Magazine Culture

Louis-Stéphane Ulysse en Interview

Publié le 23 août 2010 par Lemediateaseur @Lemediateaseur

Louis-Stéphane Ulysse en Interview

C’est ce jeudi 26 août que sortira Harold, le nouveau roman de Louis-Stéphane Ulysse.

L’histoire nous plonge aux États-Unis en septembre 1961. Chase Lindsey, un éleveur d’oiseaux, recueille un corbeau blessé qui porte une bague argentée à la patte. L’oiseau s’appelle Harold. Ray Berwick, le dresseur de Hollywood, cherche des oiseaux pour un film en préparation, Les Oiseaux d’Hitchcock. Chase s’y rend avec ses volatiles. Lui et Harold sont fascinés par Tippi Hedren. Mais Harold est peut-être plus dangereux qu’il n’en a l’air.

Le Mediateaseur a eu le plaisir de lire ce très bon roman il y a quelques temps déjà et de pouvoir poser quelques questions à l’auteur lui-même. Un entretien très intéressant que nous vous proposons à présent pour soutenir la sortie.

 Bonjour Louis-Stéphane, 

Votre roman, Harold, sort le 26 août prochain, comment vivez-vous cette période d’attente ?

En ce moment, je commence à travailler sur un scénario de cinéma, et ensuite je dois enchaîner sur un roman… Donc, je suis un peu obligé de m’éloigner d’Harold et de faire « table rase » pour pouvoir entrer dans une autre histoire… Mais je me souviens que pour Soleil sale, mon premier roman, l’attente était difficile… Il y avait le fantasme de ne plus bouger, de ne plus rien faire, en attendant la sortie du livre… Après, on s’aperçoit que ça ne se passe jamais comme on l’imaginait…

Ce livre tourne autour du tournage du film Les Oiseaux d’Hitchcock, comment vous est venue cette idée ?

Je venais d’offrir les entretiens « Hitchcock/Truffaut » dans sa version « beau livre » à ma fiancée… Et bien sûr, je n’ai pas pu m’empêcher de le feuilleter. Je l’avais déjà lu des années auparavant mais, sans doute, pas de la même façon, et je crois m’être fait la réflexion que le rapport entre Hitchcock et Tippi Hedren n’avait jamais été traité en fiction, alors qu’il me semblait, qu’il symbolisait bien les rapports hommes/femmes, pour le meilleur comme pour le pire… Le rapport à l’altérité, le « désiré » et le « désirant », et la violence qui peut parfois en résulter… C’est un thème intemporel.

C’est un film qui compte beaucoup pour vous ?

Je ne sais pas vraiment. C’est un film que j’aime mais, après, les listes, leur ordre, changent souvent dans ma tête. Je pense que c’est un film important dans l’histoire du cinéma, comme dans la carrière d’Hitchcock et de Tippi Hedren… Aujourd’hui encore, quand Tippi Hedren signe des autographes, elle dessine un vol d’oiseaux autour de son nom. Le film touche une limite… Comme souvent chez Hitchcock, il y a un sens caché, en tout cas plus profond que ce que l’on voit, c’est la grande force de ce réalisateur.

En lisant le livre, on a vraiment l’impression d’être sur le tournage, quelle est la part de vérité et celle de votre imagination ?

Les anecdotes propres au tournage même du film sont vraies, de même que la plupart des histoires autour du cinéma et des studios d’Hollywood. Curieusement, on ne les trouve pas forcément dans des livres sur le cinéma, mais plus dans des documents ou des interviews sur la mafia… ou les archives du L.A. Times, qui sont consultables sur internet. Une bonne partie d’entre elles n’avaient jamais été traduites en français. D’autres anecdotes ont été transmises par les témoins du tournage dans des interviews, mais sans réelle trace écrite…

Le film, avec quelques autres, fait partie des légendes d’Hollywood. Le cinéma ne se « fabrique » plus comme ça aujourd’hui… D’une part à cause de l’évolution des trucages mais aussi parce que, tout simplement, la société a changé. Il est amusant de remarquer que tous les cinq ou dix ans, Hollywood se lance dans un remake des Oiseaux, mais le projet est chaque fois abandonné… Pourtant, aujourd’hui, on a la possibilité technique de faire « mieux »… Mais à chaque fois la conclusion est : « On n’y arrivera pas ». La télé américaine a fait une suite dans les années 80 mais sans grand intérêt… Sans doute parce que le scénario cherchait à expliquer une histoire qui est inexplicable. La force du cinéma d’Hitchcock, est qu’il parle d’avantage à nos émotions qu’à notre logique. Comme avec Buñuel, ou certains Fellini, Hitchcock travaille sur l’inconscient du spectateur. 

Louis-Stéphane Ulysse en Interview

Vous avez aussi réussi à rendre le corbeau Harold presque « humain ». Il y a eu un travail d’observation sur ces oiseaux ?

