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Interview de Pascal Pacaly

Publié le 13 octobre 2010 par Guillaume Joubert

l_549e1bf19f7949d8bf31ac427f4ec613.jpgPascal Pacaly (ici en photo avec la casquette) est un passionné de littérature et de rock. Ecrivain, poète, il a d'ailleurs sorti un bon nombre d'ouvrages sur le rock, tel le Tome 1 et 2 de Rock Stories, qui lui ont permis de cotoyer des groupes comme Arkol, Enhancer, Watcha, Dead Pop Club ou encore, Les Wampas. Alors pas étonnant de le retrouver ici, quelques jours avant la sortie d'un nouveau receuil de poésie.

Passionné de rock, écrivain, poète, peux-tu nous en dire plus à ton sujet ?

Que dire ? Stéphanois de 33 ans, fort intérêt pour la littérature, américaine de préférence : Mac Cullers, Tennessee Williams, Salinger, Bukowski. Adore la musique, glam et rock de préférence. Fervent supporter l’ASSE depuis toujours. Tu portes donc un certain intérêt pour le rock, qui n'est d'ailleurs pas très porteur en France. Peux-tu donner ton avis à ce sujet et nous dire ce que tu apprécies dans cet univers là ?

"L’échappée Belle". Voilà ce que, je crois, nous cherchons tous à travers la musique. Rêver, fuir, sortir de cette bulle et la crever un peu avant qu’elle ne se regonfle. C’est une bouffée d’oxygène dans un monde de plus en plus gangréné par la folie. C’est l’espoir, c’est fermer les yeux pour continuer à avancer. En France, certes le rock est moins développé que dans d’autres pays, mais cela vient de notre culture musicale. Quand les anglais ou les américains inventaient le punk ou le rock, nous étions hélas délibérément scotchés à la variété. Et la culture d’un pays est une chose bien difficile à rafraîchir. Pour autant, depuis quelques années, nous avons un sursaut d’orgueil. Des groupes se prennent à se foutre des clichés et à les envoyer balader. Nous accusons certes du retard, mais nous courons le plus vite possible. Et puis le bon côté d’outils comme Internet ou les DVD est qu’ils permettent de revenir un peu en arrière, de regarder ce qu’on a loupé, et de se remettre en selle. On puise dans l’esprit du passé la ferveur du futur.

Tu es d'ailleurs plutôt rock français ou anglais ? Quelles sont tes références ?

Les deux. La période Ziggy de Bowie est vraiment très intéressante. D’ailleurs c’est autant l’esprit des décennies 60 et 70 qui me touchent, comme beaucoup je pense. C’était une période exaltante, d’expérimentation, de révolutions, bref de liberté. Tout cela est aujourd’hui verrouillé à triple tours par des économistes-politiciens qui n’ont plus guère d’âme hélas. Alors il faut puiser, s’épuiser dans les temps d’avant, quand c’était encore possible de croire en l’avenir. C’est pour cela que tout amateur de rock (ou presque) ne peut qu’écouter du son anglais ou américain. Parce que cela voulait encore dire quelque chose. Bien sûr, il y avait des machines à pomper du fric derrière tous ces groupes, mais il n’y avait pas que cela. La musique n’était pas encore un produit Mac Do ou je ne sais quoi de ce genre. Il y avait de vrais magasins dédiés au disque, on ne le trouvait pas à côté d’un saucisson ou d’un produit ménager. Mais c’est le progrès et on ne lutte pas contre le progrès… De la même manière, on accompagnait les artistes sur plusieurs albums et pas que sur un seul single Internet comme maintenant. Il y avait des possibilités, des portes ouvertes. Pour répondre plus précisément à ta question, j’adore des gens comme Marc Bolan ou plus récemment des groupes comme Suede, Pulp, Manic Street Preachers. En groupe français Eiffel me touche énormément.

Tu as donc sorti deux volumes intitulé "Rock Stories" dont les sujets sont des groupes de rock, je suppose que la préparation doit être très lourde, entre les contacts, la recherche.....Peux tu nous dire comment tu as procédé pour débuter l'écriture de ces livres ?

