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Karachigate : cette enquête que Sarkozy veut bloquer

Publié le 11 octobre 2010 par Letombe
Karachigate : cette enquête que Sarkozy veut bloquer

Un juge s'obstine. L'affaire dit du Karachigate a pris une nouvelle tournure cette semaine. le juge Renaud van Ruymbeke a décidé d'enquêter sur des «faits de corruption active et passive» dans le cadre du financement de la campagne d'Edouard Balladur en 1995. Le parquet de Paris n'a pas apprécié, jugeant que cela n'a rien à voir avec l'attentat de Karachi du 8 mai 2002. le procureur Marin avait déjà annoncé que les faits étaient de toute façon prescrits.
Le communiqué du parquet de Paris pour justifier son obstruction est éloquent :« Le cadre d'une information ouverte sur le fondement d'une telle plainte n'est manifestement pas approprié, en droit, pour investiguer sur des faits d'abus de biens sociaux au préjudice de la DCN-I et de corruption dans des conditions juridiques solide. »
Le ministère de la Justice explique donc, maladroitement, qu'en « droit », le juge ne devrait pas enquêter sur ces soupçons de corruption sarko-balladurienne sur la seule base d'une plainte des familles de victimes d'un attentat. Il y a 3 semaines, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, avait déjà jugé que cette affaire était prescrite. Jean-Claude Marin est ce procureur qui décidé de faire appel contre la relaxe de Dominique de Villepin dans l'affaire Clearstream.
Rappelons les soupçons : Le 8 mai 2002, un attentat à Karachi tue 14 personnes dont 11 salariés français de la DCN. A l'époque, on évoque Al Qadai. Le 11 septembre 2001 n'est pas loin. Début 2009, l'avocat des familles de victimes rapporte que les (nouveaux) juges privilégient désormais une autre piste. Un document, baptisé Nautilus, étaye les soupçons : Edouard Balladur aurait perçu des rétro-commissions sur ce contrat pour financer sa propre campagne présidentielle en 1995. Une fois élu, Chirac a décidé l’arrêt du versement de commissions occultes sur la vente de ces sous-marins, provoquant la fureur des officiels pakistanais concernés et l'attentat qui en suivit. Sarkozy parle de fable, Balladur dément, mais refuse d'être auditionné par la commission d'enquête parlementaire.
Rappelons les faits :
1. Les ventes d'armes françaises à l'étranger s'accompagnent de versement de commissions occultes. Celle de trois sous-marins nucléaires français conclue à l'automne 1994 et finalisée en janvier 1995 n'a pas échappé à la règle: 840 millions d'euros et 120 millions d'euros de commissions.
2. Nicolas Sarkozy était au courant des commissions versées sur le contrat AGOSTA. Ministre du Budget à l'époque des faits, il avait supervisé la mise en place de la société offshore, baptisée HEINE, chargée de procéder aux versements, selon un rapport de la police luxembourgeoise daté de janvier 2010.
3. En juillet 2009, Rue89 chiffrait à 83 millions d'euros les commissions versées au réseau d'Ali Asif Zardari, l'actuel président pakistanais, et à deux autres intermédiaires.
4. Deux intermédiaires imposés par le gouvernement Balladur dans cette vente de sous-marins ont reçu 54 millions de francs début 1995.
5. Le compte de campagne d'Edouard Balladur, ouvert par l'Aficeb (Association pour le financement de la campagne d'Edouard Balladur), numéroté 327548 à l'agence Crédit du Nord, boulevard Haussmann à Paris, «a enregistré un dépôt en espèces suspects de 10 millions de francs. Tout ceci alors que Nicolas Sarkozy était à la fois le porte-parole de l'ex-Premier Ministre et le ministre du budget» rapportait Libération au printemps dernier.
5. Maître Morice, avocat des familles de victimes, a à plusieurs reprises accusé l'équipe Balladur de corruption : Nicolas Sarkozy (directeur de campagne), Nicolas Bazire (directeur de cabinet), François Léotard (Défense), et Renaud Donnedieu de Vabres. En décembre 2009, il porte plainte pour corruption. Une enquête préliminaire (encore une !) est déclenchée sous l'égide de la brigade centrale de lutte contre la corruption basée dans les Hauts-de-Seine.
L'Elysée freine l'enquête.
Le juge Marc Trévidic, en charge de l'instruction, rappelait, en juillet dernier, les difficultés qu'il rencontre. « Il y a certains aspects qui me permette d'être un peu inquiet pour la suite des évènements» commentait-il sobrement. Effectivement, les obstacles se révèlent nombreux.
1. Contrairement à ses dires, le ministre de la Défense Hervé Morin n'a pas donné accès à tous les documents de l'époque relatifs à l'affaire. Après un gros nettoyage des archives pendant l'été 2009, le ministère a remis un rapport de 137 pages au juge Marc Trévidic ... dont seuls 6 paragraphes ont été laissés visibles.
2. Le président de la commission de la défense à l'Assemblée nationale, Guy Tessier (UMP), a également refusé, l'été dernier, de transmettre au juge Marc Trévidic le contenu détaillé des auditions réalisées par la mission d'information parlementaire auprès d'anciens ministres, d'hommes d'affaires, d'agents secrets ou de militaires, comme le rapportait Mediapart voici 10 jours.
3. Le juge Trévidic n'a découvert que tout récemment, grâce au général Rondot, l'existence d'une enquête des services secrets français à Karachi en 2002.
4. En 1995, la guerre des droites a coûté cher en révélations dangereuses. Depuis son élection en 2007, Nicolas Sarkozy a évité le piège, malgré les secousses de l'affaire Clearstream. La dernière manifestation de cette réconciliation forcée fut l'arrangement conclu entre le chef de Sarkofrance, Jacques Chirac et Bertrand Delanoë dans le le procès des emplois fictifs de la Mairie de Paris.
Et voici donc, en cette rentrée 2010, le parquet de Paris qui conteste aux juges la possibilité d'enquêter sur le volet financier du Karachigate.
Etes vous surpris ?

Sarkofrance


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