Magazine Journal intime

La renverse! Enfin!

Par Crapulax

11 octobre 2010

La renverse! Enfin!

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Mon organisation familiale me conduit à prévoir des bassins de croisière tranquilles, bien desservis et compatibles avec les périodes fixes et sans flexibilité auxquelles je reçois les enfants à bord. Bien entendu, ces périodes ne correspondent pas avec la bonne saison de navigation. Galapiat est chroniquement en retard. A Paques, encore au Sénégal, j'aurais déjà dû être au Brésil. Les conditions de la transat en auraient été bien meilleures. En Août, lorsque je lambinais encore avec eux dans la Baie d'Ilha Grande, il aurait déjà fallu être en train de remonter la côte brésilienne. Aujourd'hui, les fronts froids du sud aidant ce trajet vers le nord se sont rarifiés ou n'atteignent plus notre latitude. Le NE contraire est désormais quasi-permanent et généralement soutenu. Sur l'ensemble de septembre, nous n'avons pu exploiter que 3-4 jours de vent portant. Le reste du temps, il faut se protéger d'un NE énervé qui pousse entre 25 et 35 noeuds chaque jour. Nous ne sommes pas complètement seuls. Depuis Rio, 3-4 attardés comme nous grattent des sauts de puces quand ils le peuvent. Nous nous retrouvons aux étapes à faire le gros dos en attendant des conditions moins défavorables. Les rares mouillages possibles sont généralement agités, ventés, mal abrités, au fonds traitres de mauvaise tenue.

Comme par hasard, c'est le 23 Sept

mouillvit
embre que la pire alerte survient. Ce jour là, telle une vieille femme superstitieuse, je guette les signes, le moment où le ciel va me tomber sur la tête. Nous sommes quatre voiliers réfugiés au mouillage de Vitoria à seulement 300 milles de Rio. Avec des rafales à plus de 30 noeuds, on reste à bord au cas où.... Le matin, le gros sloop français dérape et remouille en catastrophe. En début d'après midi, c'est au tour du cata argentin de se faire la malle. Je suis alors encore serein car lorsque ce genre de mésaventure m'arrive, à condition météo constante, c'est toujours moins de 24h après la mise à l'eau de la pioche. Pas de quoi s'inquiéter donc.... normalement. J'envisage même un moment aller à terre malgré les conditions mais au moment de prendre l'annexe, je change d'avis. Je ne le sens pas, surtout pas un 23 septembre. Deux heures plus tard,  contre toute attente, l'alarme de mouillage bipe, on dégage. Réveil. Moteur en route dans la minute mais impossible d'embrayer la marche avant. Décharge d'adrénaline. Dans un flash, je nous vois à la côte. Lâcher plus de chaîne? Trop tard, nous allons déjà trop vite, l'ancre n'accrochera pas. La seconde ancre n'est pas prête. Enclencher l'inverseur directement au moteur est la seule réaction saine. Bernard qui a expérimenté cette mésaventure à Brachuy avec Guillaume lorsque j'étais en France, y pense une seconde avant moi et s'y colle. Well done. On remouille, on surveille. Le lendemain, mêmes conditions. J'annule mon rdv skype avec les enfants, reste à bord et c'est au tour du quatrième voilier allemand de dégager, 70 mètres de chaine et guindeau arraché passent à la baille. Bon sang froid de sa part lorsqu'il met les gaz vers l'extension du port pour aller s'amarrer en cata à la première bouée disponible. 4 voiliers dérapés sur 4 donc. Le compte est bon. Nous sommes tous expérimentés pourtant. Ces fonds vase + sable sont vraiment merdiques.

Pénible donc, mais il y a de quoi s'occuper car la série noire des avaries se poursuit: La réparation de mon enrouleur n'a pas tenu mais j'ai une autre piste de réparation plus perenne, encore faut-il que les conditions se calment pour pouvoir s'y mettre; les signes de maladie du pilote sont confirmés, le verrin est HS. Il ne me reste plus qu'à en faire un autre avec son moteur et la tête saine de celui de secours. Et puis c'est au tour de l'éolienne de faire des siennes, plus de charge, le pont diode redresseur est mort d'après le metrix. L'électricien du chantier me dit que je ne trouverai pas la pièce avant Salvador, enfin peut-être... J'en ai franchement ras le bol, rien ne va, putain de mois. Je broie du noir, Si au moins on pouvait se changer les

nanarcouv
idées à terre mais comme on ne peut vraiment plus être sûr de retrouver son bateau, c'est exclu ou, au mieux rare et aléatoire. Au Cabo Frio, à Buzios, Guarapari et maintenant Vitoria, same story. Plus ou moins prisonnier dans le canot, à passer à côté du Brésil. Il parait que c'est beau....

