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La double vie d'Irina

Par Fibula
La double vie d'IrinaLa double vie d'Irina, de Lionel Shriver, Éditions Belfond, 2010
Traduction de Anne Rabinovitch
Lionel Shriver est l'auteure (oui c'est bien une femme contrairement à ce que son prénom laisse supposer) de Il faut qu'on parle de Kevin, l'un des meilleurs livres que j'ai lus en 2007. Un livre difficile cependant, à l'écriture verbeuse, très intellectuelle, au sujet bouleversant et choquant.
Avec
La double vie d'Irina, Lionel Shriver s'engage sur une voie plus romanesque, imaginant deux destins à Irina McGovern, illustratrice de livres pour enfants, américaine immigrée en Angleterre afin de suivre son compagnon Lawrence, journaliste engagé par une chaîne de télévision britannique. Le point de départ de ces deux "vies" est une soirée d'anniversaire qu'Irina passe seule avec Ramsey Acton, le fêté, dans un grand restaurant. Ramsey Acton est un célèbre joueur de snooker (je me rends compte en lisant l'article de Wikipédia que Lionel Shriver s'est probablement un peu inspirée de Jimmy White pour son personnage de Ramsey Acton), sport très populaire au Royaume-Uni. Lors de cette soirée, Irina est prise d'une folle envie d'embrasser Ramsey. L'auteure explore ce que sa vie devient en accomplissant ce désir, et ce qu'elle est en le niant et en retournant dans sa sage relation de 9 ans avec Lawrence.
D'un point de vue littéraire, le livre est intéressant car il déroule toutes les possibilités imaginables, selon le procédé des "livres dont vous êtes le héros".
Concernant le sujet, ceux qui ont déjà lu Lionel Shriver savent qu'elle est du genre à s'étendre assez longuement sur ses thèmes. Cela donne lieu à des réflexions sur le couple et l'amour comme on en a rarement lues. On se questionne principalement sur le meilleur choix entre une vie de couple passionnée, charnelle, parfois destructrice mais ô combien satisfaisante sur d'autres plans, et une relation plus calme, sereine, dans laquelle les individus peuvent se reposer l'un sur l'autre, s'entraider, s'aimer simplement et sainement. Est-il possible d'avoir les deux dans la même relation ? Est-il possible de vivre sans l'un ou l'autre ? L'être humain n'est-il pas toujours attiré vers ce qu'il n'a pas ? L'auteure ne juge jamais l'une ou l'autre des façons de faire, évitant l'écueil manichéen, et sa conclusion est toujours qu'il ne faut pas regretter ses choix.
Par le personnage d'Irina, elle nous apporte également une réflexion parfois très crue sur la sexualité et les fantasmes, ce que l'on a rarement l'occasion de lire de la plume d'une femme.
Lionel Shriver associe aussi la grande Histoire à ses récits. Du conflit yougoslave aux attentats du 11 Septembre, certains des grands événements de ces deux dernières décennies traversent son texte. Et Irina ne peut s'empêcher de lier sa vie à l'un des événements marquants de 2001.
«Le sentiment qu'elle éprouvait devant les décombres de son apocalypse personnelle rappelait sans aucun doute l'impression d'inutilité qui l'avait habitée après le 11 Septembre.» (p. 462)
La traduction du titre laisse supposer une histoire de tromperies, mais il n'en est rien, ou si peu. Comme dans la vie, c'est beaucoup plus compliqué que cela, et la tromperie fait partie de quelque chose de beaucoup plus grand et important.
The Post-Birthday World
, le titre original, est beaucoup plus approprié à mon humble avis. L'image alanguie d'une femme sur un tissu rouge velours n'est également pas très représentatif de la personnalité d'Irina. Mis à part ces détails qui ne doivent cependant pas tromper sur la marchandise, il s'agit d'un roman encore une fois vraiment passionnant, de la part d'une auteure fine observatrice des comportements humains.
En écrivant ceci, j'écoute Vampire Weekend, Contra (Beggars Banquet, 2010)

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