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Les blogueurs parlent aux blogueurs...

Publié le 17 septembre 2010 par Jérôme Delatour

Ah ah ! Vous frétilliez déjà d'aise en voyant votre lecteur de flux RSS s'affoler et mettre Images de danse en caractères gras, avec un petit 1 entre parenthèses. Un nouvel article sur Images de danse ! Est-ce possible ! Ce blog n'est donc pas mort !

Eh non, mais pour cette fois il ne s'agit que d'un coup d'autopromotion de vieux blogs que vous connaissez déjà et qui font encore un peu de résistance. Je ne vous les rabâche pas, vous les connaissez : le Tadorne (Pascal Bély), Marsupilamima (Martine Silber), le blog de l'Athénée (Clémence Hérout), Un Soir ou un autre (Guy Degeorges) et le mien. On a trouvé pour prétexte un débat du Festival Off d’Avignon, le 18 juillet 2010, qui s'interrogeait gravement sur « quels espaces de parole pour le spectacle vivant ? », pour répondre chacun sur notre blog en présentant le blog d'un autre. Car nous sommes des espaces de parole pour le spectacle vivant, n'est-ce pas... Enfin vous me comprenez.

Ci-dessous, donc, un morceau de cette espèce de chaîne de l'amitié dont les autres bouts sont disséminés sur les blogs des copains.

Clémence répond à Guy, qui vient de faire son portrait :

Clémence Hérout. Alors là, mon cher Guy, c'est l'hôpital qui se moque de la charité ! Quand a-t-on lu un Guy réellement emporté ? Ce que j'apprécie justement dans les critiques de spectacle que tu publies sur Un soir ou un autre, c'est ton souci constant d'honnêteté intellectuelle et de pondération ; cela n'empêche pas la subjectivité ni la prise de position (et heureusement) : mais, et c'est ce positionnement qui fait ta singularité, je ne te perçois pas comme un blogueur à polémique.
Parlons-en, de la polémique, donc : tu l'as remarqué, ce n'est pas mon fort. J'ai davantage un tempérament médiateur que militant, ce qui ne m'empêche pas néanmoins d'essayer d'éviter à tout prix le consensus mou.
Médiateur, médiation, le mot est lâché : dans mon travail pour l'Athénée, je me vois uniquement comme un relais, une passeuse (tiens, encore un mot qui n'existe qu'au masculin) entre un théâtre, des artistes et leur public. J'essaie de susciter la curiosité, éveiller un intérêt, faire rire et réfléchir si je peux, dans le respect du travail des artistes et de la conscience de mes lecteurs. Dans les buts que je me suis fixés (et uniquement dans ceux-là, car un blog où j'écrirais des critiques serait sans nul doute dans un esprit très différent), exprimer mes colères, donner mon avis, prendre position, reviendrait à prendre les artistes ou techniciens comme prétexte et mes lecteurs comme otages. Je suis là pour créer des liens, rien d'autre, et on n'a jamais demandé à un pont de raconter sa vie.
Est-ce à dire pour autant que je donne dans le consensuel ? On en connaît, des blogs neuneus (chut, pas de marque), et j'espère ne pas en faire partie : si je préfère m'effacer devant le travail des équipes de l'Athénée et faire le pari de l'intelligence de mes lecteurs, je crois ne pas évacuer tout engagement pour autant, que cela soit dans mes relations avec les uns et les autres ou dans le choix de mes sujets et leur traitement. Bref, je suis une bonne élève et je vous emmerde.
Jérôme Delatour n'est pas un bon élève, lui : il ne publie pas assez d'articles sur son blog Images de danse. On sent que le bonhomme est occupé, mais il faut dire aussi que chaque papier doit lui demander beaucoup de travail. L'originalité de Jérôme, c'est en effet de lier l'écriture à la photographie : très bon photographe, il capture lui-même les images des spectacles qu'il commente ensuite. Jérôme ne publie qu'une infime partie des photos qu'il prend, mais les lauréates ont été soigneusement choisies : très léchées, ses images expriment le spectacle tout en en conservant pleinement le mystère.
Côté texte, Jérôme n'hésite pas à laisser parler ses humeurs et son ressenti, mais toujours avec une légère distance. Jérôme aime ou n'aime pas, a tout saisi ou n'a rien compris, s'est ennuyé à mourir ou n'a pas vu le temps passer, mais rien de grave : car il y a toujours chez Jérôme une forme d'auto-ironie ou de mise à distance de soi-même, comme s'il voulait nous rappeler qu'il a un avis, que celui-ci est souvent construit, mais qu'il ne restera qu'un ressenti qui lui est personnel. Cela n'empêche pas Jérôme de prendre résolument parti, d'être un peu brusque parfois : c'est d'autant plus étonnant quand on rencontre cet homme, qui est finalement timide et discret dans la vie. Ses critiques sont comme des petites histoires qui se lisent du début à la fin où il relie souvent les spectacles à des petits ou grands événements de sa vie. Bref, à l'instar de Guy qui me faisait rougir, je vais finir par gêner Jérôme avec tant de compliments, alors moi aussi j'ai une question : Jérôme, à l'heure où les spectacles mélangent de plus en plus les disciplines artistiques, y a-t-il véritablement un sens à ne parler que de la danse ? En bref, quand passeras-tu de l'indiscipline à l'interdiscipline ?
 Jérôme Delatour. Ma chère Clémence, me voilà déshabillé pour l'été... Pourquoi que de la danse, il y a tellement de raisons que je n'en finirais pas : parce que la danse est l'art du corps, et que le corps est ce que nous avons de plus immédiat, de plus beau et de plus politique ; ou parce que mon blog s'appelle Images de danse, et que si je me mets à y parler de théâtre, de cuisine et d'arts plastiques, il faut que je lui trouve un autre nom. Mais le mieux est de passer par une petite anecdote, un de ces moments vécus qu'on érige, à quarante ans, en tournant de sa mythologie personnelle. Quand j'étais petit, j'assistais chaque été au son et lumière de Château-Chalon, un des plus anciens de France, à ce qu'on dit. C'était une sorte de théâtre amateur, populaire et de plein air où l'avenir de la patrie se jouait dans ce trou sublime de Franche-Comté, de l'homme des cavernes à De Gaulle. Mais, outre le froid qui saisissait le public quand la nuit était tombée, j'en ai surtout retenu la forte présence des chevaux qui allaient et venaient sur la place du village changée en scène, leurs corps massifs et chauds dont s'échappait force crottin. J'ai retrouvé cette impression il y a quelques années au Théâtre de la Ville quand Jan Fabre proposa sa vision du Lac des Cygnes. Les chevaux étaient cette fois des ballerines dont la troupe nombreuse, étrangement lourde, faisait trembler les planches. Je crois que ce sont ces chevaux que je recherche inlassablement. Quant au Texte, j'en veux bien s'il est corps lui-même, je veux dire s'il est poétique, qu'il sort comme une incantation, une parole magique qui en impose au coeur, fait advenir des choses. Je ne sais pas si le théâtre de ce texte existe, probablement. Je compte sur vous pour m'initier.
Le hasard veut que le dernier à parler ici ait été le premier à se lancer dans l'aventure des blogs... car le blog de Pascal Bély, dont je dois parler maintenant, a été créé deux mois après le mien, en juillet 2005. Les blogs, c'était presque encore nouveau à l'époque, rendez-vous compte ! Pascal et moi sommes partis sur des bases quasi opposées. Mon blog est la voix d'un lonesome cowboy qui ne cherche qu'à travailler son expérience singulière, et la partage avec qui veut bien ; le blog de Pascal (appelons-le Pascal) se veut entièrement ouvert, engagé, militant, communicatif, et ne néglige d'ailleurs aucun art art vivant, s'aventurant même, à l'occasion, sur le terrain des arts plastiques. Tout a commencé pour lui avec un spectacle de Jérôme Bel, The Show Must Go on, qui lui apporta l'intuition que le spectateur n'était pas là pour se taire et consommer, comme il était forcé de le croire auparavant. Que le spectateur n'était pas le bas d'une pyramide, mais le maillon d'une chaîne, et d'une chaîne qui n'entrave pas, mais relie ; la chaîne de la démocratie et de la vie ensemble.


