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Le Souffle de l'harmattan

Par Fibula
Le Souffle de l'harmattanLe Souffle de l'harmattan, de Sylvain Trudel, Éditions Typo, 2001 (1986 pour l'édition originale)
Prix Molson du roman, 1987
Prix de l'Académie canadienne-française en 1988
Prix Canada-Suisse, 1988
Finaliste pour le prix du Gouverneur général du Canada
Harmattan : vent chaud, sec et poussiéreux d'Afrique de l'Ouest qui souffle vers le sud en provenance du Sahara dans le golfe de Guinée en hiver, entre la fin novembre et le milieu du mois de mars.
Hugues Francoeur, un jeune garçon adopté rencontre Habéké Axoum, lui aussi adopté par sa famille canadienne.
«Habéké, en tant que noir de couleur, faisait jaser à cause du manque de préparation et l'étrangeté africaine. C'était la première fois qu'un Noir authentique nous apparaissait tel quel, hors téléviseur, et nous, les jeunes, on voulait toucher du doigt pour voir si c'était du pareil au même. On a bien vu que ce garçon avait une douce peau de chocolat, des cheveux de laine, des yeux plein de vie, un nez de boxeur, des dents comme les touches d'un piano et des jambes infinies reliées entre elles par des genoux tout en os. Il articulait le français mieux que nous et son nom était comique.» (p.35)

Unis par leurs différences physiques (Hugues est lui même d'origine asiatique) et leur curiosité, Habéké et Hugues tentent de comprendre le monde à leur manière, se sentant profondément différents et refusant d'entrer dans «l'ère adulte» afin de ne pas tromper l'enfant en eux.
«Il faut comprendre que , quand on accumule les années dans sa tête, tout devient de plus en plus vrai, tellement vrai que bientôt l'invisible ne se voit plus et les royaumes s'effondrent. C'est alors qu'arrive l'adultère avec son hypocrisie. L'adultère, c'est l'ère adulte avec un passé d'enfant figé dans la roche. L'ère adulte annonce la fin des glaciers et la fin des mammouths. C'est l'hiver et le froid qui engourdissent tous les pouvoirs et c'est là que commence le début de la fin.» (p.10)

Refusant donc de quitter leur monde imaginaire, les deux enfants suivront les traces de leurs ancêtres (Mekkonen le dedjené) afin de fuir la réalité par des croyances et des superstitions que les adultes qui les entourent n'arrivent pas à comprendre.
«Personne ne peut envahir la pensée parce que la pensée c'est l'exil et que chacun a l'exil qu'il désire. Habéké et moi, on s'était promis de visiter nos exils un beau jour.» (p.14)
Le style, comme vous pouvez le voir dans ces différents extraits, est absolument délicieux, et les deux jeunes garçons nous apparaissent d'autant plus touchants. Ce style à la fois poétique, imagé, et complètement déjanté nous entraîne très loin dans les émotions des deux garçons, si bien que le choc final est encore plus fort, car pendant les trois quarts du livre nous sommes du côté des deux jeunes, même dans leur folie la plus pure, nous les comprenons, mais le récit sombre progressivement dans l'horreur, les bêtises des deux jeunes étant de plus en plus inexplicables.
Le pouvoir des mots à son paroxysme.
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En écrivant ceci, j'écoute Alela Diane, To Be Still (Rough Trade Records, 2009)

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