Magazine

Innovation : quand les pays émergents nous donnent des leçons

Publié le 07 janvier 2008 par Marianne Dekeyser @IDKIPARL
La contrainte est inhérente à l'innovation.
Pour beaucoup d'entreprises, l'innovation naît souvent sous la contrainte, la contrainte d'un nouvel entrant, d'une guerre de prix, de clients qui en veulent plus, d'une nouvelle technologie etc...
La contrainte se présente souvent comme une équation tellement paradoxale qu'elle semble impossible à résoudre. Par exemple, la grande contrainte actuelle des entreprises s'appelle "développement durable" ou comment faire du profit tout en étant sociétalement responsable.
Les entreprises commencent juste à esquisser le portrait de ce nouveau Philanthrepreneur.
Regardez ce qui se passe du côté des pays émergents car ce sont eux qui devraient nos
donner des leçons en matière d'innovation dans les années à venir. Pourquoi ? Parce que ces pays cumulent... toutes les contraintes :
  • peu de moyens
  • peu de structures d'aides
  • des sociétés souvent très dichotomiques (très pauvres ou très riches)
  • des modes de vie encadrés par le politique ou à la religion.

et tous les possibles car les innovations qui y voient le jour partent souvent d'une grande ambition appliquée de façon pragmatique à un quartier, quelques personnes...puis gagnent du terrain.

On pense évidemment tout de suite à Yunus Muhammad (Bangladais et Prix Nobel 2006) et la banque de micro crédit "Grameen Bank" qu'il a créé en 1978.
Comme il le dit lui-même : « Je souhaitais juste résoudre un problème local et petit à petit, sans m’en apercevoir, c’est devenu la Grameen Bank ».
Comment est née la Gramen Bank (Source : 80hommes) ? Il est nécessaire de le rappeler pour bien comprendre le couple "grande ambitions/stratégie des petits pas" :
Dans les années 70, Yunus Muhammad se rend dans le village de Jobra, juste à côté de son Université et commence à discuter avec ses habitants.
Rapidement, il prend conscience que de nombreuses femmes sont victimes d'un cercle vicieux dont elles ne peuvent s'échapper. Incapables de s’adresser aux banques traditionnelles (car jugées non solvables), elles sont contraintes d’emprunter 60 Thakas (1 €) à un usurier pour acheter quelques produits le matin, en récupérer 80 de la vente sur les marchés et le soir en rembourser 70. C’est donc le coût prohibitif du capital, si infime soit-il, qui empêche de nombreuses femmes de s’en sortir.
Il décide alors, de sa poche, de prêter 850 Thakas (24 €) à 42 femmes parmi les plus pauvres de Jobra. Ces micro-prêts leur suffisent pour, par exemple, acquérir une poule et générer un revenu quotidien de la vente des œufs chaque jour : « l’objectif était de les faire rentrer dans un cycle économique et d’amorcer un changement de mentalité». L’expérience est un succès mais ne satisfait pas encore son ambition grandissante.
Après avoir, en vain, déployé de nombreux efforts pour convaincre les banques locales d’appliquer sa méthode, il décide de monter sa propre structure et duplique le modèle.
La Grameen Bank, du mot village en Bengali, naît en 1978 et s’étend rapidement dans 20, 40, 100 villages du district.Un quart de siècle plus tard, les résultats sont incroyables : la Banque est présente dans 43 000 villages du Bangladesh, a déjà prêté 4 Milliards d’€ à 11 millions de clients dont 94% sont des femmes (plus sûres et responsables que les hommes).
Les taux de remboursements sont supérieurs à ceux des banques traditionnelles (de l’ordre de 97 % !) grâce à une organisation en groupes solidaires de 5, chacune des débitrices étant responsables des engagements du groupe vis-à-vis de la Grameen. Le modèle est appliqué désormais dans plus de 45 pays à travers le monde, touche 60 Millions des personnes, dont 27 Millions parmi les plus pauvres (dont le revenu est de moins de 1$/jour). Grâce au micro crédit, 3 emprunteurs sur 4 se sortent d'une situtation de pauvreté, et ce définitivement.

Le micro crédit a fait des émules depuis sur le Net (Kiva, Zoopa etc...) et ne s'adresse plus uniquement aux pays émergents mais aussi à ceux qui ne peuvent emprunter dans les pays dits "développés".
Mais les produits ou services ne sont pas les seuls domaines à scruter. La Harvard Business Review vient de publier un article intitulé "Where will we find Tomorrow's leaders" ? (Où trouver les leaders/managers de demain?) de Linda Hill.
Linda Hill, professeur au MBA de la Harvard, a étudié la notion de leadership sous tous ses aspects depuis les années 90. Dans l'article, elle donne notamment des exemples de management ultra innovants en provenance d'Inde.
Elle cite la sociéte HCL technologies qui a érigé "Les employés d'abord, les clients ensuite" comme vision d'entreprise plutôt que "Les clients d'abord" comme la plupart des grandes entreprises des pays développés.
Pourquoi cette vision si étonnante ? Parce que cette entreprise a considéré qu'elle avait besoin d'attirer les meilleurs talents pour offrir le meilleur...à ses clients. Et ça marche.
Alors que le marché du travail occidental va connaître une réelle pénurie de main d'oeuvre, les grandes entreprises qui y règnent ne devront-elles pas s'inspirer de ce changement de paradigme ?
De même, ne croyez pas que l'innovation "un ordinateur portable par enfant à 100$" fabriqué pour les pays les plus pauvres de la planète restera cantonnée à ces pays. Demain, tous les enfants auront besoin d'un ordinateur pour apprendre : son prix et sa simplicité d'utilisation seront le gage de son succès.

Vous êtes sceptiques ? Cela vous paraît trop loin tout ça ?
Pourtant, c'est à portée...de clic !
Suivez le mouvement avec tous les programmes soutenus par le World Resources Institute,
ici ou le blog Innovations in Emerging Markets.
Source image : Fotograph.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Marianne Dekeyser 216 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog