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La lune rousse

Publié le 13 octobre 2010 par Venetiamicio
LA LUNE ROUSSE ©Catherine Hédouin
LA LUNE ROUSSE©Catherine Hédouin
...Un soir de lune rousse et cotonneuse il se perdit dans la lagune. Le soleil couchant avait embrasé l'horizon badigeonnant à plein bras l'or et la pourpre, le vermeil et le rubis. Les yeux éblouis par tant de magnificence il s'était arrêté de pêcher et le temps coula au fond de l'eau. Des lambeaux d'obscurité tendirent le ciel de leurs sombres présages. Le miroir de l'eau s'épaissit. Il tenta d'écouter tous les bruits des alentours mais rien ne vint éclairer ses pensées. Il rama à l'aveuglette confiant sa vie au destin. Le voyage fut long. Il rama des heures durant hors de portée de la moindre terre. Il connaissait pourtant bien sa lagune et la peur lui tenaillait le ventre. Tout cela n'avait rien de naturel ! L'eau à perte de vue mêlait les sombres vapeurs du ciel à celles de la mer. Des dents pointues sortaient parfois d'îlots en loques et rayaient de noir l'obscurité. Une seule lueur pointait son museau inquiétant tout là haut. Il refusait de lever les yeux vers elle mais la maligne le saisit plus d'une fois par surprise dans l'écume de sa rame. Il pensa très fort à sa mère, elle devait l'attendre, elle aussi devait avoir peur. La brume coulait en gouttes acérées sur sa nuque raidie par l'effort. Il se mit à chanter, chaque fois qu'il avait eu peur il avait chanté. Sa voix claire et grave l'enveloppa de douceur. C'était sa mère qui lui avait transmis les chansons contre la peur. Dans sa lignée les femmes se les passaient de mère en fille. Malya n'avait pas eu de fille et isolée très tôt de sa famille par son mari elle n'avait eu auprès d'elle que son fils de son sang. Alors elle avait transgressé toutes les règles. Après la mort prématurée de son mari elle avait transmis à son fils unique tout son savoir de haut lignage et notamment ces chansons contre la peur.
La brume s'obstina dans son obscurité mais les sens de Myrlio décuplèrent et il sentit sous sa rame une eau plus légère. Il aperçut bientôt une pépite de clarté dans le lointain. Retrouvant sa vigueur il se dirigea vers elle. Les bruits habituels remontèrent un à un jusqu'à ses oreilles. Il retrouvait ses sensations et ses repères. Mais il n'était pas au bout de ses peines. Loin de l'autre côté de l'eau, sa mère avait entamé ses incantations. Elle savait où il allait. En enfreignant les règles des anciens elle avait éveillé leur colère. Leurs yeux séculaires ne pouvaient entrer dans les nimbes de l'enfance mais lui déjà en sortait. Jamais aucun homme n'avait eu sa beauté. Elle avait tout fait pour la dissimuler aux yeux de tous. Aucun garçon ne fut aussi mal vêtu, lavé et coiffé par une mère pourtant attentive et aimante. Mais son stratagème perdait de son effet au fur et à mesure que devenant un homme il s'éloignait de sa zone d'influence. Le jour du solstice d'été devait consacrer tous les garçons de quatorze ans en âge du feu. Les danses des moissons réunissaient tout le village en joyeuses farandoles autour du brasier. Les jeunes gens de l'année précédente avaient par malice entassé trop de fagots pour ridiculiser leurs futurs rivaux. Mais sans le savoir Myrlio leur réservait une incroyable surprise....(à suivre)extrait de la nouvelle "la maison des cinq têtes" ©de Marie-Sol Montes Soler-Avignon le 11.10.2010

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