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Jean Paul II, Les rapports entre la foi et la raison - 3

Publié le 08 septembre 2010 par Walterman

 

40. Dans cette œuvre de christianisation de la pensée platonicienne et néo-platonicienne, il faut mentionner particulièrement les Pères Cappadociens, Denys dit l'Aréopagite et surtout saint Augustin. Le grand Docteur d'Occident était entré en contact avec différentes écoles philosophiques, mais toutes l'avaient déçu. Quand la vérité de la foi chrétienne se trouva devant lui, il eut alors la force d'accomplir la conversion radicale à laquelle les philosophes rencontrés auparavant n'avaient pas réussi à l'amener. Il en donne lui-même la raison: « Préférant désormais pour cela la doctrine catholique, je sentais que, chez elle, il était demandé avec plus de mesure et sans aucun désir de tromperie, de croire ce qui n'était pas démontré — soit qu'il y ait eu démonstration, mais pour quelqu'un qui ne l'aurait pas comprise, soit qu'il n'y ait pas eu de démonstration —, alors que chez [les manichéens], tout en promettant la science de manière téméraire, on se moquait de la crédulité et qu'on imposait ensuite de croire une immensité de fables et d'absurdités, parce qu'on ne pouvait pas les démontrer ».(38) Aux platoniciens eux-mêmes, à qui il se référait de manière privilégiée, Augustin reprochait, à eux qui connaissaient la fin vers laquelle il fallait tendre, d'avoir ignoré la voie qui y conduisait, le Verbe incarné. L'évêque d'Hippone réussit à produire la première grande synthèse de la pensée philosophique et théologique vers laquelle confluaient les courants de pensée grec et latin. Chez lui aussi, la grande unité du savoir, qui trouvait son fondement dans la pensée biblique, en vint à être confirmée et soutenue par la profondeur de la pensée spéculative. La synthèse opérée par saint Augustin restera pendant des siècles en Occident la forme la plus haute de spéculation philosophique et théologique. Fort de son histoire personnelle et soutenu par une admirable sainteté de vie, il fut aussi en mesure d'introduire dans ses œuvres de multiples éléments qui, faisant référence à l'expérience, préludaient aux futurs développements de certains courants philosophiques.

41. C'est donc de diverses manières que les Pères d'Orient et d'Occident sont entrés en rapport avec les écoles philosophiques. Cela ne signifie pas qu'ils aient identifié le contenu de leur message avec les systèmes auxquels se référaient ces écoles. La question de Tertullien: « Qu'ont de commun Athènes et Jérusalem? L'Académie et l'Eglise? » est un signe clair de la conscience critique avec laquelle les penseurs chrétiens, depuis les origines, abordèrent le problème des rapports entre la foi et la philosophie, en le voyant globalement sous ses aspects positifs et avec ses limites. Ce n'étaient pas des penseurs naïfs. C'est bien parce qu'ils vivaient intensément le contenu de la foi qu'ils savaient atteindre les formes les plus profondes de la spéculation. Il est donc injuste et réducteur de ne voir dans leur œuvre que la transposition des vérités de la foi en catégories philosophiques. Ils firent beaucoup plus. Ils réussirent en effet à faire surgir en plénitude ce qui demeurait encore implicite et en germe dans la pensée des grands philosophes antiques. Ces derniers, comme je l'ai dit, avaient eu la mission de montrer dans quelle mesure la raison, délivrée de ses liens extérieurs, pouvait sortir de l'impasse des mythes, pour s'ouvrir de manière plus adaptée à la transcendance. Une raison purifiée et droite était donc en mesure de monter jusqu'aux degrés les plus élevés de la réflexion, en donnant un fondement solide à la perception de l'être, du transcendant et de l'absolu.

C'est précisément ici que se situe la nouveauté des Pères. Ils accueillirent entièrement la raison ouverte à l'absolu et ils y greffèrent la richesse provenant de la Révélation. La rencontre ne se fit pas seulement au niveau des cultures, dont l'une succomba peut-être à la fascination de l'autre; elle se fit au plus profond des âmes et ce fut la rencontre entre la créature et son Créateur. Dépassant la fin même vers laquelle elle tendait inconsciemment en vertu de sa nature, la raison put atteindre le bien suprême et la vérité suprême de la personne du Verbe incarné. Néanmoins, face aux philosophies, les Pères n'eurent pas peur de reconnaître les éléments communs aussi bien que les différences qu'elles présentaient par rapport à la Révélation. La conscience des convergences ne portait chez eux nulle atteinte à la reconnaissance des différences.


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