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La comédie, ça rigole pas !

Par Lilicastille

Capricci

J'aurais pu vous faire le coup du "Comédie, mode d'emploi : tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le rire... sans jamais oser le demander" mais il me reste encore un (tout petit) peu de bon goût alors je vous l'épargne ou presque.

Faisons simple : qu’est-ce donc que ce petit bouquin jaune su la comédie ? Et bien je vous le dis : un petit manuel à l’usage des apprentis comiques, amis du rire, amateurs de gaudriole et passionnés de cinéma où l’on apprend que, en vrai, la comédie, c’est pas de la rigolade, c’est du sérieux. On y trouve des faiseurs de blagues payés à l’unité, des testeurs de vannes professionnels, des spec-épisodes, des  punch-up, des outlines et on se dit que, diable !, c’est un boulot à part entière que de faire rire.

L’ouvrage est avant tout un long entretien de l’auteur alias Emmanuel Burdeau (ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma s’il vous plait) avec Judd Apatow retraçant la carrière du roi du gag qui, malgré son petit nombre de films, représente à lui tout seul la nouvelle génération de la comédie US. En suivant les étapes de la vie d’Apatow on se promène le long des dernières décennies de la scène comique US e t l’on en apprend de belles sur le monde du ciné et de la téloche outre-Atlantique. Je dis ça je dis rien. Mais, comme en plus d’être passionnant, Emmanuel Burdeau est un adorable personnage, il a accepté de nous en dire davantage ici et maintenant :

LC : Pourquoi cet entretien avec Judd Apatow ?

Emmanuel Burdeau : Par admiration pour lui. Par admiration pour ce qu'il a construit autour de lui : une bande, une usine… Par envie de parler à quelqu'un qui est et n'est pas un auteur. Pour entendre sa voix : il y aurait un roman ou une thèse à écrire sur les façons de parler des cinéastes. Et un livre sur la manière de respecter leur voix lorsqu'on retranscrit un entretien.

Et parce qu'il a dit oui, ce qui était loin d'être gagné et n'a pas été simple.

LC : En quoi est-il le  représentant de la nouvelle génération comique ?

Emmanuel Burdeau : Il montre des vies banales et en même temps il montre des gens qui se pensent eux-mêmes comme des comiques. Des quidams et des stars. La rencontre des deux – avec tout ce qui en découle : l'amitié masculine, les interrogations sur la virilité, les références à la culture populaire, les effets de platitude et de mise en abyme, un humour qui est tantôt désigné tantôt imperceptible, un rythme de chronique… –, c'est la comédie d'aujourd'hui. Celle d'Apatow et plus largement. 

LC : Certains pensent que ses films sont lourdingues voir stupides. Que leur réponds-tu ?

Emmanuel Burdeau : Je ne le leur réponds rien ; qu'ils lisent le livre ; seront-ils convaincus ? Je ne sais pas, mais ils comprendront peut-être qu'il s'agit d'autre chose que d'être intelligent ou bête. Le comique, c'est l'intelligence de la bêtise ou la bêtise de l'intelligence. Plus c'est bête, plus c'est intelligent. Plus c'est intelligent, plus c'est bête. Quiconque a un jour essayé d'être drôle sait de quoi je parle. 

LC : Quel est ton film préféré écrit / produit ou réalisé par Apatow ?

Emmanuel Burdeau : Aujourd'hui, il y en a deux : Supergrave / Superbad, de Greg Mottola ; Délire Express / Pineapple Express de David Gordon Green. 

Et il n'y a pas qu'Apatow. Je recommande la série Eastbound & Down avec Danny McBride, Mister Woodcock et tout ce qu'approche Ricky Gervais.

Je travaille d'ailleurs à une Histoire de la comédie américaine en dix volumes, un par décennie en remontant dans le temps : les années 2000, les années 1990…

LC : Perso, j’aime beaucoup la cultissime série Freaks & Geeksmalheureusement peu connue en France. Tu peux nous en toucher deux mots ? 

Emmanuel Burdeau : Un collège-lycée en 1980. Deux groupes. Les geeks : 10-12 ans, timides, maladroits, irrésistibles. Les freaks : 15-17 ans, grandes gueules, cancres, irrésistibles. Leurs mésaventures parallèles et parfois croisées. De la pure description, lente, attentive, précise, délicate. Du drame et de la comédie, les deux en prose. 

LC : Le film Les Beaux Gosses de Riad Sattouf est-il la version française de la désopilante série américaine ? (Si oui) que penses-tu de cette version Frenchy ?

Emmanuel Burdeau : Joker. (J'aime bien Les Beaux Gosses, mais je ne crois pas que ce soit comparable avec Freaks & Geeks).

LC : Et les acteurs dans la vie d’Apatow ? S’il n’y en avait qu’un, ce serait qui ?

Emmanuel Burdeau : Seth Rogen.

LC : Pourquoi ?

Emmanuel Burdeau : C'est son alter ego. Il se reconnaît en lui. Seth Rogen est le comique que, sans doute, il aurait voulu être. 

 LC : Apatow est-il aussi drôle dans la vie que dans ses films ?

Emmanuel Burdeau : Il peut l'être. Il l'a été à la FNAC Montparnasse en septembre 2009. Lors de l'entretien, il l'était moins, sans être le moins du monde sinistre.

 LC :J’ai été scotchée par ses références à Altman et Cassavetes. Et toi, qu’est-ce qui t’a le plus surpris au cours de cet entretien ?

Emmanuel Burdeau : De voir à quel point il ne cesse de se demander où il en est, à quoi ressemble sa vie, si c'est la bonne, etc. 

LC : Ce doute existentiel diffus et un peu l’apanage de tous les comiques juifs non ?

Emmanuel Burdeau : Sans doute.

LC : Du coup maintenait vous êtes potes ?

Emmanuel Burdeau : Non.

LC : Vous avez bu des coups ensemble ?

Emmanuel Burdeau : Même pas.

LC : Ha oui mais là y’a problème : tu m’enlève ma chute là ! J’allais enchaîner en te demandant lequel de vous deux buvait le plus et faisait pipi plus loin… Et là comme c’est très bête, c’est que c’est comiquement très intelligent et que je suis très drôle… Merci quand même Emmanuel.

 

Capricci

Comédie, mode d’Emploi(Carpicci)


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