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Affaire Woerth-Sarkozy : beaucoup de questions, peu de réponses !

Publié le 05 septembre 2010 par Letombe

casseroles.jpg Le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre, le patron des sénateurs UMP Gérard Longuet et le chef de la majorité à l’Assemblée nationale Jean-François Copé ont tous les trois tenté d’éteindre l’incendie provoqué par les déclarations du ministre du Travail. Eric Woerth a reconnu, hier, avoir participé à la demande de légion d’honneur du gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt Patrice de Maistre.

Reposons la question puisqu’elle n’a pas été entendue : combien de temps Nicolas Sarkozy va-t-il couvrir le soldat Woerth et surtout, pourquoi il maintient au gouvernement un ministre de plus en plus carbonisé ? Comment peut-on croire qu’il est maintenu à son poste pour négocier la réforme des retraites ? Hier Nicolas Sarkozy a renouvelé son soutien à Woerth, mais lorsque les journalistes lui ont demandé « est-ce que le ministre du Travail est toujours à même de défendre la réforme des retraites ? », le chef de l’Etat s’est contenté d’acquiescer, sans faire plus de commentaire. Or, au moment même au Eric Woerth vantait la modération des partenaires sociaux, les syndicats sortaient de cette réserve : François Chérèque a jugé qu’il y avait « un vrai problème » se demandant comment le ministre pouvait « gérer en même temps ses problèmes personnels avec l’affaire Bettencourt et la réforme des retraites », tandis que Bernard Thibault a estimé que le ministre était « objectivement plus occupé, et préoccupé, par autre chose que par le sujet qui nous, nous intéresse ».

« On ne pourra pas tenir comme ça pendant deux mois encore », abonde une source gouvernementale

Mais, derrière ce soutien officiel, en coulisse le ton est un peu différent. « Ca devient vraiment très compliqué », lâche un proche du chef de l’Etat. « On ne pourra pas tenir comme ça pendant deux mois encore », abonde une source gouvernementale, citée par l’AFP. Si l’ineffable Frédéric Lefebvre, porte-parole du message officiel, a estimé hier que les attaques contre le ministre du Travail Eric Woerth avaient « fait flop » car l’affaire Bettencourt « n’est en rien une affaire politique » mais « une affaire familiale », à en croire certains signes, l’appui présidentiel a déjà perdu un peu de sa vigueur du début de l’été. Ainsi que l’a concédé implicitement Luc Chatel, Nicolas Sarkozy s’est abstenu de soutenir Eric Woerth devant les autres membres du gouvernement mercredi. Pour Frédéric Lefebvre, « Eric Woerth ne s’est jamais caché d’avoir remis » la Légion d’honneur à Patrice de Maistre. Cela n’a jamais été mis en cause.

Le problème ce n’est pas seulement la légion d’honneur, c’est la confusion des genres, les conflits d’intérêt patents
Le problème ce n’est pas seulement la légion d’honneur, car ce n’est qu’un signe, pas plus. Le problème c’est la confusion des genres, les problèmes déontologiques que pose son comportement, les conflits d’intérêt aggravés dans son cas, le double langage sur les exilés fiscaux alors qu’il tient des réunions à Genève avec certains d’entre eux pour financer l’UMP. Or, contrairement à d’autres pays la France ne dispose pas de la moindre réglementation en ce qui concerne cette question, révélant la consanguinité entre monde des affaires et monde politique. Le 12 Juillet, pressé par les évènements, le président de la République a annoncé la création d’une « commission de déontologie » qui devrait « réfléchir à la façon dont on doit ou non compléter ou modifier la loi pour éviter dans l’avenir toute forme de conflit d’intérêts ».

Des Etats-Unis jusqu’en Suède, il peut y avoir des mélanges des genres entre affaires privées et intérêt général
Ailleurs, dans toutes les grandes démocraties, le conflit d’intérêts est pourchassé. Des Etats-Unis jusqu’en Suède, il peut y avoir des mélanges des genres entre affaires privées et intérêt général. Mais dès que ces mélanges des genres sont connus, ils sont condamnés. Par l’opinion et par la loi. Aux USA, la notion de conflit d’intérêt est familière au grand public depuis plus de 20 ans ; en 1999, la mort de Jesse Gelsinger, volontaire sain décédé alors qu’il participait à un protocole expérimental de thérapie génique, a particulièrement choqué l’opinion du fait d’intérêts financiers mis à jour entre un des investigateurs et le laboratoire pharmaceutique pouvant bénéficier de cette recherche. Plusieurs quotidiens à grand tirage ont récemment publié de retentissantes enquêtes qui ont conforté le public et les hommes politiques américains dans l’idée qu’il est nécessaire de traquer systématiquement les conflits d’intérêt.


