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Babel

Publié le 20 novembre 2006 par Menear

Si vous n'avez jamais entendu parler de Alejandro Gonzalez Inarritu, je ne vous félicite pas. Je dirais même que je ne suis pas content. Pourquoi ? Tout simplement parce que Inarritu est un bon réalisateur, qui produit de bons films (on lui doit notamment Amours Chiennes et 21 grammes). Si vous ne le connaissez pas, je vous encourage donc à le découvrir et à retenir son nom (j'avoue avoir eu un peu de mal au début, mais après qu'Elsa me l'ait rabâché quelques dizaines de fois, bizarrement, ça a fini par rentrer). Mais bon, peu importe son nom, puisqu'il est ici question de son dernier film, primé à Cannes (prix de la mise en scène) au printemps dernier, j'ai nommé Babel.

Babel

En plein désert marocain, un coup de feu retentit. Il va déclencher toute une série d'événements qui impliqueront un couple de touristes américains au bord du naufrage, deux jeunes Marocains auteurs d'un crime accidentel, une nourrice qui voyage illégalement avec deux enfants américains, et une adolescente japonaise rebelle dont le père est recherché par la police à Tokyo. Séparés par leurs cultures et leurs modes de vie, chacun de ces quatre groupes de personnes va cependant connaître une même destinée d'isolement et de douleur...

(Ce synopsis est tiré du site Allociné tout simplement parce que j'ai déjà écrit un billet sur Babel hier (bien meilleur, évidemment), mais cette saloperie d'Open Office de merde a planté et n'a rien enregistré, donc je dois tout refaire ce matin, mais pas le résumé, parce que ça me gonfle !)

Babel

Si Babel est un bon film, on le doit avant tout à sa structure, chère à Inarritu, à savoir une structure « puzzlesque » ou bien kaléidoscopique. Elle propose en effet trois histoires a priori indépendantes les unes des autres, mais qui finissent par toutes se recouper avec quatre pays concernés (c'est là qu'on constate que le réalisateur mexicain voit plus grand que pour ses précédents fims) : le Maroc, les Etats-Unis, le Mexique et le Japon. Les trois intrigues principales vont donc se succéder, s'entremêler, voir se recouper pour produire au final un film cohérent et jamais confus (ce qui n'était pas évident vu l'exercice de style) et, surtout, sans jamais connaître de longueurs, ce qui est largement appréciable compte tenu de la longueur du film (près de deux heures trente). Si le film est si réussi, c'est probablement grâce à son montage, impeccable, qui permet au spectateur non seulement d'être tenu en haleine mais également de ne jamais ni se lasser de l'histoire qu'il suit, ni d'être frustré de passer d'une intrigue à une autre. Babel est également superbement maîtrisé dans sa réalisation, présentant des plans intimistes sur ses personnages, allant même jusqu'à « interniser » sa narration (notamment lorsqu'il se met dans la peau de l'adolescente japonaise qui, soit dit en passant, est sourde-muette). De ce fait Babel va bien au-delà de son simple impact type « effet papillon » qu'on dénoncé certaines critiques (mauvaises, évidemment). Ce n'est pas simplement l'histoire d'un fusil qui fait des dégâts aux quatre coins du globe, c'est moins simpliste que ça.

Saluons également la distribution et la direction des acteurs, irréprochables toutes les deux. Le couple Brad Pitt / Cate Blanchett est sur ce point là exemplaire de justesse et d'émotion, alors que le spectateur passe toute la partie « Maroc » du film juste derrière eux, contre eux, avec eux. Mais sur cet aspect, la palme revient certainement à Rinko Kikuchi (la jeune adolescente sourde-muette), simplement parfaite, et superbement utilisée dans quelques scènes clés du film (ses déambulations dans les rues silencieuses quoiqu'animée, le passage dans la boite de nuit et la dernière image du film, également).

Babel
Pour ceux que ça intérèsse, cette superbe image est aussi le fond d'écran de mon portable cette semaine !

Je disais un peu plus tôt que Babel était un peu plus profond que ce qu'on laissé entendre certains critiques, c'est notamment vrai concernant toute la reflexion mise en place concernant le rapport à l'autre. Car c'est cette thématique qui traverse réellement les trois intrigues du film et qui les relie les unes aux autres. Tous les conflits du film naissent d'une incompréhension entre différentes cultures. Comme on ne se comprend pas, on a peur les uns des autres et comme on a peur les un des autres, on finit par se détester. Tous les personnages clés du film sont par ailleurs plongés dans une réalité qu'ils ne connaissent pas ou bien qui leur est hostile. Les personnages de Babel sont des personnages perdus, comme le laissent sous entendre les paysages gigantesques du film (le Maroc, la frontière mexicaine, et même les grands espaces bondés du Japon). De la même façon, Inarritu s'interroge sur la problématique de la frontière. Il développe dans son film une vision totalement absurde et aliénante de la notion même de frontière, notion que l'on retrouve dans chacune des parties du film. La frontière, c'est cet espace désertique et inconnu dont on ne sait même pas s'il se trouve aux USA ou au Mexique à la fin de l'histoire mexicaine. La frontière, c'est cette barrière sonore qui entoure l'adolescente japonaise et qui la coupe du reste du monde. La frontière, enfin, c'est ce bus (climatisé) de touristes occidentaux en plein désert marocain, qui non seulement isole ses occupants des « autochtones » mais en vient également à les monter les uns contre les autres. La frontière, thème clé de Babel, ce n'est pas seulement une barrière physique, c'est une zone qui n'existe pas, irréelle, dans laquelle on ne peut que se perdre (cf. la photo ci-dessus).

Babel est certainement l'un des films de cette année, et je ne regrette pas d'avoir fait fauter un cours de Stylistique et Semniotique, mercredi, pour être allé le voir (merci Elise !). Je le recommande à tous, bien entendu, et je vous invite au passage, à consulter la critique qu'en a fait Matoo sur son blog.


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