Magazine Cinéma

Hallu-ciné (5)

Par Hongkongfoufou

Par Hong Kong Fou-Fou

igor
Le complot du silence (Run a crooked mile, Gene Levitt, 1969)

Mon film préféré est un téléfilm, et je ne m'en rappelais plus. Shame on me. Hier, en faisant du tri au milieu d'un fatras de bouquins, disques, BD et lettres de Goudurix quémandant une augmentation, j'ai retrouvé une cassette VHS à la jaquette poussiéreuse. Tel un archéologue ayant exhumé une précieuse statuette, j'ai soufflé dessus avec précaution et j'ai lu, écrit au Bic, "Louis Jourdan". Bon sang ! Les souvenirs ont afflué dans mon cerveau comme le sang dans les corps caverneux d'un octogénaire ayant absorbé une petite pilule bleue. Un programme de fin de soirée, il y a environ 20 ans, sur M6. J'étais alors étudiant, sans télévision. J'avais demandé à ma gentille maman de m'enregistrer ce film (c'est pour ça qu'il manque les premières et dernières minutes, elle n'a jamais réussi à programmer correctement le magnétoscope. Grrrr...)

Personne ou presque ne connaît ce film, il n'existe pas en DVD, il n'est jamais repassé à la télé. Et pourtant, c'est un chef-d'oeuvre. Le genre de film où les scènes chargées de suspens sont accompagnées de quelques notes de basse ponctuées d'un roulement de caisse claire lorsque l'inattendu se produit, ai-je besoin d'en dire plus ? L'histoire en quelques lignes : un professeur de mathématiques surprend par hasard la réunion d'une société secrète composée d'hommes d'affaire et notables britanniques qui roulent en Bentley et s'habillent sur Saville Row, mais n'en sont pas moins avides et véreux (il y a même le juge Fulton parmi eux ! Quelle déception... Et dire que quelques années plus tard il se permettra de faire la morale à Danny Wilde et Lord Brett Sainclair !). Un meurtre est commis au cours de cette réunion. Le malheureux et lointain disciple de Pythagore devient un témoin gênant. Il se réveille un jour, non plus à Londres, mais à Genève. Il porte un autre nom, il a une épouse qu'il ne reconnaît pas, il joue au polo (mais ça, à la limite, il s'en fout). Il n'aura dès lors de cesse de comprendre ce qui lui est arrivé et de faire éclater la vérité. L'ambiance paranoïaque rappelle un peu "Le Prisonnier". Le combat de ce professeur solitaire contre cette société secrète intouchable, c'est David contre Goliath, le pot de terre contre le pot de fer, Goudurix contre HKFF.

Je ne peux rien dire de plus sans dévoiler l'intrigue, mais tout est parfait dans ce film. Louis Jourdan a une classe folle, je trouve même qu'il aurait pu à l'époque incarner un James Bond à la Lazenby. Les seconds rôles, tous habitués des séries TV britanniques des 60s, sont excellents. La tension dramatique est constante (c'est bien simple, j'ai oublié de m'endormir sur mon canapé).

Une petite anecdote amusante : à un moment du film, le personnage de Louis Jourdan soutient à un commerçant qu'ils sont en 1982 et l'autre rétorque "Non, 1984". Hahaha. 1982. L'année de sortie de "L'aventurier" par Indochine. De Rocky 3. De la demi-finale France/Allemagne à Séville. Les jeans neige. Les cheveux gauffrés. Qu'est-ce qu'il leur est passé par la tête, aux doubleurs ??? Regardez l'extrait ci-dessous et dites-moi si c'est crédible... 

Les aventuriers (Robert Enrico, 1967)

Mon film préféré est français, et je ne m'en rappelais plus. Shame on me. Quand j'étais petit, je passais des heures à regarder le catalogue Action Joe et à rêver d'exploits héroïques devant les panoplies de commando, d'alpiniste ou de cosmonaute du barbu en plastique. Eh bien "Les aventuriers", c'est le catalogue Action Joe version animée. Pilote de course, aviateur, plongeur, Delon glisse avec bonheur sa silhouette racée dans toutes ces tenues, flanqué du fidèle Ventura. Des Matra et des dragsters. Une chasse au trésor au Congo. Fort Boyard avant le Père Fourras. La musique de François de Roubaix. Une solide histoire d'amitié. L'amitié. Il n'y a que ça de vrai. Tout le reste n'est que foutaises. Certes, celle de Delon et Ventura est un peu mise à l'épreuve par l'apparition dans leur vie de la troublante Joanna Shimkus, mais, comme Starsky et Hutch, "quand il y a une fille entre les deux, ils acceptent les règles du jeu, mais rien ne pourra jamais briser une telle amitiéééééé". Sauf la mort, quand même. Bref, une histoire d'hommes, de vrais. On ne ressort pas indemne du visionnage de ce film. On a envie de tout plaquer, d'acheter un vieux boutre craquant et des scaphandres, de se laisser pousser une barbe et un hâle de baroudeur, et de partir avec quelques amis explorer une épave dans une mer infestée de pirates. Heureusement, le lendemain, ça va mieux, on prend d'un pas décidé le chemin du bureau.

Dans l'enfer du Pacifique (Pacific Inferno, Rolf Bayer, 1979)

Ca commence comme un film de guerre classique, avec des escadrilles de Zero japonais qui partent flanquer une branlée à la flotte américaine de Pearl Harbour. Mais rapidement ça tourne au film d'aventure un peu fauché. Je pense que les cinq premières minutes de bataille sont tirées de stock-shots de films au budget plus conséquent. Un titre plus approprié, ça aurait été "De l'or sous l'étrave". Ben oui, comme chez Clint, il s'agit d'une bande de soldats US qui essaient de barboter un trésor en temps de guerre. A ceci près qu'ils sont prisonniers des Japs et qu'ils barbotent dans tous les sens du terme, puisque le trésor repose à 40 m sous les flots. Ce qui fait un lien avec "Les aventuriers", c'est dingue la cohérence de cette rubrique.

Le film est un peu une bizarrerie. Jim Brown en est l'acteur principal, mais aussi le producteur. Et l'ex-star de la blaxploitation ne peut s'empêcher de faire passer un message concernant la condition des Noirs aux USA. Pour la musique, il fait également appel à quelques soul brothers and sisters. Sauf au début, la bataille de Pearl Harbour étant accompagnée d'un thème de circonstance, bien guerrier et pompier, qui donne envie d'aller presser du citron. Mais ensuite, on a droit à Dee Dee Sharp, et également à une scène surréaliste où les prisonniers US se font une balade en forêt très bucolique, au son de "War" d'Edwin Starr, avec surimpression d'images de bombardements et de canonnades. Hmm. Niveau costumes, là encore on atteint des sommets, Jim Brown et ses acolytes portent des pattes d'eph' bien loin des codes vestimentaires des années 40. En fait, je crois plutôt qu'ils gardaient sur le tournage les fringues qu'ils portaient en arrivant le matin. Toujours ça d'économisé.

Bon, vous l'avez compris, le film ne mérite pas vraiment de figurer dans la collection "Les plus grands films de guerre", comme stipulé sur la jaquette. Mais il se laisse voir, surtout si on a pris la précaution de boire un litre de café avant.

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