Je m'accroche à ce qui va: une entente sans nuage avec Bernard, la reprise de la pêche qui se révèle miraculeuse au large des côtes avec pas moins de 4 bonites de taille parfaites en moins de deux heures vers le Cabo Sao Tome, quelques bons bouquins à descendre encore... Et puis, lorsque l'accalmie nocturne nous laisse enfin le loisir d'aller à terre, nous réalisons être à 5mn à pied du quartier le plus festif de la ville. Bons restaurants avec enfin une cuisine nettement plus savoureuse que plus au sud, du monde partout dans les bars. C'est l'heure de la purge. Nous nous incrustons dans une boîte chic. C'est la soirée des socios, moyenne d'âge inférieure à la trentaine. Les mecs sont habillés aussi banalement que nous, tee-shirt, jean, baskets et nous nous fondons dans la masse. Les filles en revanche, sont apprêtées et jolies bien que toutes minutieusement calibrées selon des canons locaux très stricts: robe chiadée, cheveux longs et raides, très maquillées. Aucune n'est vraiment exceptionnelle mais presque toutes sont agréables à regarder. Quel changement car, contrairement au mythe persistant des bombasses brésiliennes, presque toutes les filles croisées depuis plus de trois mois au brésil, y compris à Rio, entraient plutôt dans la catégorie poids lourds. Ce soir, à Vitoria, j'ai l'impression de découvrir une sorte de réserve. Les gens sont d'ailleurs globalement nettement moins adipeux que d'habitude. Etrange. Et toujours aussi cool. Seuls estrengeiros dans une ville que les touristes ne visitent pas, nous suscitons amusement et curiosité et rencontrons pas mal de monde tous azimuts. Interruption de cette période monacale, austère et nuit blanche.

cecnanaetmoi
L'autre nouveauté positive est l'arrivée de Cécile. Elle m'avait contacté il y a quelques mois via le blog pour un embarquement de trois semaines. J'avais dit non par principe. Pas besoin d'équipiers et encore moins d'inconnus susceptibles de me casser les pieds au bout de quelques heures. Et puis, par curiosité quand même, nous avions échangé quelques mails et discuté une fois via Skype. Pétillante, manifestement pleine d'energie et sans complication, elle est aussi dotée d'une solide expérience marine tant en régate qu'en hauturier, alors j'ai changé d'avis. Dès son arrivée, je sens que j'ai bien fait de l'accepter à bord. Volontaire, directe et marrante, elle trouve immédiatement sa place à bord. Elle comprend parfaitement que je ne commande pas aux éléments ni aux aléas de la casse et du mauvais sort. Le lendemain de son arrivée, nous améliorons significativement notre confort et notre tranquilité d'esprit en suivant l'exemple d'un collègue et en prenant une bouée sans autorisation dans l'extension en cours d'aménagement du Iate Clube. Le clapot y est attenué et nous pouvons quitter le bord pour arpenter la ville sans crainte pour Galapiat. Pas aussi « Maravilhosa » que Rio, Vitoria présente néanmoins avec sa grande cousine une certaine parenté, longues plages animées sur l'océan bordées d'immeubles chics genre Ipanema, un relief granitique et des points de vue spectaculaires du haut du joli Covente Da Penha, haut lieu de pélerinage catho, ambiance assurée le soir aussi à un jet de pierre du Iate Clube. Pas si mal finalement. Et puis, tiens! Miracle. Le bain d'isopropanol que j'ai infligé sans grande illusion au bloc diode de mon éolienne semble l'avoir ranimée. Le test est bon, je remonte et ça remarche...  Bon signe?

Manifestement, la renverse n'est pas prévue au programme. Nous nous contenterons donc de conditions moins brutales pour

versabrol
partir, quitte à tirer des bords laborieux contre vent, houle et courant. Ça gite, ça tape, ça mouille. Pas vraiment comfortable et il y en a pour un moment. La première nuit, fausse manoeuvre, le génois à contre se déchire alors que je me félicitais à peine de mon enrouleur à nouveau fonctionnel. Sur le moment, je maudis la terre entière, mon bateau, toutes et tous y compris moi mais c'est ainsi, ça passe vite. J'endraille le Yankee sur l'étai larguable dans une ambiance nocturne et très acqueuse, j'envoie, on borde et ça repart. Avec 15- 25 noeuds de vent au près, c'est finalement la voile d'avant idéale pour cheminer ainsi. En définitive, l'enrouleur, c'est confort, mais rien ne vaut la bonne voile endraillée adaptée aux conditions. Ça marche mieux et c'est plus simple, donc fiable. Mon prochain bateau pour un prochain voyage sera d'une simplicité biblique, limite rétrograde, à l'instar de cet allumé qui a tourné récemment la planète pendant trois ans sans escale.