Oui… A moins que ça ne soit l’inverse… Durant l’hiver où j’ai écrit le texte, il y avait une corneille qui venait régulièrement au bout de ma gouttière. J’aimerais pouvoir dire que j’ai passé des mois à me documenter mais, il y avait d’avantage des intuitions, le genre de réflexion que l’on se fait quand on est excité par l’histoire qu’on veut raconter. « Ça serait bien si les corbeaux pouvaient faire ça et ça… » et à chaque fois, les intuitions se vérifiaient dans les documents consultés. Curieusement, avec les pieuvres, les corbeaux sont des animaux sur lesquels il y a eu peu de recherches avant le début des années 80. Il y avait une transmission orale entre les dresseurs, les fauconniers, d’une génération à l’autre, mais, là encore, relativement peu d’écrits. C’est seulement depuis une dizaine d’années qu’on s’intéresse aux corbeaux, et que l’on va, comme pour les pieuvres, de surprises en surprises. Aujourd’hui, on compare l’intelligence des corbeaux à celles des grands singes. Comme eux, ils fabriquent des outils pour se nourrir, et semblent capables de prêter des intuitions à autrui, ce qui, il y a peu encore, était considéré comme le propre de l’homme. Un corbeau peut, par exemple, créer des leurres, pour tromper l’adversaire : faux nid, fausse réserve alimentaire… Contrairement à la croyance populaire qui en fait un animal « noir », le corbeau est une petite personne très ludique, il passe les deux tiers de son temps à jouer et à observer. Quant à L’humanité d’Harold… Disons que, dans le roman, c’est un corbeau qui finit par se comporter en humain, par amour… Là où les hommes finissent par se comporter comme des oiseaux, parce qu’ils ne savent plus où est leur désir…

Harold est le fil rouge de ce roman, comment votre entourage professionnel a pris cette idée de départ ?

Avec réserve… Mais à sa décharge, j’ai souvent des idées, et je change assez facilement d’idées, ce qui déstabilise ou exaspère un peu tout le monde. Pour « Harold », la première personne à partager mon enthousiasme, et à avoir les nerfs suffisamment solides vis à vis de mes doutes ou de mes changements de cap, a été l’éditrice Nathalie Fiszman. J’avais à l’époque un autre projet que je venais de signer, mais Nathalie a insisté pour que je « reste » sur Harold. De fait, on se racontait l’histoire entre nous, quand on se voyait, « et ça, ça serait bien si… », « et si on faisait comme ça ? », etc. Vous parliez d’attente tout à l’heure, mais la vraie angoisse a été quand j’ai remis le texte à Nathalie. Je pense que si elle, ou son équipe, avait été déçue par le texte, j’en aurais été triste. Après, je ne suis pas un très bon communicant, je n’aime pas ça, j’estime -sans doute à tort – que c’est du temps que je ne passe pas sur mes histoires… Et la rencontre du livre avec un public potentiel, n’appartient pas vraiment à l’auteur ni à l’éditeur. On donne ce qu’on a, au mieux, du mieux que l’on peut… Mais il y a tellement de paramètres extérieurs sur lesquels on ne peut rien… De toute façon – et je sais que c’est un discours qui « crispe » les éditeurs – un bon livre, est un livre qui sort de son temps. Cela peut paraître prétentieux mais ce sont des exemples qu’un auteur ne devrait jamais oublier : Proust a du faire du compte-d’auteur pour sa Recherche du temps perdu, et Kafka n’a vendu qu’une vingtaine d’exemplaires de son premier texte. En disant cela, il ne s’agit pas de dire : « Je suis comme Kafka ou Proust », mais d’accepter de ne pas savoir forcément ce qu’on fait ni à qui on s’adresse, quand on écrit une histoire. Il y a quelque chose de l’ordre de l’indicible, on côtoie des fantômes… Ça a peu à voir avec l’intelligence ou la réflexion… On sait d’où on lance notre histoire, mais on ne sait jamais où elle va tomber… En tout cas, c’est ce fonctionnement-là qui m’intéresse…

Dans ce livre, on a de l’amour, du suspens, du policier, tous les éléments pour un succès d’été. Le sortir juste un peu avant la rentrée, c’était un choix personnel ?

Non. De toute façon, je n’aime pas faire ce genre de choix, et je pense que je n’ai pas à agir ainsi. Initialement, j’étais fatigué et un peu vidé au début du projet. Je pensais m’en tirer avec une centaine de pages. La sortie était prévue pour novembre ou février… Et puis, de fil en aiguille… Là, encore, je n’ai pas, ou plus, vraiment d’attente. J’essaye de rester fidèle à ce que je ressens, à l’histoire que je veux raconter, d’avoir du plaisir, d’en donner aux premiers lecteurs… Mais après, encore une fois, cela ne m’appartient plus vraiment… C’est plus l’histoire d’un texte qui « trouve », ou pas, ses lecteurs…

Avant de terminer, avez-vous déjà des projets pour un futur roman ? Si oui pouvez-vous nous en dire 2 mots pour les lecteurs ?

Il s’agira d’un roman historique, qui aura pour toile de fond la colonisation de l’Algérie, à l’époque de Napoléon III. Il y a eu alors un fait divers qui, au-delà de l’anecdote, symbolise à lui seul tout le rapport d’un pays occidental à ses colonies… L’espoir, la déception, la violence, l’incompréhension… D’une certaine manière, ce fait divers éclaire la recomposition de notre société aujourd’hui, avec ses carences, ses blocages, et ses injustices… En même temps dit comme ça, c’est trop théorique… Disons qu’il s’agira d’un roman d’aventures, où la magie, l’irrationnel, essayent de s’opposer à la violence…

 

Louis-Stéphane Ulysse en Interview

Le Mediateaseur remercie encore Louis-Stéphane Ulysse pour son temps et son cadeau très personnel. Harold sort jeudi aux Editions du Serpent à plume, 344 pages, 22€.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lemediateaseur 66837 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine