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Plein de larmes

Publié le 30 août 2008 par Menear
Je me suis perdu dans le Peau d'ours d'Henri Calet ces derniers jours. Ce livre qui n'en est pas un, suite sans histoire de petites notes prises au quotidien lors des dernières années de sa vie. Ces fulgurances de quelques phrases, parfois seulement de quelques mots, disséminés sur la page, sont d'une éblouissante douceur. Touchant jusqu'aux derniers paragraphes, poignants à l'extrême. Un livre pour lequel je garde énormément d'affection. Ces quelques extraits éparpillés comme témoins de cette lecture ; lecture parallèle via le carnet bleu (anciennement vert) et la trentaine de page notée comme référence d'où je tire ces citations (l'édition L'imaginaire pour référence).
De ma fenêtre : lune rousse à cinq heures du matin, étincelante comme un soleil, rayonnante. Ciel bleu, vert, lapis-lazuli : spectacle extraordinaire (le soleil en même temps). Oiseaux, campagne, silence, lilas en fleurs. (P.24)
Les femmes se dénudent, elles sont désirables, y goûter. Aisselles (autobus), quelques millions de paires d'aisselles suantes. (P.25)
30 décembre : Je reprends mon nom de travail. Fin et début d'année.
Éclaté en pleurs (m...) devant Ernestine à table. (P.30)
Le crépuscule : chaque fois un spectacle miraculeux. J'en parle comme un aveugle qui parlerait du jour. (P.40)
Goûter le côté négatif de la vie : pas de maladie, pas d'accident, rien n'arrive. (P.49)
A 1 heure du matin, Colette téléphone : - C'est l'heure où les anémones se ferment... Est-ce que vous savez encore embrasser comme hier ?
- Oui. (P.63)
- Je vais mourir...
Je viens prendre congé.
Je ne réponds plus aux lettres.
Je range mes tiroirs.
Je ne cours plus après l'autobus ; les gens s'étonnent de me voir le manquer d'un seul pas.
L'amour équivaut à un quatrième étage.
Je suis à la merci du moindre effort. (P.123)
15 mai : Départ pour Bordeaux avec Madeleine.
Un homme inanimé, étendu sur la chaussée à côté de sa motocyclette, tel fut le premier spectacle que nous eûmes en pénétrant dans Bordeaux. Autour de la tête du blessé, s'étaient éparpillées les marguerites qu'il avait apportées de la campagne. Il y a des gens qui pensent à tout : ils se déplacent avec leurs fleurs et couronnes. Par bonheur, il n'était pas mort. (P.130-131)
Cependant les feuilles poussent... De ma fenêtre, je vois les jeunes oiseaux.
Mon herbier : les opiacées, les barbituriques, les stupéfiants, les somnifères...
Mort de Paul Gadenne – ai pensé à lui. (P.157)
C'est sur la peau de mon cœur que l'on trouverait des rides.
Je suis déjà un peu parti, absent.
Faites comme si je n'étais pas là.
Ma voix ne porte plus très loin.
Mourir sans savoir ce qu'est la mort, ni la vie.
Il faut se quitter déjà ?
Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. (P.162)
Peau d'ours se termine sur ces cinq paragraphes et ces deux dernières phrases orphelines ; s'en suit un paragraphe laconique de l'éditeur.

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