Eh bien, cela vient d’un ami… en fait j’avais écrit une nouvelle complètement romancée sur un groupe de lycéens voulant monter un groupe de rock pour épater les filles et plus qu’éventuellement, se dépuceler (le but de tout ado !). J’avais pris pour cadre la ville où j’ai passé mon adolescence. Montrant cela à un ami, il m’a alors sorti « et pourquoi tu ne demanderais pas à de VRAIS groupes des renseignements ? »… C’est comme ça que tout a commencé… Pour le reste, c’est effectivement très lourd. Des années de travail. Mais on n’a rien sans rien…

Le fait de vouloir expliquer l'histoire des groupes en partant notamment de leurs origines et en partageant leur galère, n'y a t'il pas là le risque d'effacer un peu la magie, ou l'image de tel ou tel groupe ? J'aimerai que tu développes un peu ton inspiration, et ce que tu développes en écrivant sur les groupes.

Je ne suis pas sûr qu’il existe encore beaucoup de magie aujourd’hui. Avec les livres, les DVD, Internet, etc, on a accès à une foule d’informations… Non, le but était de parler justement de groupes qui n’ont pas forcément l’attrait médiatique qu’ils méritent… et puis, quel ado n’a pas envie de devenir une rock star ? Je pense que pour eux c’était un moyen de voir comment ça se passait, comment les groupes ont fait pour y arriver. C’était leur montrer que même en partant de rien on peut arriver à beaucoup en y croyant, en s’accrochant. Car même dans une société musicalement aussi verrouillée que la notre, tout est encore possible, même si, bien sûr, c’est beaucoup plus dur. Il faut parfois des années et des années de galères avant de percer. Et puis je suis loin de tout dévoiler dans ces nouvelles.

Comment les artistes te perçoivent et t'accueillent ?

Plutôt bien je crois. Pour eux c’est autant joindre l’utile à l’agréable. Utile par la promo qui va en résulter et agréable parce que ce sont des artistes, qui aiment l’art sous toutes ses formes. Et se retrouver dans un livre ne doit pas être forcément désagréable…

Poète, écrivain, j'ai vu que tu avais aussi écris des chansons..Et alors c'est quand que tu chantes ?

Non, il ne vaut mieux pas…

Tome 1, Tome 2, ça signifie qu'on aura là une longue série ?

Non. Je m’arrêterai à trois. Encore faut-il que je trouve le temps de l’écrire. Mais je le trouverais.

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Peux tu nous dire les groupes qui t'ont le plus malgré au gré de ces rencontres et nous expliquer pourquoi ?

J’ai bien aimé les Versus. C’est un groupe parisien qui a été assez décrié. C’est une histoire d’amour et de haine entre des membres, entre des frères. C’est dur et c’est fort. C’est galère et c’est sexe. Mais c’est surtout un rêve à attraper. Comme beaucoup ils se battent pour ça. Pour exister, et pas forcément en vain. Mais ce n’est pas évident. Le rock est un art plein de vice, et le vice est humain. C’est, je crois, leurs douleurs qui me touchent. Il y a en eux comme une sorte de solitude qui voudrait se transformer en morceaux de certitude. Alors des fois on se déchire, on se panse, et même loin des autres on reste ensemble. Les Versus, c’est une sorte de combat permanent. Paris, où ils vivent, est une conquête permanente, suprême. Le plus dur dans ce métier, c’est toujours d’avancer, de durer. Mais bon, ça se trouve je me trompe complètement sur leur compte et ce n’est qu’une bande de petits cons !

Tu as dis "je ne serais jamais adulte". Est ce pour garder une part de rêve ? Ou est ce parce que le monde adulte ne te ressemble pas ?

