauchistes quinquagénaires, que leur aisance matérielle a coupé des problèmes terre-à-terre de la France populaire ? A cet égard, il est éclairant de relever que pour Eva Joly “les nouveaux combats de la gauche, ce sont la juste répartition des ressources entre le Nord et le Sud, la lutte contre la financiarisation à outrance de l’économie et les paradis fiscaux“.

Philippe Bilger est l’un des rares à avoir osé s’interroger sur les éventuels défauts de son ex-collègue. En quelques phrases, le magistrat pose bien le problème :” C’est le tour de force qu’a réussi cette femme. Instiller dans les têtes qu’elle absente, la justice française a forcément sombré. Qu’elle présente, le combat éthique est gagné et que ses simplismes parfois fulgurants vont faire gagner la République. En effet, il s’agit d’un véritable exploit car à analyser le fond de ses interventions et de ses déclarations, il est facile d’en faire le tour et personne n’a mal à la tête en cherchant à les retenir. C’est fait d’une démagogie subtile où les puissants et les riches ont toujours tort, où leur corruption est évidemment présumée et où la justicière flamboyante qu’elle rêve d’être s’appuie sur son existence contrastée pour tenter de nous démontrer qu’elle a plus de légitimité que tout autre pour gouverner la France“.

Elle a un caractère bien trempé, un culot sans limite et une timidité plus construite que réelle “, observe pour sa part Dominique Voynet. Mais c’est sans doute en relevant dans le JDD , qu’ Eva Joly correspond peut-être à l’époque” que la sénatrice de Seine-Saint-Denis et Maire de Montreuil est sans le vouloir la plus cruelle.

Crédit photo : Wikipédia

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