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Memories of Murder, six ans plus tard...

Par Tred @limpossibleblog
Memories of Murder, six ans plus tard...L’occasion était trop belle. Cette semaine, le Gaumont Parnasse inaugurait un rendez-vous apparemment appelé à devenir régulier, une semaine à la découverte de la cinématographie d’un pays sous l’intitulé « La Terre tourne ». Du lundi au dimanche, un film projeté chaque soir. Pour cette première, le pays mis à l’honneur était… la Corée du Sud. Ce n’était pas là l’occasion pour les connaisseurs de découvrir des pépites rares ou inédites, la manifestation ayant à l’évidence plutôt pour but de faire découvrir des incontournables du pays à des novices, ou simplement permettre aux amateurs de revoir sur grand écran leurs films préférés.
Car pour ce qui est des films sélectionnés, les organisateurs ne s’y sont pas trompés, en proposant la récent La rivière Tumen plus une belle brochette de ce qui s’est fait de mieux ou presque ces dix dernières années en Corée : JSA de Park Chan Wook, Locataires de Kim Ki Duk, My sassy girl, The Chaser, Secret Sunshine de Lee Chang Dong. Et celui qui m’a attiré au Gaumont Parnasse jeudi soir. Tous les films proposés cette semaine étaient déjà passés sous mes yeux au moins une fois, mais il en était un que je désirais ardemment revoir, Memories of Murder. L’occasion était trop belle de le revoir dans une salle de cinéma.
Voilà un peu plus de six ans que j’avais découvert le film de Bong Joon-Ho sur grand écran. C’était en 2004, une année qui avait également vu la sortie dans les salles françaises de Deux sœurs de Kim Jee-Woon et d’Oldboy de Park Chan Wook. L’année où le cinéma coréen m’a conquis. Je n’avais pas revu Memories of Murder depuis cette première fois. L’occasion était trop belle.
Memories of Murder, six ans plus tard...La salle était quasi complète pour le film qui a révélé le réalisateur de The Host en France. Je me souvenais comme si je les avais découverts la veille des tous premiers plans de l’œuvre, ces champs devenus scène de crime où règne une pagaille campagnarde réjouissante, et du tout dernier, dont je parlerai plus loin. Je me souvenais de cette affaire de meurtres tombant sur la tête d’une petite ville de la province coréenne à la fin des années 80. Ces jeunes femmes retrouvées ligotées, violées, tuées. Ces flics locaux dépassés, maladroits, cogneurs. Ce flic de Seoul absorbé, déterminé, mais dépassé lui aussi. Cette enquête piétinant, ce tueur insaisissable, ces corps s’accumulant, cette atmosphère bon enfant se faisant de plus en plus pesante. Je m’en souvenais, oui, mais j’ai découvert, ou redécouvert, autre chose en revoyant Memories of Murder.
Voir un film plusieurs fois, ce n’est pas l’apprécier de la même façon à chaque vision. Avais-je ressenti exactement la même chose il y a six ans ? Pas sûr. Je connaissais très peu la Corée à l’époque, son histoire, sa chronologie, sa politique, sa société… Cette nouvelle vision s’est enrichie de ma propre expérience avec la Corée. Le grand polar que j’avais vu à l’époque m’est désormais apparu avec un contexte historique et politique plus clair. Une période, la fin des années 80, si particulière du pays, qui se ressent dans le cadre du film.
J’ai découvert Memories of Murder sous un angle politique – les derniers souffles de la dictature militaire, les révoltes populaires, la période transitive vers la démocratie – qui fait battre le cœur de l’intrigue. Cette toile de fond accompagne l’atmosphère et la densifie. Elle dessine les contours des personnages. Elle prolonge les problématiques du cadre. Dans Memories of Murder, le bordel ambiant est à l’image d’un pays en plein changement, à l’image d’une société qui se cherche. Les policiers vivent leur enquête, elle est leur quotidien pendant que le pays gronde, y compris contre eux, ces symboles de l’oppression. Ils veulent se donner les moyens d’attraper un tueur pendant que la plus haute hiérarchie préfère s’occuper de réprimer les mécontentements populaires.
Memories of Murder, six ans plus tard...L’occasion était trop belle. Retourner voir ce film m’ayant marqué, avec l’instinct qu’il me procurerait une émotion cinématographique nouvelle. Tout paraît si simple lorsque l’on regarde un film de Bong Joon-Ho. Tisser la toile d’une intrigue absorbante. Donner vie à des personnages aboutis. Parler de l’histoire de son pays, de ses maux, de sa fragilité, à travers un genre populaire. Observer la fin d’une ère à travers l’échec d’une enquête policière. Donner une grandeur crédible à des êtres humains ordinaires.
Et conclure son film par un plan bouleversant. Y mettre plein cadre, en gros plan, le visage de Song Kang-Ho, cet immense acteur, et filmer la fracture à peine perceptible d’un regard rappelant que les années n’effacent pas les regrets, la douleur, l’amertume. Le doute. L’occasion était trop belle de revoir Memories of Murder. Et d’y voir un nouveau film, encore plus grand.

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