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(Téléphagie) Les séries et la musique : l'univers musical des séries (occidentales) (Part. 1)

Publié le 05 septembre 2010 par Myteleisrich @myteleisrich

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Ayant toujours souffert d'un déficit chronique en terme de culture musicale et écoutant peu la radio, les séries ont souvent été pour moi un vecteur majeur de découvertes. Combien d'artistes devenus mes coups de coeur de la semaine, au détour d'une scène de telle ou telle fiction ? Pourtant, corrigeons quelques idées reçues. Contrairement à ce que croit Shonda Rhimes, les séries ne sont pas juste un moyen d'essayer de remplir l'ipod du téléspectateur, en lui offrant une rafale de titres pop interchangeables dans chaque épisode, au point d'en frôler l'indigestion. La musique n'a pas plus pour finalité d'assurer des transitions semblables à des clips bas de gamme et clinquants entre les scènes d'un épisode. Elle n'a pas non plus vocation à masquer et couvrir la faiblesse des dialogues ou à rectifier des scènes mal écrites.

Non, le pendant musical des séries se situe dans un registre bien plus vaste, et surtout bien plus ambitieux, où la téléphagie se décline véritablement dans un univers dérivé qui reste profondément lié à elle. Une bande-son réussie, ce sera celle qui parviendra à ne faire qu'une avec la production qu'elle est sensée accompagner (et juste "accompagner"). Ce sera celle qui saura mettre en valeur, se confondre et fusionner avec son contenu, apportant une valeur ajoutée, avant même de pouvoir être envisagée de manière indépendante. 

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La première forme d'exploitation musicale des séries passe par le biais des compositions originales, avec des morceaux spécialement conçus pour capter et retranscrire l'ambiance propre à la fiction qu'ils vont mettre en valeur. Pour se faire, la réalisation de la bande-son va être confiée à un compositeur, lequel proposera des morceaux instrumentaux (mais pas seulement) qui construiront l'identité musicale de la série. Parmi les valeurs sûres de cette industrie, quelques noms se détachent du lot. Ces dernières années, parmi les incontournables, on peut citer Bear McCreary (Battlestar Galactica, Terminator : The Sarah Connor Chronicles) ou encore Michael Giacchino (ma profonde allergie à toutes les productions de J. J. Abrams me faisant malheureusement rater pas mal de ces créations), en ce qui concerne les Etats-Unis. Toujours outre-Atlantique, il faut aussi compter avec des "classiques" valeurs sûres, comme W. G. Snuffy Walden (dernièrement dans Friday Night Lights). En Angleterre, le grand compositeur qui régale actuellement nos oreilles de téléphages, par le biais de la série Doctor Who, est Murray Gold. Ses musiques somptueuses marquent plus d'un épisode, finissant même parfois par symboliser certaines scènes ou des personnages.

En ce qui me concerne, Murray Gold et Bear McCreary occupent une place à part, autant pour leurs créations musicales que pour les séries auxquelles elles demeurent associées. Cependant, une des plus belles compositions originales jamais produites reste, pour moi, celle qui accompagna Earth Final Conflict (Invasion Planète Terre). Un bijou d'une beauté inégalée, qui reste une des premières OST de compositions originales dans laquelle j'ai investie.

Track 1, OST Earth Final Conflict
Composition : Micky Erbe et Maribeth Solomon


Si je loue le travail de Murray Gold dans la série Doctor Who, je savoure avec une certaine fascination les représentations live de ces morceaux, qui sont à la hauteur de l'oeuvre créée et dont les concerts font prendre une dimension encore supplémentaire à cette musique. 

Doctor Who, series 3 : This is Gallifrey, Our Home

Enfin, toujours dans les compositions originales, il m'était impossible de ne pas proposer un extrait de l'OST de Battlestar Galactica.

A distance sadness, Battlestar Galactica OST (season 3)


Outre les compositions originales, l'autre grande voie d'exploration musicale est le recours direct à des chansons d'artistes plus ou moins confirmés, qu'il s'agisse de grands classiques déjà populaires (il existe un catalogue d'indémodables : quelqu'un pour se dévouer à recenser le nombre de fois où Hallelujah de Jeff Buckley a retenti dans votre petit écran ?) ou de nouveautés plus underground pour lesquelles la série pourra servir de tremplin. Si intégrer ce type de musiques dans les épisodes est souvent un réflexe et semble s'imposer comme une évidence autant qu'une nécessité, il s'agit d'un outil à manier avec précaution et retenue. Combien de productions noyées sous une bande-son omniprésente, dans laquelle la faiblesse de son contenu achève de se diluer dès les premières notes d'un épisode transformé en long clip de 40 minutes ? Il faut garder à l'esprit qu'on n'en fait jamais trop peu, mais il est très facile de tomber dans l'excès opposé.

Un premier type d'utilisation de chansons, dans ce cadre, va être celui qui permet de souligner un passage particulier d'un épisode. La musique sera alors le moyen d'atteindre un degré d'intensité émotionel supplémentaire, marquant de façon encore plus profonde le ressenti d'un téléspectateur qui se laisse transporter par la force de la scène. Combien de moments téléphagiques à jamais associer à la musique qui retentit derrière ? Ainsi, les premières notes d'Only Time, par Enya, semblent destinées à toujours me transporter dans ce souvenir poignant et lacrymal que constitua la mort de Bobby, dans New York 911 (Third Watch). 

