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Homme au bain,Christophe Honoré, François Sagat, ça fonctionne bien

Publié le 03 octobre 2010 par Petistspavs

A l'occasion de la sortie en salles de son précédent film, Non ma fille, tu n'iras pas danser, Christophe Honoré, cinéaste, écrivain et homme de théâtre, confiait aux inrocks (cf. son interview fleuve de février 2009) des éléments de méthode : "J’essaie de faire du cinéma comme un écrivain, c’est-à dire des films qui ne dépendent que de mon désir, délestés de la lourdeur industrielle du cinéma, avec la liberté de quelqu’un qui écrit". Homme au bain, le dernier film d'Honoré fait dès lors figure d'un discours de la méthode, sur le thème post-Nouvelle vague "le cinéma comme liberté".

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J'ignore si Homme au bain est un bon ou un pas bon film et ce type de jugement me semble, ici, particulièrement dénué de pertinence. Il s'agit là, et dans un sens originel très fort, de cinéma, or le cinéma, on le sait depuis Godard, n'a rien à dire (sauf à être bavard), mais tout à montrer. C'est ce qui nous a donné, il y a un mois, le bonheur de plonger dans la jungle parfois opaque de l'Oncle Boonmee, de ses vies antérieures et de ses souvenirs du futur. Certains ont formalisé leur incompréhension de l'œuvre de Weerasethakul dans un définitif "C'est nul, puisque je ne comprends pas". Le risque d'un procès à l'identique pèse sur Christophe Honoré et son Homme au bain qui, malgré quelques scènes à mon sens jubilatoires ou empreintes d'une grande sensibilité, malgré la représentation plus ou moins explicite de l'acte sexuel et, surtout du corps, peut apparaître comme quelque peu austère (ne n'est pas un film X) et brouillon.

Nous sommes loin, en effet, de la consensuelle ligne claire d'un Xavier Beauvois (et, il faut l'admettre, de la spiritualité de Weerasethakul, cité plus haut). Certes, le film est parfaitement déséquilibré entre deux histoires qui ont du mal à cohabiter, sauf à accepter l'absence d'harmonie. Omar et Emmanuel sont amants. Omar part à New York filmer une actrice française en promo (Chiara Mastroïanni dans son propre rôle, radieuse). Emmanuel est prié de déguerpir de l'appartement d'Omar, à Gennevilliers, mais il n'a pas un sou et il se découvre amoureux de son amant. Dès lors, un scénario à la mords moi le nœud nous écartèle entre la cité de Gennevilliers où, parfois pour de l'argent, d'autres fois par désœuvrement, Emmanuel va baiser tout ce qui bouge et New York où Chiara et ses amis-amants d'un jour tremblote sur l'image vidéo captée par un Omar à la caméra parkinsonnienne.

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Et là, il faut bien parler de l'idée géniale de Christophe Honoré, la seule idée géniale du film, peut-être, mais qui justifie pleinement l'entreprise : avoir choisi François Sagat, icône du X gay pour jouer un Emmanuel hyper-sexué, mais taraudé par le chagrin. Sagat exhibe, c'est selon, un corps de rêve à la virilité triomphante, ou un corps artificiellement gonflé, fabriqué, que nul n'est obligé de trouver beau. Mais c'est un corps qui en impose. Une scène très drôle montre une actrice comparant ses fesses aux siennes en admettant que jamais une femme ne pourrait se prévaloir d'un cul aussi glorieux.

Mais ce corps est associé à une âme, et si ce n'est pas celle d'une midinette, c'est une âme sensible, un peu féminine, quelque chose qui détonne, surprend et peut se révéler passionnant. Il faut voir Emmanuel-Sagat embrasser le dessin de son amant, comme une pucelle frôlant des lèvres un journal intime ou l'image d'un amoureux stellaire. Il faut voir ce paquet de muscle avouer qu'il est mal à l'aise en présence de comédiens. Honoré filme ce corps fabriqué, presque un corps d'emprunt et (la scène du client américain, pour ceux qui ont vu le film) se plait à le tourner en dérision, avec la complicité assumée d'un Sagat casseur de sa propre image.

Le cinéma donne à voir et le dernier film de Christophe Honoré ne pêche pas par pingrerie. Il y a à voir dans ce film, des scènes salaces, mais finalement peu, des images en toute liberté, loin, très loin d'une esthétique de la joliesse, il y a à voir des sentiments, la chute des sentiments et le moment où ça fait mal, mais aussi de jeunes acteurs (sont-ils tous professionnels ? Je ne le pense pas, mais je n'ai rien lu là-dessus) magnifiques d'aisance et de réalité brute.

Un film intéressant, qui devrait être une parenthèse dans l'œuvre de Christophe Honoré, mais allez savoir, ce ne sera pas la première fois que ce jeune (encore jeune) cinéaste nous aura surpris. Comme la couleur changeante de la serviette, bleue ou rouge, selon qu'on est dans le film ou dans l'affichage du film... Film distribué par Le Pacte, impeccable entreprise de cinéma.

Au fait, le film est interdit aux moins de seize ans, qui sont priés d'aller se divertir de corps déchiquetés en 3 D par des piranhas.


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