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Conflits d'intérêts : les « bons Français » du Fouquets

Publié le 03 octobre 2010 par Juan
Conflits d'intérêts : les « bons Français » du FouquetsIl a pourtant installé une commission sur le sujet. Contraint et forcé par l'affaire Woerth/Bettencourt, il l'avait promis le 12 juillet dernier. Trois personnalités, un magistrat, un conseiller d'Etat et un président de la Cour des Comptes, ont été chargées par Nicolas Sarkozy il y a 3 semaine de réfléchir aux « situations de conflit d'intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du gouvernement, les responsables des établissements publics et entreprises publiques, ainsi que, le cas échéant, les autres agents publics dont la nature particulière des missions le justifierait ». L'heure est-elle si grave ?
Hirsch sème la panique
Cette semaine, l'ouvrage de Martin Hirsch a réactivé la polémique. L'ancien haut commissaire aux solidarités actives, qui a quitté le gouvernement en mars dernier, a dénoncé certaines pratiques, y compris parlementaires. Jean-François Copé, qui cumule les fonctions de maire (de Meaux), député, président du groupe UMP à l'Assemblée, et ... avocat à temps partiel (deux à trois après-midi par mois pour 20 000 euros annoncés) dans un cabinet d'affaires, a très mal pris d'être désigné à la vindicte médiatique par Hirsch. Copé a eu des mots très dures, invoquant la délation du temps de la Collaboration. Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, s'est lâché également, sur ordre évidemment: « Quand on se veut chevalier blanc, on commence par respecter la loi et par ne pas divulguer des informations confidentielles » A l'Elysée, Nicolas Sarkozy a demandé à ses ministres de ne pas réagir, afin d'éviter de donner trop d'importance à l'ouvrage.
La violence de ces réactions témoigne d'une chose : le conflit d'intérêts est un trait décisif de la droite décomplexée. Du Président des Riches à la bande du Fouquet's, le mélange permanent, systématique, omniprésent des genres est une caractéristique essentielle du pouvoir en place. Les exemples se multiplient : privatisation des moyens de renseignement, cadeaux fiscaux, cumul des fonctions, lobbying installé au coeur du pouvoir de certains grands patrons jugés proches, etc. On ne sait plus où donner de la tête.
Vendredi, dans les colonnes de Libération, Martin Hirsch s'est défendu : « il faut des règles, pas de l'autorégulation ». Sur ce point, il a raison. Copé, comme hier Woerth, répète qu'il est honnête et sait rendre étanche son mandat de député et son métier d'avocat. Là n'est pas la question. Hirsch ne dénonçait pas, le concernant, de malhonnêteté, mais la gestion personnelle et non encadrée d'intérêts potentiellement contradictoires. Est-ce si difficile à comprendre si l'on a rien à se reprocher ?
Le Premier Cercle
Avant, il y avait les enveloppes, le sponsoring, les emplois fictifs, les marchés publics truqués. Avec le Premier Cercle, la Sarkozie a inventé le militantisme bling bling, la cotisation à 2 SMIC, le retour d'ascenseur symbolique ET industriel. Quelques milliers d'euros de soutien légal, et voici un remboursement de bouclier fiscal d'une trentaine de millions d'euros décroché un jour d'hiver en 2008. Un simple dîner suffira. Le rendement est hors normes; on dirait du Madoff. Un dîner au Bristol, avec la carte Premier Cercle qui va bien, et nous voici rassurés. Les impôts, ou plutôt nos impôts ne progresseront pas. Pour faire taire les gueux, on prélèvera bien un petit point d'impôt sur le revenu supplémentaire, contraint et forcé, pour financer les retraites. Allez, 230 millions d'euros  - c'est la recette espérée par Woerth sur ce nouveau prélèvement -, ce n'est pas grand chose. La simple TVA sur les abonnements triple play rapportera 1 gros milliard d'euros.
L'inconscience sarkozyenne n'avait pas de limite, puisque le président français s'est acharné à décorer un à un ces heureux contributeurs de la Légion d'honneur, transformant la médaille napoléonienne en hochet pour riches. Les « bons Français » du Fouquets méritent bien quelque chose.
L'inconscience se loge partout en Sarkofrance se loge partout. Un voyage à Las Vegas payé par une entreprise de pari à un directeur de cabinet du ministère du budget, un terrain de courses hippiques cédés à bon compte à une entreprise amie, des proches placés ici ou là dans des établissements de crédit.
Le Sérigny-gate
En quelques mois, le sérieux Eric Woerth est devenu l'incarnation du conflit d'intérêt « made in Sarkofrance ».
Coïncidence du calendrier, nous avons appris cette semaine qu'Eric de Sérigny, conseiller « bénévole » d'Eric Woerth en charge des « relations avec le monde économique », était en fait un ange... des paradis fiscaux. Rue89, qui a sorti l'affaire, révélait, lundi dernier, que l'homme apparaitrait dans divers documents comme administrateur de sociétés dites « écrans » : dans le registre officiel des compagnies du Panama, on le trouverait ainsi dans les statuts, par ailleurs identiques, des sociétés anonymes Lorcha Overseas Inc., Magma Enterprises Inc. et Caliban Holdings Inc, créées le 5 août 1987 et toujours en activité. Eric de Sérigny a démenti, expliquant qu'il s'agissait de faux qui « mettent gravement en cause [s]on honneur et [s]on honnêteté ». Son avocat a annoncé avoir porté plainte contre X. Mais Rue89 a retrouvé l'un des autres administrateurs de ces sociétés, un ancien collègue d'Eric de Sérigny à la Chase Manhattan Bank, qui confirme la véracité des documents présentés. L'affaire, une de plus, ne fait que commencer. Et on attend toujours, depuis juillet dernier, le fin mot de l'affaire Molex - Sérigny travaillait pour Eric Woerth ET pour la société financière qui conseilla la direction de Molex.
Les écoutes téléphoniques
François Mitterrand, en son temps, avait été pris les doigts dans le pot de confiture... des écoutes. Son cabinet élyséen  à la fin des années 80, avait pris l'habitude d'écouter toutes sortes de personnalités, notamment pour protéger l'existence de la fille cachée Mazarine Pingeot. Sous Sarkozy, les écoutes servent aussi à protéger le président. Mais cette fois-ci, le président français ne cherchait pas à protéger sa vie privée, mais à démasquer une fuite au sein du gouvernement qui menaçait sa défense dans une affaire de gros sous, le fameux Woerthgate.
Mercredi, le Canard Enchaîné révélait que Jean-Paul Faugère, le directeur de cabinet de François Fillon avait autorisé les services de renseignement, hors de tout contrôle et de toute légalité, d'accéder à la liste des appels passés depuis un téléphone. Une autorisation rapidement utilisée pour débusquer David Sénat, conseiller pénal de Michèle Alliot-Marie, viré dès le mois d'août dans le cadre de l'affaire Woerth/Bettencourt. Cet été, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) avait pourtant rappelé, de façon expresse, aux services de Matignon que les opérateurs téléphoniques ont « la stricte consigne de ne jamais répondre directement à des services de police ».
David Sénat, justement, a été placé en garde à vue mardi dernier dans une autre affaire. Il est assez probable, évident, clair que cette garde à vue tombe à point nommé. M. Sénat avait été espionné par les services de renseignement français en juillet dernier, pour prouver qu'il était à l'origine des fuites à la presse des PV d'audition de Patrice de Maistre. Le voici mêlé à une autre affaire, vieille de 5 ans : il était l'interlocuteur de Fabien Chalandon, fils d'un ancien garde des Sceaux, et conseiller de la société Visionex. Cette dernière commercialise des bornes internet permettant d'accéder, dans les bars, à des sites de paris en ligne.
Comme par hasard, les services de police ont découvert des documents relatifs à l'affaire Bettencourt, en perquisitionnant le domicile de M. Sénat. Incroyable ! Selon TF1, « les enquêteurs ont retrouvé des rapports et des copies de rapports portant sur l'affaire Bettencourt et qui correspondraient aux éléments transmis à la presse ». Sans blague ? Les policiers ne cherchaient-ils pas des informations sur l'affaire ... Chalandon/Visionex ? Le procureur de Nanterre a parlé de « saisie incidente » Les ficelles sont toujours grosses en Sarkofrance.
L'affaire Kouchner
Il n'était pas de droite. Mais avant d'être récupéré (et politiquement enterré) par Nicolas Sarkozy en mai 2007, Bernard Kouchner cumulait la présidence d'une association internationale para-publique visant au développement des systèmes de santé en Afrique avec le conseil rémunéré au prix fort des chefs d'Etat africains de la région sur des thèmes similaires. Devenu ministre, l'ancien consultant de quelques présidents autoritaires de l'Afrique francophone réclama son du pour quelques factures impayées. Sarkozy fut inquiet... des remous, pas du conflit d'intérêt manifeste.
Et que dire de la nomination de sa compagne, Christine Ockrent, journaliste par ailleurs émérite, à la direction générale de l'audiovisuel extérieur ? Pour sauver les apparences, la tutelle de l'activité fut confiée au secrétariat d'Etat à la Coopération qui dépend ... de Bernard Kouchner.


