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Stéphane Côté au Sentier des Halles (critique)

Par Sumba

Avec Stéphane Côté, allons « quérir l’or des émois »

« Étranger du monde » mais avide de « nouvelles sur la vie », Stéphane Côté évite l’aveuglement des projecteurs et fait le pari du bouche à oreilles. C’est du moins l’impression que nous donne le beau « Rendez-vous » donné par le chanteur québécois au Sentier des Halles. Un an après son bref passage parisien au Sunset, le revoilà prêt à nous emplir de « Larmes et de rires », au rythme enlevé de son dernier album, « Des nouvelles ».

Stéphane Côté au Sentier des Halles (critique)

Stéphane Côté par Michel Parent

On le voit, présenter le spectacle de Stéphane Côté grâce aux titres de ses chansons n’est pas compliqué. On pourrait aussi en émailler une conversation du quotidien, ou bâtir avec un récit sur la vie, une chronique douce-amère de l’existence. Mais il suffit d’aller un peu plus avant dans l’univers de l’auteur-compositeur pour saisir la profondeur de ses créations. Une poésie chevillée aux âges de la vie nous pénètre : des mots simples s’assemblent pour nous parler des petites choses de tous les jours, des « monstres trop réels déguisés en humains », des « oiseaux de papiers » dessinés par une enfant…

Du folk moderne à la chanson à texte dans la lignée de Gilles Vigneault, de Félix Leclerc ou de Jacques Brel, Stéphane Côté ballade nos humeurs au gré de ses mots, de ses « Préférences ». Et, s’il a un « penchant pour tout ce qui penche, car, ici, rien n’est droit de sens », rien ne nous empêche de tracer notre propre route au milieu de l’étendue poétique de l’artiste. Car les textes sont si denses et les images si nombreuses que chacun peut y trouver son trésor. L’amoureux s’arrêtera pour créer un huitième jour, « le huitième pour l’amour et les bouquets volés », tandis que le désespéré d’un jour ou de toujours pourra célébrer le « rituel pour la fin d’automne, comme au temps des morts glorifiés » du superbe texte des « Noms perdus ».

Quant au spectateur disponible, il se laissera guider dans l’itinéraire tout en détours du chanteur, hors des chemins balisés par les succès populaires, hors du temps chronométré par la société. Car tantôt sautillant d’une joie communicative, tantôt paralysé par une tristesse passagère, Stéphane Côté refuse de se figer dans une posture unique. Si certaines chansons traduisent une révolte contre une humanité perdue, contre un mensonge généralisé, tout n’est pas noir dans le monde du poète qui n’est pas de l’espèce des maudits. Son sourire tendre accroché aux misères qu’il décrit parfois semble nous dire que la joie est tout près de la peine. Et qu’il suffit peut-être de croire en « l’illusion de coeurs encore humains sur terre » pour que s’éclipse le vague à l’âme et que la ronde des « caves » (autrement dit, des cons) devienne ronde d’ivresse.

Entre chaque morceau, la parole relaie le chant. Grâce à de petites anecdotes qui assurent la transition entre les différentes parties du spectacle, les chansons sont imprégnées d’une sensibilité que l’on devine être celle de l’homme privé plus que celle de l’homme de scène. La genèse de certains morceaux nous est contée, comme celle de la tendre comptine « Rouge, rose »; des métaphores et des images sont éclairées. Et Stéphane Côté se met en scène, avec l’autodérision de celui qui sait que le théâtre n’est qu’une composante du grand jeu qu’est la vie. Cette scénographie signée Dominick Trudeau a toute la subtilité nécessaire pour se faire oublier : avec ses airs de spontanéité, elle permet de créer un contact direct avec le public, facilité par l’atmosphère chaleureuse de la cave (au sens courant, cette fois!) du Sentier des Halles.

Le caractère souvent intimiste des poésies chantées achève de donner à la soirée la simplicité d’un moment de confidences. D’ailleurs, seul le musicien Alain Leblanc a accompagné le chanteur dans sa tournée parisienne. Avec sa guitare sèche, sa guitare lélé, sa voix et son piano, il accompagne en douceur celui qui après plusieurs années de travail en commun est devenu un ami. Dans une belle sobriété, les deux hommes nous offrent une musique intemporelle : celle de l’album « Des nouvelles », mais aussi des plus belles chansons du « Cirque du temps » et de « Rue des balivernes ». Un enchantement, une invitation à aller « quérir l’or des émois ».

Stéphane Côté est au Sentier des Halles les 18, 19, 25 et 26 octobre
50 rue d’Aboukir, 75002 Paris
http://www.lesentierdeshalles.fr/
10 €


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