Tout comme notre navigation entre Rio et Cabo Frio, tous les éléments sont contre nous, bords sur bords pathétiques mais il n'y a pas d'autre choix. Seulement 160 milles à parcourir jusqu'aux Iles Abrolhos mais dans ces conditions, cela nous occupe presque trois jours. A lire le Vagnon, je ne vois pas d'intérêt évident à cette étape autre qu'une pause bienvenue de 24 heures. Mais avant même d'y parvenir, je commence à m'y plaire. L'eau y est parfaitement limpide, apparations fréquentes de baleines qui viennent s'y reproduire en nombre; la houle s'atténue enfin et lorsque nous mouillons au sud d'Ilha Santa Barbara, la magie est perceptible.

abroh
Bernard, Cécile et moi sommes immédiatement sous le charme. Quatre petites îles planes, pelées et désertes à part quelques chèvres, une base de la Marinheira Brasileira et son phare. Le mouillage est calme et parfait. La zone est un parc naturel et tout y est interdit: pêche, débarquement sans autorisation préalable. La vie sauvage dans les airs et dans l'eau y est intacte et brute. A ma première plongée, je croise une raie d'un bon mètre cinquante d'envergure. Les poissons perroquets, les ballistes atteignent des tailles étonnantes. Les rencontres avec des tortues ou des barracudas sont rapides et, préservé de l'homme, chaque specimen se laisse approcher de très près. La vie marine, souvent pauvre, décevante car décimée, est ici foisonnante et vivace. Les rares voisins de mouillages sont accueillants et intéressants. Le premier soir, nous nous incrustons sur une vedette de plongeurs / pêcheurs brésiliens qui affectionnent le coin, musique forte et caipi à gogo. Belle soirée, reçus comme des princes. La marine brésilienne, relax et accueillante, nous autorise le lendemain à débarquer et nous emmène visiter et
marinabrol
allumer le phare centenaire en fin de journée. Notre guide militaire adore manifestement son métier et apprécie le commerce des bourlingeurs de passage. Il évoque Brest où il a passé trois mois en formation il y a 10 ans, lorsque les brésiliens ont racheté le Foch. Des autrichiens croisés tantôt à Ilha Grande et des Français en provenance de Salvador nous accompagnent. Bonne équipe. Tous aux anges à partager le privilège de cette escale inattendue et sauvage, aux plaisirs simples. Nos 24 heures se prolongent à 36 mais il faut partir. Lorsque nous quittons les Abrolhos à regret pour poursuivre vers le nord, nous sommes regonflés à bloc et sommes salués par une série de grains favorables qui propulsent Galapiat à 7 noeuds sur la route directe. Les planètes se réalignent correctement, la chance tourne. Le mauvais temps de ce mois de Septembre maudit semble enfin derrière moi.

Moins de 48 heures pour parcourir les 250 milles qui nous séparent de la baie de Camamu. Cécile reprenant un avion de Salvador le 16/10, des

pirogue
arbitrages sur les étapes sont nécessaires d'autant que les conditions favorables sont trop rares pour être boudées. Camamu n'est plus qu'à 60 milles de Salvador, c'est un réseau de rios à l'écart du tourisme que tous ceux que nous avons rencontrés nous ont chaudement recommandé, belle nature, le Bahia profond, préservé du tourisme. Bien que sous-toilé avec le Yankee, faute de Génois opérationnel, Galapiat avance fort malgré tout. Pas grand chose à faire, juste parfois changer l'amure de la GV et du Yankee tangonné. L'atterissage à l'entrée du rio au petit matin avec le flot est écoeurant de facilité. Normal quand la baraka revient. J'ai beau savoir que l'amérique du sud s'est séparée depuis bien longtemps de l'Afrique mais malgré une échelle temporelle bien au delà de nos existences, ces continents restent étonnament similaires. J'ai l'impression de me retrouver en Casamance. La nature d'abord: Mangrove, plages, cocotiers. Et puis les pirogues des pêcheurs. Bon d'accord, les gars sont un peu moins noirs que de l'autre côté, il y a plus de musique dans leurs villages mais ce sont
viande
indéniablement des cousins très proches: mode de vie, tranquillité, simplicité de l'accueil. Je suis ravi de retrouver un fleuve tropical; pour Bernard et Cécile, c'est une première. Ambiance du fleuve si particulière, rythmée avant tout par le flot et le jusant, les bancs de sables à deviner. Oublier la carte. D'ailleurs, assez rapidement, le fleuve n'est plus cartographié. Comme au Sénégal ou en Guinée, on se réfère aux waypoints du Vagnon et à l'oeil surtout.

