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Roberta Valerio, une photographe en résistance

Publié le 22 juillet 2010 par Agnesfleury

untitledRoberta Valerio s’attrape au vol. De retour du Tyrol, elle repart bientôt pour Nice. Dans un petit café bruyant de son quartier du 18ème arrondissement, elle prend le temps de revenir sur sa vocation et sa profession de photographe, d’évoquer ses travaux et surtout ses projets.
Chaleureuse, l’accent chantant, la photographe originaire d’Udine retrace en quelques mots les récents reportages que divers journaux et magazines européens lui ont confiés. Ça commence a bien marcher pour elle. Les commandes arrivent, les contacts dans la presse se multiplient. Et pourtant, le pari n’était pas gagné lorsqu’elle est venue s’installer à Paris neuf ans plus tôt.

Une profession de rêve mais sans pitié

La photographie, Roberta y est venue doucement mais sûrement. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a aimé la photo. Tout comme son père d’ailleurs, qui lui a offert son premier Canon. Toutefois, ça n’a longtemps été qu’un loisir, un plaisir. Parallèlement à ses études droit, elle entreprend en 1994, une formation à la photographie et prend conscience qu’il y a peu de la passion à la profession. En 1998, elle quitte l’Italie pour venir en France, travailler dans le « temple », l’agence Magnum. D’abord au studio numérique puis au laboratoire de développement noir et blanc. Les planches contacts de photographes aussi renommés que Koudelka, Abbas ou Delahaye entre les mains, la jeune femme réalise que « le rêve pourrait devenir réalité ». En 2001, elle franchit le pas et part en Asie du sud-est pour un long voyage de neuf mois. Vietnam, Cambodge, Thaïlande, Laos. Les femmes et les enfants des rues l’émeuvent et accrochent son objectif.

Mais, de retour, c’est le choc. Ses photos en noir et blanc n’intéressent pas. « Déjà vus », s’entend-elle répondre lorsqu’elle tente de les montrer. Roberta ne se décourage pas et change son boîtier d’épaule. Elle passe à la couleur qui lui permet d’établir une distance avec ses sujets et les personnages de ses histoires. En 2006, elle organise un autre voyage, au Brésil cette fois, découvre les favelas, les prostituées qui lui communiquent leur farouche volonté de s’en sortir, de trouver dans leur situation les ingrédients de leur réussite. C’est le déclic. Elle réalisera un reportage sur DASPU, une ligne de vêtement créée par ces prostituées de Rio, puis un autre sur les « tops des favelas », ces jeunes filles qui tentent de devenir mannequins dans le cadre d’une association. Les reportages se vendent bien. D’autres paraîtront, sur ERASMUS, les brigades anti-pub à Paris, l’industrie du luxe à Sao Paulo…

Roberta est heureuse d’être photographe mais ne mâche pas ses mots sur la profession. « C’est un métier difficile, qui ne te laisse pas de repos. Tu dois tout le temps être sur le qui-vive. Ca ne pardonne pas ». Malade pendant deux mois, elle a connu ces moments où l’on se sent complètement abandonné, livré à soi-même car on ne vous appelle pas pour travailler. Il faut alors avoir l’énergie de continuer. Neuf ans à Paris, cinq ans de travail avec la presse et elle sait que sa position n’est pas acquise. « Aujourd’hui, il y a plein de photographes, plein de bons photographes ». En plus de ses qualités photographiques, il faut aussi prouver son savoir-faire commercial. Pourtant, elle refuse de hanter cocktails et vernissages. Qu’importe. Ce n’est ni l’énergie ni la ténacité qui lui font défaut. Apprendre à ne pas se faire oublier, c’est aussi « éprouver sa propre résistance ».

Un monde d’opportunités

Les projets de bousculent ; il y a tant de voyages à accomplir, de combats à mener. Probablement réaliser un reportage sur les minorités en Birmanie, repartir un mois en Asie…
Bien sûr, « l’idéal serait de créer une continuité dans tous les reportages ». Mais, Roberta a envie d’aller partout. « Le monde est devant moi », lance-t-elle, enthousiaste. Tout l’intéresse, tout l’interroge. Elle cherche. Elle est en attente. Elle sait que parfois, il faut faire vite, comme lorsqu’elle est partie au Brésil ou au Kossovo. On lui parle de « quelque chose ». Elle prépare le voyage, partage le quotidien de ceux qu’elle rencontre sur place et les images de ses histoires apparaissent, les personnages se mettent en place. D’ailleurs, la photographe travaille dans l’instant. Chercher son cadrage, déclencher vite et beaucoup, éditer sur place. Pour le choix définitif de ses photos, Roberta fait confiance aux amis avec lesquels elle travaille, italiens pour la plupart. Son « groupe d’échanges ». Car, celle qui aime « être dans l’émotion, saisir le cours de la vie » sait qu’au retour, un grand vide l’empêchera de voir avec lucidité.

Quand on lui p

expo20ansErasmus
arle d’exposition, de publication, la jeune femme se montre plus évasive. « C’est flatteur, mais ce n’est pas un but en soi ». Toute son énergie est pour l’instant consacrée aux récits, aux lieux et aux rencontres de prochains reportages. Qu’on ne se méprenne pas toutefois ; ses images ont besoin de leur public. C’est pour ça que la presse intéresse Roberta. C’est un moyen très sûr et de large ampleur pour faire partager les histoires qu’elle a vécues et leurs personnages. Et puis, l’exposition viendra… en décembre prochain. La Représentation de la Commission européenne à Paris exposera, dans ses bureaux, le travail de la photographe sur ERASMUS pour les 20 ans du programme européen.

Première exposition à Paris donc, la ville aimée, la ville haïe. Ville de rencontres et d’opportunités, la capitale est un quartier général idéal pour l’artiste. Mais la nature et l’espace y manquent et Roberta ne s’y voit pas finir sa vie. Vivre à Paris, c’est aussi une forme de résistance !

Agnès Fleury

parcours :
1974 Naissance à Udine en Italie (Frioul)
1998 Installation à Paris
2001 Voyage de neuf mois en Asie du sud-est
2006 Voyage de trois mois au Brésil
2007 Voyage de trois mois au Kossovo
Exposition à la Représentation de la Commission européenne à Paris

www.robertavalerio.com


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