Lagarde et Tapie
On pourrait aussi parler de Bernard Tapie. En 2007, l'ancien mentor du groupuscule radical de gauche annonce qu'il préfère Sarkozy à Royal à quelques semaines de l'élection présidentiel. Le soutien, à l'époque, fait sourire. Mais un an plus tard, on apprend que la ministre de l'Economie a accepté de transiger, dans l'affaire qui oppose l'homme d'affaires au Crédit Lyonnais depuis plus de 10 ans. Grâce à un arbitrage privé, sollicité par le gouvernement Sarkozy, Tapie devient millionnaire ! Déduction faite des impôts en retard, Tapie ne devait toucher que 30 à 40 millions d'euros, dixit Christine Lagarde. Il y a une dizaine de jours, on apprenait que la somme avoisinerait les ... 220 millions d'euros, évidemment payés par le contribuable. Au gouvernement, on explique qu'on n'a fait qu'appliquer une décision de justice. C'est faux, mais ce n'est pas grave.
Cette semaine, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale réclame, une fois encore, des explications et une audition de la ministre. Celle-ci refuse. Mardi, quand un député socialiste lui demande l'ampleur exact de l'enrichissement de Bernard Tapie, Lagarde s'obstine : « Vous ne cherchez pas vraiment la vérité avec votre question, vous cherchez l'affrontement, vous cherchez le règlement de comptes. »
Avant de régler les comptes, encore faut-il les connaitre...


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