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Jean Paul II, Les rapports entre la foi et la raison - 1

Publié le 06 septembre 2010 par Walterman

Les étapes significatives de la rencontre entre la foi et la raison

36. D'après le témoignage des Actes des Apôtres, le message du christianisme se heurta dès le début aux courants philosophiques de l'époque. Le même livre rapporte la discussion qu'eut saint Paul à Athènes avec « certains philosophes épicuriens et stoïciens » (17, 18). L'analyse exégétique de ce discours à l'Aréopage a mis en évidence de nombreuses allusions à des croyances populaires, d'origine stoïcienne pour la plupart. Ce n'était certainement pas un hasard. Pour se faire comprendre des païens, les premiers chrétiens ne pouvaient se borner à renvoyer dans leurs discours « à Moïse et aux prophètes »; ils devaient aussi faire appel à la connaissance naturelle de Dieu et à la voix de la conscience morale de tout homme (cf. Rm 1, 19-21; 2, 14-15; Ac 14, 16-17). Mais comme, dans la religion païenne, cette connaissance naturelle avait basculé dans l'idolâtrie (cf. Rm 1, 21-32), l'Apôtre estima plus sage de mettre son discours en rapport avec la pensée des philosophes qui, depuis les débuts, avaient opposé aux mythes et aux cultes à mystères des conceptions plus respectueuses de la transcendance divine.

L'un des efforts majeurs opérés par les philosophes de la pensée classique fut, en effet, de purifier de ses formes mythologiques la conception que les hommes se faisaient de Dieu. Comme nous le savons, la religion grecque elle aussi, peu différente en cela de la majeure partie des religions cosmiques, était polythéiste, si bien qu'elle divinisait des choses et des phénomènes naturels. Les tentatives faites par l'homme pour comprendre l'origine des dieux et, en eux, celle de l'univers s'exprimèrent d'abord par la poésie. Les théogonies demeurent, aujourd'hui encore, le premier témoignage de cette recherche de l'homme. Il revint aux pères de la philosophie de mettre en évidence le lien qui existe entre la raison et la religion. Portant plus loin le regard, vers les principes universels, ils ne se contentèrent plus des mythes anciens, mais ils voulurent aller jusqu'à donner un fondement rationnel à leur croyance en la divinité. On s'engagea ainsi sur une voie qui, abandonnant les traditions antiques particulières, débouchait sur un développement qui correspondait aux exigences de la raison universelle. La fin vers laquelle tendait ce développement était de faire prendre une conscience critique de ce à quoi l'on croyait. La conception que l'on se faisait de la divinité fut la première à tirer avantage d'un tel itinéraire. Les superstitions furent reconnues comme telles et la religion fut, au moins en partie, purifiée par l'analyse rationnelle. C'est sur cette base que les Pères de l'Eglise entreprirent un dialogue fécond avec les philosophes de l'Antiquité, ouvrant la route à l'annonce et à la compréhension du Dieu de Jésus Christ.

37. Lorsqu'on évoque ce mouvement qui rapprocha les chrétiens de la philosophie, il faut également rappeler l'attitude de prudence que suscitaient en eux d'autres éléments du monde culturel païen, comme par exemple la gnose. La philosophie, en tant que sagesse pratique et école de vie, pouvait facilement être confondue avec une connaissance de type supérieur et ésotérique, réservée à un petit nombre d'hommes parfaits. C'est sans aucun doute à ce genre de spéculations ésotériques que pense saint Paul lorsqu'il met en garde les Colossiens: « Prenez garde qu'il ne se trouve quelqu'un pour vous réduire en esclavage par le vain leurre de la "philosophie", selon une tradition toute humaine, selon les éléments du monde, et non selon le Christ » (2, 8). Les paroles de l'Apôtre se révèlent particulièrement actuelles si nous les mettons en rapport avec les différentes formes d'ésotérisme qui aujourd'hui se répandent même chez certains croyants dépourvus du sens critique nécessaire. Sur les traces de saint Paul, d'autres écrivains des premiers siècles, notamment saint Irénée et Tertullien, émirent à leur tour des réserves à l'égard d'une attitude culturelle qui prétendait soumettre la vérité de la Révélation à l'interprétation des philosophes.


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