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Tumen, moi non plus…

Par Borokoff

A propos de La Rivière Tumen de Zhang Lu 3 out of 5 stars

Tumen, moi non plus…

Au Nord-Est de la Chine, la rivière Tumen forme une frontière naturelle avec la Corée du Nord. Chaque année, des milliers de Coréens du Nord clandestins tentent de franchir la rivière gelée et y perdent la vie. Mais un jour, un enfant nord-coréen, Jeong-jin, y parvient. Il se réfugie chez Chang-ho, un garçon de douze ans avec qui il se lie d’amitié. Chang-ho parle coréen comme beaucoup de villageois chinois vivant à la proximité de la frontière. Mais les flux de plus en plus nombreux de clandestins coréens exaspèrent les villageois chinois qui, ne supportent plus qu’on pille leurs vivres et leur bétail. Ils se livrent alors à une véritable battue contre les clandestins…

Dès les premières images de La rivière Tumen, on est saisi par la beauté des paysages, la délicatesse avec laquelle la caméra descend dans les grands arbres enneigés qui bordent l’immense et blanche étendue de la rivière. Des vapeurs gelées s’en échappent. Ce mouvement de caméra annonce la lenteur avec laquelle l’action sera menée. Les qualités plastiques de la photographie ne seront pas démenties. Est-ce la beauté formelle du film que l’on retiendra le plus dans La Rivière Tumen ?

Non, parce que le film évoque un des pays les plus fermés du monde, une dictature communiste opaque dont on ne sait rien ou pas grand-chose. La Corée du Nord est rarement évoquée au cinéma, le problème de l’émigration clandestine encore moins.

C’est donc sur un fond conflictuel et dans des paysages sublimes que l’on en parlera. Chang-ho, dans la voiture de son oncle qui transporte illégalement des clandestins coréens, lui demande naïvement: « C’est vrai que les Coréens du Nord meurent de faim ? »

Il y a un « climax » dans le film, un point brûlant, électrique que La rivière Tumen atteint après une heure. Alors qu’un clandestin Coréen du Nord s’est réfugié chez la sœur muette de Chang-ho et qu’il avale, affamé, une plâtrée de riz, la télévision se met à diffuser un programme de  propagande à la gloire du dirigeant nord-coréeen Kim Jong-il. La vision de ces images provoque l’hystérie chez le réfugié, qui dans sa démence, vomit puis viole la sœur de Chang-ho !

Cette scène hallucinante en dit plus long qu’aucun discours, mais surtout éclipse la fin du film, comme si on ne prêtait plus attention au reste de l’histoire ni même à la fin tragique de Chang-ho, qui rappelle celle d’Edmund dans Allemagne année zéro de Rossellini.

Pourtant, la suite n’est pas joyeuse non plus. Les Coréens parvenus à traverser la rivière gelée se transforment en pillards affamés à leur arrivée et se ruent sur toute forme de nourriture, ce qui a pour don d’exacerber les sentiments nationalistes des villageois et les transformer en animaux chassant des hommes de leur pays.

L’amitié entre Chang-ho et Jeong-jin aura bien du mal à résister à la crise, le jeune Chinois ne trouvant d’échappatoire à la furie, la bestialité et une forme de bêtise qui se sont emparées des villageois chinois que par son suicide. La morale du film est pessimiste voire terrifiante, qui dit qu’en temps de crise, ce sont les instincts primaires et la violence, une forme de repli sur soi et d’égoïsme qui prennent le dessus.

On pourrait dire que c’est triste de devoir aborder les relations sino-nord coréennes sous le  seul point de vue du conflit et de la lutte armée. Mais les Hommes n’échappent pas aux régimes politiques auxquels ils appartiennent. Au contraire, le film donne l’impression qu’ils s’y soumettent même aveuglément. Au mieux y adhèrent inconsciemment. On ne se soustrait pas comme cela à une dictature. Sinon par un tabassage en règle…

www.youtube.com/watch?v=gzgI1AdDU-k


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