Autre mort ayant été magnifiée par l'utilisation d'une musique en arrière-plan, celle de Mark Green, dans Urgences, dont le visionnage provoque toujours chez moi un pincement de coeur :

Somewhere over the rainbow, par Israel Kamakawiwo'ole.
Urgences, 8.21


Autre façon de marquer musicalement et téléphagiquement les esprits, ce sera par le biais d'une conclusion musicale réussie. C'est-à-dire lorsque la chanson, dans ses propos comme dans son style, parvient ne faire qu'un, avec cette dernière scène pour véritablement la sublimer. Dans cette optique, une des utilisations les plus inspirées de ces dernières années se trouve à la fin de la mini-série Generation Kill. Cette fiction avait fait le choix narratif, pour coller à l'interdiction de lecteurs mp3 au sein des marines, de ne pas inclure d'éléments musicaux au cours de la série. Seule exception, retentissant de façon encore plus tranchante, la scène finale qui se clôture sur l'air de The Man comes around, de Johnny Cash, tandis que les soldats visionnent le montage amateur d'un film sur leur campagne militaire réalisé par l'un d'entre eux. Rarement choix musical aura sonné aussi juste.

The Man comes around, par Johnny Cash
Generation Kill finale

L'autre exemple de final musical qui me vient à l'esprit est un grand classique : celui de Six Feet Under, dont les scènes de vie future (et de morts) qui défilent le long de la route empruntée par Claire atteignent un niveau supplémentaire grâce au fond musical qui les accompagne. Quand musique et série ne font qu'un.

Breath me, par Sia
Six Feet Under
finale


Les séries peuvent donc intégrer dans leur bande-son des chansons en guise d'accompagnement, mais elles peuvent également franchir l'ultime barrière et se décider à faire directement chanter ses personnages. Cela peut prendre la forme d'un évènement exceptionnel, en bousculant la narration traditionnelle et en faisant adopter le format d'une comédie musicale lors d'un épisode spécial, tel qu'avait pu le faire Buffy par exemple. Ou bien, les scénaristes peuvent aussi décider d'une rupture au sein même du récit d'un épisode classique, qui comportera une chanson à forte portée symbolique. Ce fut le cas plus récemment dans un épisode de Terminator : The Sarah Connor Chronicles, où deux personnages reprennent une vieille ritournelle écossaise, tandis que parallèlement, d'importants évènements se déroulent pour les protagonistes principaux. Cette scène est une belle illustration d'une initiative décalée originale et réussie.

Donald, where's your trousers ?
Terminator : The Sarah Connor Chronicles, 2.21


Toujours dans l'optique de faire chanter ses personnages - sans aller jusqu'à embrasser complètement le modèle comédie musicale à la manière de Glee l'an passé -, l'attirance vers les shows musicaux de David E. Kelley n'a jamais été un secret téléphagique bien gardé. La série qui lui a permis de pleinement mettre en scène ces élans musicaux est Ally McBeal, où la loufoquerie générale de l'univers créé (avec la contamination générale des téléspectateurs par les rythmes de Barry White) et le bar qui offrait un lieu de réunion propice aux performances musicales publiques ont grandement contribué à enrichir les soundtracks de ce legal drama qui s'est amusé de bien des conventions.

Qui se souvient encore de la chorégraphie ?

You're the first, the last, my everything, par Barry White
Ally McBeal

Ally McBeal nous a en plus offert quelques duos inédits, ayant une classe folle (et voilà d'où vient mon amour pour Robert Downey Jr.) :

Robert Downey Jr & Sting, Every breath you take (Ally McBeal)

Tous ces exemples n'ont rien d'exhaustif et sont très subjectifs, mais voilà brièvement présentée la manière dont j'aborderai le volet musical des séries si j'avais à faire cet exposé. Je retiendrais tout particulièrement la diversité des façons par le biais desquelles les séries peuvent se décliner dans un univers musical qui leur est propre. L'important reste de ne jamais rompre ce lien devant se créer entre la série et sa bande-son, qu'il s'agisse de compositions originales ou de chansons d'artistes confirmés. Le choix des genres musicaux, comme des thématiques mêmes des chansons, est particulièrement important.

On oublie encore trop souvent que construire et façonner une identité musicale pour une série, ce n'est pas seulement superposer une chanson sympathique aux images vidéos qui défilent... Mais, au milieu des ratés a-créatifs toujours trop présents chaque saison et que l'on oubliera sitôt l'épisode fini d'être visionné, il existe également de petites perles musicales et des associations séries/musiques qui vont contribuer à marquer grandement l'histoire téléphagique de chacun d'entre nous. Ce billet a été conçu comme un hommage à ces instants magiques où ces deux sphères culturelles se rejoignent pour ne faire plus qu'une.

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Et vous, comment vivez-vous le volet musical des séries ? Est-ce pour vous un aspect important, ou plutôt anecdotique ? Quels sont les passages où cette alliance musique+série a pu marquer votre passion ?


[Ce billet était consacré uniquement aux séries occidentales, et plus précisément américaines, avec une pointe d'anglicisme. La seconde partie de cet article sur "Les séries et la musique" arrivera dans les jours qui viennent et portera sur un pays où la maîtrise de l'univers musical de ses productions télévisées est sans doute la plus aboutie : la Corée du Sud. Elle méritait pour cela un article à part.]


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