Mais en France, pas question, comme d’ailleurs en Italie où le gouvernement Berlusconi en a presque fait une institution

La question est tellement sensible que ça peut aller très loin : un professeur de droit américain a attaqué Google en justice en Août dernier pour « conflit d’intérêts » lorsque le géant de Mountain View place des publicités pour ses propres services par le biais de son système d’enchères AdWords, Google étant à la fois enchérisseur et commissaire des enchères s’il place ses propres publicités. Mais en France, pas question, comme d’ailleurs en Italie où le gouvernement Berlusconi en a presque fait une institution. En France Alain Minc peut ainsi le plus naturellement du monde suggérer fortement au chef de l’Etat de mettre fin à la publicité sur les écrans publics ce qui enclenche un processus de privatisation de la régie de France Télévisions, alors que le même Minc est actionnaire d’Endémol, un des groupes, qui se portait acquéreur de la même régie.


Si derrière les mensonges pathétiques de l’ex-trésorier de l’UMP, se cachaient des vérités plus inavouables

Mais la vraie question est pourquoi Nicolas Sarkozy continue-t-il de défendre Woerth ? Serait-ce la peur que la mèche allumée contre l’ancien trésorier de l’UMP ne remonte jusqu’à l’Elysée pour y exploser dans une nouvelle affaire de financement occulte ? Si derrière les mensonges pathétiques de l’ex-trésorier de l’UMP, se cachaient des vérités plus inavouables. Sur le financement de l’UMP et sur la campagne présidentielle de 2007 ? Des carnets intimes de Banier saisis par la police ne relatent-ils pas des propos tenus par Liliane Bettencourt selon lesquels Nicolas Sarkozy aurait reçu lors de la campagne présidentielle 2007 de l’argent du couple Bettencourt. « Je vous indique que correspond aussi en clair à la réalité vécue le passage sur M. Sarkozy, du 26 avril 2007″, a dit Banier aux policiers. « Elle ne m’a pas dit si c’était pour Neuilly, pour sa campagne ou pour autre chose. Ce n’était peut-être pas pour lui », ajoute-t-il. A cette date du 26 avril 2007, écrit par ailleurs le site du Point, ces carnets comportent « une inscription apparaissant comme une citation de la vieille dame: « de Maistre me dit que Sarkozy demande encore de l’argent. Si je dis oui, comment être sûre qu’il lui donne bien? ».


Dernière question : Pourquoi n’y a-t-il toujours pas de juge d’instruction désigné ?

L’ancienne comptable de Mme Bettencourt, Claire Thibout, a, à plusieurs reprises, évoqué des dons en liquide illégaux à des hommes politiques, affirmant que Patrice de Maistre lui a demandé d’effectuer un retrait d’argent en vue du versement de 150.000 euros au trésorier de l’UMP Eric Woerth pour la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007. Le gestionnaire de la fortune dément évidemment une telle remise d’argent. Dernière question : Pourquoi, au-delà de l’enquête préliminaire ouverte par le procureur Courroye pour financement illicite d’activités politiques, n’y a-t-il toujours pas de juge d’instruction désigné ? D’autant le même procureur, lors de l’installation du Tribunal de Nanterre, jeudi, a déclaré : « Ici, à Nanterre, il ne saurait y avoir de muraille de Chine entre le siège et le parquet, dans un contexte où les missions du parquet sont très souvent caricaturées », assurant, pour faire bonne mesure, être « soucieux de dialogue et d’ouverture ». Evidemment !

Frédéric Lefebvre a eu bien du mal à défendre le cas Eric Woerth face à Jean-Michel Aphatie. Le journaliste de RTL s’est montré particulièrement offensif, ne laissant pas le porte-parole de l’UMP aborder les autres thèmes d’actualité pour lesquels il était venu.

Jean Marcel Bouguereau pour son blog « derrière les plis de l’actualité »

merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré


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