Depuis lors Pascal est sur tous les fronts, ne rate aucun festival de France ni de Berlin ni de Bruxelles. Et s'il ne peut se déplacer lui-même, il diligente un de ses "tadorneaux", généralement un admirateur de sa démarche et de son style qui s'engage sous sa bannière. Car notre homme a beau être de gauche, il n'en est pas moins impérialiste. Pascal défend ses idéaux jusqu'à devenir le plus parfait emmerdeur. Il refuse par exemple de se laisser inviter et tient à payer toutes ses places, car il se sent spectateur et entend le rester, pleinement. Dans ses papiers, écrits à la première personne, il s'avoue transi, transporté, le souffle coupé, trépignant, furieux, exclus, ne sachant que dire... ce sont comme des petites dramaturgies personnelles dont l'enjeu serait, invariablement, la rencontre de l'artiste et du public.
En même temps, il ne laisse rien passer : critiques de la presse traditionnelle, politiques culturelles publiques, il traque et décortique tout sans complaisance. C'est peut-être pour cela qu'il se dit blogueur hybride.


Chez Pascal, le blog est aussi le prolongement de son métier de consultant en ressources humaines dans le domaine social et de la petite enfance. L'un et l'autre semblent vivre en parfaite symbiose. Pascal parle souvent horizontalité, réseau, dynamique, rhizomes, Morin, reliance, hybridité, positionnement, excommunie les cases et les cloisonnements. Je ne comprends pas toujours tout, mais j'admire.

Ici, le jeu veut que je pose une question audit Pascal pour lui tendre le témoin... Euh... en fait la seule question que je trouve à lui poser, c'est quelle stratégie, si ce n'est pas un gros mot, il voit pour que la parole des spectateurs non professionnels soit plus audible et respectée des professionnels... mais comme c'est plus ou moins le sujet du débat...

(Réponse de l'intéressé ici.

Pour le reste, ne désespérez pas derniers lecteurs, je parlerai bientôt, très certainement, de la dernière création de Perrine Valli, et peut-être même des Plateaux 2010). Et, bien sûr, n'oubliez pas les nombreux autres blogs dont le travail est aussi méritoire que le nôtre, dont vous trouverez la liste ici dans la rubrique Actualités).


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