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David Fincher n'a pas fait qu'un film sur Facebook

Par Tred @limpossibleblog
David Fincher n'a pas fait qu'un film sur FacebookEn gravissant l’escalator de l’UGC Normandie menant vers sa magnifique salle principale, je me suis pris à me demander depuis combien de temps je ne m’étais pas ainsi élevé vers l’une des plus belles salles que compte la scène cinéphile parisienne. A une époque, c’était certainement ma salle préférée, celle dans laquelle je tenais à voir tous les « grands films », au début de la décennie passée. Ses grands rideaux bleus, ses larges fauteuils (près de 900), son grand écran. La prestigieuse salle du Normandie dégage quelque chose d’assez rare parmi les cinémas de la capitale, vestige des immenses salles presque toutes disparues excepté Le Grand Rex et le Max Linder Panorama. Quand donc m’étais-je rendu au Normandie pour la dernière fois ? Il faudrait que je fouille parmi mes tickets, si seulement ceux-ci offraient un semblant d’ordre… Toujours est-il que le public des Champs-Élysées a eu raison, au fil des ans, de mon admiration pour la belle salle, ses ados trop bruyants, ses touristes trop bavards, ses popcorns trop nombreux.
Pourtant l’occasion s’est présentée de retourner dans la salle 1 de l’UGC Normandie, samedi soir, à 22h, pour le film incontournable du moment. The Social Network. Le film qui rend tout le monde curieux, celui qui raconte l’histoire plus ou moins vraie de la création de cet outil omniprésent et omniscient de la société qu’est Facebook. Un film qui rend curieux avant d’être vu, et plutôt admiratif une fois vu. Retirez le « plutôt ». Avant d’être un film sur la création de Facebook, The Social Network est le nouveau film réalisé par David Fincher (à peine plus d’un an après L’étrange histoire de Benjamin Button), d’après un scénario de Aaron Sorkin (créateur de la série « A la Maison Blanche »). Au-delà d’un film sur la création de Facebook, The Social Network est un portrait aussi bluffant que fascinant de la génération 2.0.
David Fincher n'a pas fait qu'un film sur FacebookSi le cadre offert par les atermoiements et conflits de l’entreprise Facebook se prêtent si bien à un long-métrage, Sorkin et Fincher en font quelque chose de bien plus vaste qu’un film sur Facebook. Ils racontent les balbutiements d’une société en marche, une société de l’instant, une société où la reconnaissance globale est le but ultime. Fincher raconte que s’il a poussé ses acteurs à adopter un débit de paroles aussi intense, c’était pour faire tenir en deux heures le scénario dense de Sorkin, lui garantissant le final cut du film. Cette vitesse sert le film, le rythme effréné de ses dialogues constituant un élément clé du monde et de la génération qu’il dépeint. Du garçon qu’il dépeint. Mark Zuckerberg, sur le toit du monde et les bourses débordant de milliards de dollars avant d’avoir atteint 25 ans. Les mots se propagent vitesse grand V, à l’image de la renommée et de l’argent.
Que The Social Network ne décrive pas forcément les personnages qu’il prend pour anti-héros dans toute leur véracité n’empêche pas le film de trouver son équilibre. Point de récit linéaire, propre et fidèle ici. Sorkin et Fincher voient plus grand, plus loin. Leur film zigzague avec cohérence et extrapole pour mieux nourrir ses personnages et sa dramaturgie. Finalement, il importe peu que Mark Zuckerberg et Eduardo Saverin, les deux co-fondateurs de Facebook et personnages centraux du film, soient fidèlement dépeints ou non. The Social Network en fait des personnages foisonnants et fascinants. Ils sont les rouages d’un ensemble qui dépasse l’entendement, où quelques formules informatiques et quelques coups stratégiques qui peuvent paraître anodins génèrent des intérêts humains qui se comptabilisent en dizaines, centaines de millions de dollars.
David Fincher n'a pas fait qu'un film sur FacebookThe Social Network tisse la toile d’une saga humaine, économique et sociétale aux accents épiques (la musique composée par Trent Raznor est stupéfiante), servis en cela par un duo de jeunes comédiens ébouriffants. Andrew Garfield, le point d’ancrage de sympathie, et surtout Jesse Eisenberg, qui se glisse sous la peau de Mark Zuckerberg et en fait un personnage absolument déterminant de l’année cinématographique, lui imprimant à la fois l’errance d’un être pathétique, la force d’un génie en marche et la banalité d’un garçon contemporain. Une des grandes performances de l’année.
Oui, The Social Network est un film sur la création de Facebook et ses conflits. Mais c’est aussi tellement plus que cela.

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