Sapinho: mouillage devant le village, entre les îles, réveillé par le Forro du matin. Les langoustes servies par le restau qui reouvre specialement pour nous le soir sont délicieuses. Marau ensuite, modeste prefecture régionale où nous sommes toujours les seuls occidentaux à plusieurs dizaine de bornes à la ronde. Les bahianais, élégamment débraillés et pieds nus sont aidant et souriant dès qu'on les sollicite, mais ne nous toisent jamais comme des « étrangers » au décor. Ravitaillement limité sauf jour de marché, à condition de ne pas attendre

chutegalapiat
des normes sanitaires à l'européenne. Coca cola n'a même pas droit de cité ici, le Guarana est roi. La viande se sert en gros, en commander moins de  trois kilos et tranché de surcroit, semble une drôle d'idée.

En poussant l'expoloration un peu plus loin encore, à condition de ruser avec les hauts fonds et de ne pas caler plus de 1m30 à marée haute, on peut se faufiler jusqu'à la cascade de Tremembe. On y mouille à 30 mètre de la chute d'eau, dans moins de 2 mètre et on atterit sur la vase quelques heures plus tard, un poil penché quand même. Ici c'est juste heu..... unique? Fantastique? D'autant qu'au delà du site, le brésilien qui tient un petit restau sur les berges et nous guide quant au meilleur endroit où stationner Galapiat, est également un authentique amoureux de la bonne chaire. Ses coeurs de Palmier et piments doux sont tout simplement exceptionnels, sa Cachaca artisanale incroyablement parfumée, quant aux ecrevisses pêchées dans la cascade, n'en parlons même pas.

Et comme quand tout va, tout va, Tremembe est aussi l'occasion de sympathiser avec ces autrichiens que je croise

gamins
régulièrement depuis Juin et Ilha Grande. Karl a 53 ans, sa femme Alli, 35, et leurs deux blondinets de 4 et 6 ans sont plus apparentés aux poissons qu'aux terriens. Apres une dizaine d'année à courir les rallyes moto en tant que chef mecano chez KTM (top job!!!!), Karl navigue depuis 20 ans. Ne pas se fier à son plan Caroff en ferraille un peu lourdingue pour juger le bonhomme car c'était juste une question d'occasion. Parmi sa longue série de bateaux, Il a aussi taquiné pendant 5 ans un cata de course de 60 pieds racheté pour quelques milliers d'euros suite à un dématage. Le genre de machine qui ne parvient pas à naviguer en deça de 20 noeuds, même sous toilé. On navigue un peu différemment se souvient il avec une certaine nostalgie. On part de Galice pour aller prendre une bière aux Açores et on en revient comme on le ferait entre Hyères et Porquerolles avec un engin plus « normal ». Leur présence sous les tropiques est transitoire vu qu'ils affectionnent plutôt des coins plus « frais et tranquilles », l'Antarctique, la Georgie du sud et l'Alaska la plupart du temps. Décidement, dans cette région où la
riogalapiat
majorité des navigateurs partent ou reviennent de Puerto Williams ou d'Ushaia, j'ai de plus en plus l'impression d'être le mickey du coin. La moyenne de bourlingue dans la région tourne plutôt autour de 10 ans et la zone de jeu s'étend généralement entre les 50ème nord et sud. A minima, on revient au moins de Capetown pour boucler son tour du monde ou faire un léger détour par les glaces. Pour moi, ça ne sera pas cette fois-ci. Une prochaine fois très bientôt? Ce n'est pas l'envie qui m'en manque et même Bernard, l'un des plus grand ennemi du froid que je connaisse, commence à la partager....

Il est temps de redescendre le rio vers son embouchure, juste le temps d'un dernier mouillage sur une petite île déserte où nous ferons griller sur la plage le soir un succulent Barracuda acheté à un pêcheur. Il y a 60 milles d'ici Salvador et le vent est à nouveau miraculeusement favorable, soutenu et dans le bon sens. Ne reste plus qu'à sortir en début de nuit avec le Jusant et à tracer vers le nord pour un atterissage le lendemain au lever du soleil. Plutôt que de choisir Salvador, nous mouillons sur l'île d'Itaparica, en face, entre Iate Club et banc de sable dans une sorte de lagon idyllique. Jamais vu autant de monde depuis des mois. Il y a une régate demain, certes, mais aussi dans l'ordre chronologique, cet étrange Cata Prao croisé aux Canaries, le H20 de Casamance; les Argentins de Ilha Grande en Juin, le Goyave et le Strong Legs d'Ilha Grande en Juillet, Le sloop tanké comme nous à Vitoria il y a deux semaines. Well, well, pâs de doute. La baie de tous les saints est, un peu comme Dakar en Afrique, le carrefour des bourlingueurs d'Amérique du sud.....

 
 

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