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L’héritage des séries : ces épisodes que l’on n’oublie pas

Publié le 13 octobre 2010 par Godsavemyscreen

Nous avons tous en tête une poignée d’épisodes qui sortent du lot, et se distinguent des autres par leur originalité, leur audace, leur humour ou leur intensité. Nécessairement subjective et restreinte, la liste qui suit n’en contient que cinq. Et vous, quel est votre quinté gagnant ?

Six Feet Under : That’s My Dog (4.05)

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Ecrit par Scott Buck et réalisé par Alan Poul, That’s My Dog est de ces épisodes que l’on peut facilement isoler au sein d’une série, un OVNI qui s’offre la liberté de mettre de côté toutes les autres storylines du récit, et duquel dépend néanmoins l’ensemble de la saison. Fragilisé par le départ momentané de Keith – parti offrir ses services de garde du corps à une chanteuse capricieuse et décérébrée, Celeste -, David commet l’erreur de sa vie en prenant un auto-stoppeur à priori aussi inoffensif que sexy. Mais le fantasme va rapidement tourner au cauchemar, et le sort, l’auto-stoppeur et les scénaristes s’acharneront sur David jusqu’à la fin de l’épisode : pris en otage et ligoté au fond du véhicule - préalablement vidé du corps qu’il transportait au beau milieu de la route -, défoncé au crack qu’il a sniffé sous la contrainte, trimballé dans une ruelle sordide, aspergé d’essence, menacé de mort et roué de coups, un canon de flingue dans la bouche, David échappe de peu au pire et mettra des semaines à se relever de cette agression.

Si l’épisode dérange autant, c’est en grande partie à cause de la personnalité du ravisseur, Jake, personnage remarquablement interprété et écrit, qui souffle sans cesse le chaud et le froid avec une incroyable perversité. « Nous avons essayé d’écrire quelque chose qui sonne juste, par rapport à la psychologie de David, qui fuit généralement toute forme de conflit et reste persuadé que l’être humain est rationnel. Certes, il y a des moments au cours de cet épisode où David, s’il était hardi, courageux et vif d’esprit, aurait pu s’échapper. Mais combien d’entre nous seraient hardis, courageux et vifs d’esprit dans ce genre de circonstances ? » déclare Alan Poul, le réalisateur de That’s My Dog. Et c’est bien ce refus de la facilité qui fait tout l‘intérêt de l’épisode : David n’est ni un héros ni un être sans défense, et son ravisseur n’est pas davantage un bloc bien homogène de brutalité et de cruauté. Probablement l’épisode le plus violent de la série, et sans conteste l’un des plus réussis.

Urgences : On the Beach (8.21)

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L’épisode qui ferait pleurer un caillou, tirant des ficelles suffisamment grosses pour qu’elles fonctionnent encore des années plus tard. On the Beach met en scène la (lente) mort de Mark Greene, atteint d’une tumeur au cerveau, entouré de sa femme Elizabeth et de ses deux filles, Ella et Rachel. L’heure du bilan, donc, au cours de ce dernier voyage à Hawai sur les terres de son enfance ; l’heure de la transmission et de l’héritage, dans une ultime tentative de rapprochement avec Rachel, adolescente butée et totalement fermée à ce père qui a trop souvent déserté sa vie pour son boulot. La rage de Rachel donne toute sa saveur à cet épisode un brin convenu mais franchement émouvant, et leur réconciliation de dernière minute vient enfin apporter la paix à celui que l’on côtoyait depuis près de huit ans.

Impossible, lorsque s’envolent les premières notes de Somewhere Over the Rainbow, ici reprise par Israel Kamakawiwo’Ole, de ne pas se laisser aller à l’émotion. Mark Greene s’en est allé, emportant avec lui huit années d’une série qui en dura quinze et nous accompagna, pour beaucoup, de l’adolescence à l’âge adulte.

Breaking Bad : One Minute (3.07)

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Difficile de ne retenir qu’un épisode parmi les trois premières saisons de Breaking Bad. Mon choix aurait aussi bien pu se porter sur Peekaboo (2.06) ou Fly (3.10), deux épisodes « pivots », audacieux et brillants. Mais c’est One Minute qui tient le haut du pavé : tiré au cordeau, sous tension du début à la fin, remarquablement interprété, One Minute est une immense claque après un début de saison relativement calme. L’épisode s’ouvre sur un flashback aussi court qu’éprouvant, dans lequel deux petits garçons – on comprend rapidement qu’il s’agit des cousins Marco et Leonel, les deux redoutables trafiquants -, hauts comme trois pommes, jouent sous le regard inexpressif de leur oncle ; lequel n’hésitera pas une seconde, à la première chamaillerie, à maintenir la tête d’un des gamins sous l’eau, ne laissant à l’autre qu’une minute pour décider de son sort.

Le ton est donné, et la scène suivante ne nous apportera aucun répit : après des semaines de tension nerveuse et de mal-être, Hank, marqué par le meurtre de Tuco, traumatisé par l’attentat d’El Paso, laisse enfin exploser sa colère. Et c’est sur Jesse qu’elle s’abat, manquant de le tuer et l’envoyant une fois de plus à l’hôpital, où se déroule la troisième scène marquante de l’épisode – entamé depuis seulement 15 minutes - : c’est le visage meurtri, déformé par les coups et la rage, que Jesse crache au visage de Walter toute sa colère, sa détresse et sa frustration ; fatigué de n’obtenir aucune reconnaissance, furieux de n’être qu’un pantin entre les mains de son ancien professeur, Jesse nous livre à l’état brut un monologue déchirant, qui confirme une fois de plus le talent de son interprète, Aaron Paul.

