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Paso Doble n°180 : Droite chinoise, gauche bridée

Publié le 08 septembre 2010 par Toreador

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Par Toréador | septembre 8, 2010

A las cinco de la tarde…

Confucius des genres

La différence majeure entre les conceptions tactiques militaires confucéennes et occidentales repose sur la place accordée au facteur personnel, i.e le talent du général. Durant l’antiquité chinoise, le « bon général » est celui qui sait épouser la situation et attendre qu’elle lui soit favorable, tandis qu’en Occident, nous croyons au génie, à la planification et à la capacité à transcender la situation : Napoléon, Washington, Grant, Nelson, etc... Voilà pourquoi les stratèges chinois apprennent à utiliser leurs faiblesses comme des forces.

Dans l’affaire de la réforme des retraites, Nicolas Sarkozy – qui est de ce point de vue l’exemple parfait du général politique « à l’occidentale » -  goûte peut-être les délices de la stratégie chinoise. On a répété sur tous les tons que l’affaire Bettencourt avait affaibli le ministre porteur de la réforme - et c’est vrai ; Reste que cela ne présente pas que des désavantages : les syndicats, par exemple, ont fait le service minimum sur ce qui est pourtant un tournant majeur pour le pays.

Les guerres pudiques

Lorsque l’affaire a éclaté en juin, les partenaires sociaux se sont retrouvés à opérer une manoeuvre délicate : critiquer frontalement la réforme, sans rejoindre la foule prête au lynchage. C’était à la fois un repli dicté par des considérations personnelles (Woerth était plutôt apprécié) et tactiques (ne pas insulter l’avenir). Du coup, ils ont, de mon point de vue, mis sérieusement en sourdine leur opposition, notamment dans le mode d’expression.

Aujourd’hui, malgré le succès de la mobilisation d’hier, c’est encore le cas : faire mine d’ignorer Woerth, c’est quelque part risquer de donner l’impression d’accréditer les soupçons qui pèsent sur lui. Parler avec lui, c’est parler à un ministre en sursis dont on sait qu’il est marginalisé au sein du gouvernement. Au Parlement, c’est l’opposition socialiste qui s’est retrouvée elle-aussi à devoir faire ce distingo. Jean-Marc Ayrault a dit dans son adresse que les députés socialistes s’abstiendraient de poser toute question sur l’affaire Bettencourt, afin de n’avoir qu’un débat « technique », « projet contre projet ». Y penser, toujours. En parler, jamais.

Comment faire d’un ministre faible un atout ? C’est pour moi évident : en le maintenant en place, contre vents et marées. C’est un chewing gum collé aux semelles des syndicats, et cela restreint considérablement la marge de manoeuvre de la Gauche.

Or l’opposition à la réforme des retraites tient sa force non pas d’arguties techniques mais d’un puissant aiguillon politique : la défense d’un modèle de société, d’acquis sociaux, d’un symbole. En acceptant de se positionner sur le terrain de la mécanique (à rebrousse-poil de la rue qui n’a pas hésité à brocarder Woerth), je crains que la Gauche de gouvernement, même si elle fait preuve là d’une belle maturité, ne perde l’intérêt de sa base, et in fine la bataille tout court.

Tags: affaire Woerth-Bettencourt, dialogue social, gauche, réforme des retraites, Syndicats

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