Franchement, à 33 piges, t’es sensé être adulte, non ? Donc bon… En même temps, quand tu vois ce que devient le monde, tu as un peu honte de toi, de te dire que tu ne peux rien faire que de baisser la tête et fuir la réalité pour un rêve dérisoire. C’est compliqué ce monde. On voudrait des responsabilités, mais pas trop. Et quand on les a, on se dit que c’était mieux avant. Après, tu mélanges ça avec les politiques ( censés êtres des adultes compétents) et tu vois ce qu’il en ressort… une lutte pour le pouvoir, pour l’argent… quand tu vois la marée noire en Amérique…tu te dis "c’est ça les adultes ? Ce sont eux qui ont fait ça ?' Le pire, c’est que pris un à un entre quatre yeux, chaque personne est formidable d’amour et de bonté. Mais le cercle vicieux s’est installé en nous depuis trop longtemps. Il aurait fallu qu’un jour on ait pu tous être sur le même pied d’égalité mais malheureusement cela n’a jamais été. Il y a toujours eu des rois des reines, des présidents, des présidentes. Pourtant, riches ou pauvres, grands ou petits, nous sommes tous humains, issus de la même matrice, de la même mère. C’est comme le sommet pour le climat, en 2009 à Copenhague : on dit qu’on fera des choses, et on ne fait rien. Le fric a corrompu tout le monde, c’est pas nouveau. Sauf que dans quelques années, on ne pourra plus se baigner dans la mer, et nos gosses nous dirons "dis papa, c’était comment nager dans la mer ?" et on répondra "C’était bien". Et on partira rejoindre les lacs artificiels la tête basse et honteuse d’avoir pu laisser faire cela. C’est pour ça, être adulte, c’est pas vraiment glorieux…

Quand on te lit, on sent le côté révoltant sur notre société, et un esprit très libre, l'écriture est t'elle en ce sens, une thérapie face à notre société ?

Oui et non. Si l’écriture avait pu changer le monde on s’en serait aperçu je crois. Mais l’écriture a ça de bien qu’elle permet d’avoir un savoir, de ne pas se faire baiser à tous les coups, tout le temps. On peut vérifier, apprendre, comprendre, être plus au fait des données erronées dont société veut nous inculquer. Les livres ont aussi le pouvoir de nous faire rêver, de nous emmener là où on ne va pas, de fuir une réalité trop déprimante. Mais ça ne guérit pas. Il y a toujours un réveil. C’est plus comme un pansement sur une plaie. Un pacemaker sur notre cœur défaillant. On aura toujours besoin des livres comme les témoins du temps, les témoins de la folie des hommes, des illusions éphémères, des amours passagers et éternels, des mondes qui s’accrochent et s’évaporent. Les livres sont le papier de nos cimetières et de nos futurs. Encore faut-il prendre bien soin à ne pas les brûler.

Alors je ne te demanderai pas où on peut te voir en concert prochainement, mais à court terme que prépares tu ?

Et bien je sors un recueil de poésie illustré par des peintres, des photographes et autres graphistes. Des gens venus d’Amérique, d’Europe ou d’Asie et qui ont donné un peu d’eux-mêmes pour justement, l’espace d’un court instant, être le reflet d’une époque et d’un temps. Il y a des artistes connus et d’autres moins. Mais la finalité d’un tel objet est de montrer que l’humain est capable du meilleur comme du pire et qu’ici nous espérons donner le meilleur de nous- mêmes. On y parle d’amour, de peurs, de folies, d’histoires fantastiques, de freaks et de sexe. On y rêve d’un monde différent, on y critique une réalité quotidienne. On pense des mots à défaut de panser les maux. On fait ce qu’on peut, mais on le fait avec le cœur. Et c’est déjà pas mal. Le nom du recueil est "Cadavres Exquis", ce que, quelque part, nous sommes tous plus ou moins. Parfois un peu trop beaux à l’extérieur, maquillés pour oublier les blessures de l’intérieur… Parfois, mais pas toujours. Le lien du site : http://lescadavresexquis.free.fr

Je te remercie, et te laisse donc le mot de la fin :

Rien d’autre sinon te remercier pour ça.

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