Le final sera à la hauteur de ce début d’épisode explosif, et le piège des cousins, orchestré par l’étrange Gus, se referme progressivement sur Hank. Prévenu in extremis par un coup de fil anonyme, Hank n’aura, à son tour, qu’une minute pour décider de son propre sort : sauver sa peau ou renoncer ? Fuir ou affronter le danger ? One Minute donc, une minute seulement avant la mort : c’est sur cette poignée de secondes décisives que s’ouvre et se clôt l’un des meilleurs épisodes – à ce jour – de Breaking Bad.

Buffy The Vampire Slayer : The Body (5.16)

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Ecrit et réalisé par le créateur de la série, Joss Whedon, The Body met en scène le décès de la mère de Buffy et Dawn. Confronté à l’épreuve périlleuse mais inévitable de la mort d’un personnage régulier, Whedon relève le défi en prenant le contre-pied de toutes les règles habituelles : l’absence de musique – pas une note durant tout l’épisode -, la description minutieuse de la procédure – la venue des secours, le constat du médecin légiste, la paperasse et la longue attente à la morgue -, la non-réaction d’une Buffy qui ne parvient pas à comprendre ce qui se passe autour d’elle, tout concourt à faire ressentir, selon Whedon lui-même, « l’aspect très physique, l’ennui presque, des premières heures » qui suivent la mort d’un proche.

Pas de violons ni de grandes effusions tragiques, pas d’images d’enterrement ni de discours sur la beauté de la vie ou l’importance de l’amour : ceux qui restent, à l’image de Buffy, peinent à sortir du brouillard et à encaisser le coup. Les premières minutes de l’épisode sont particulièrement oppressantes, la caméra suivant pas à pas la lente progression de Buffy, du corps de sa mère à la cuisine, de la cuisine au corps de sa mère. L’absence de plan d’extérieur, y compris lorsque Buffy s’arrête devant une porte ou une fenêtre, renforce la sensation d’étouffement et souligne la désorientation du personnage. Pour la première fois depuis le début de sa carrière de Tueuse de vampires, Buffy est confrontée à la « vraie » mort ; dans The Body - très maladroitement traduit par Orphelines en français, qui présente le double inconvénient de révéler le contenu de l’épisode et de faire perdre au titre toute la dimension physique de la mort mise en avant dans l’épisode – le surnaturel, l’extraordinaire, n’est plus à chercher du côté des vampires et autres créatures fantastiques – l’épisode ne comporte d’ailleurs qu’un seul et bref combat de ce genre -, mais bien du côté de l’humain.

C’est ce que soulignent les incessants questionnements d’Anya, ex-démone et petite amie d’Alex, qui pose sur la mort un regard chargé d’incompréhension : « Je ne comprends pas comment tout ça arrive. Comment on traverse ça. Je veux dire, je la connaissais, et voilà que ce n’est plus qu’un corps, et je ne comprends pas pourquoi elle ne peut pas retourner dedans et ne plus être morte. C’est stupide. C’est mortel et stupide. »

Les Soprano : Pine Barrens (3.11)

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Ecrit par Terence Winter et Timothy Van Patten, réalisé par Steve Buscemi, Pine Barrens (L’Enfer Blanc en français) est presque un stand-alone, un épisode qui, à l’image de That’s My Dog dans Six Feet Under, peut être isolé du reste de la série sans nuire à la compréhension de l’ensemble, et appréhendé seul, comme un film, sans avoir suivi la série depuis ses débuts.

Silvio étant cloué au lit à cause d’une grippe, c’est à Paulie et Christopher que Tony demande d’aller récupérer leur dû chez Valery, un mafieux russe de plus de deux mètres, ex-membre des Forces Spéciales au sein du Ministère de l’Intérieur de son pays. Comme prévu, les choses tournent mal et Paulie et Christopher, persuadés d’avoir tué Valery, l’embarquent dans le coffre de la voiture et décident d’aller l’enterrer au milieu de la forêt de Pine Barrens, dans le sud du New Jersey. Mais le Russe n’a pas dit son dernier mot, et prend la fuite après assené un vilain coup de pelle à Christopher. Persuadés de l’avoir touché à la tête, Paulie et Christopher ne parviendront toutefois jamais à remettre la main sur lui ; perdus, affamés et frigorifiés, ils seront finalement réduits à demander l’aide de Tony. Accompagné du brave Bobby Bacala – son irruption en tenue de chasse vaudra d’ailleurs un fou-rire mémorable à Tony, si spontané que l’on se demande s’il était réellement prévu au scénario -, Tony récupère ses ouailles transies de froid et laisse entre les mains de Paulie la décision ultime : poursuivre ou cesser les recherches.

Vénéré par les fans – qui se demandent encore aujourd’hui ce qu’il a bien advenir du mystérieux Russe -, récompensé par le prix Edgar Allan Poe, Pine Barrens est rapidement devenu un épisode culte, situé quelque part entre Les Pieds Nickelés et le Fargo des frères Coen. Un sommet d’humour et de burlesque, dans une série dont le sujet ne prêtait, à priori, pas franchement à rire…


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