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Intégration : la France va-t-elle imiter le modèle anglo-saxon ?

Publié le 10 janvier 2008 par Roman Bernard
Cet article sera publié lundi prochain dans La Rotonde, le journal francophone de l'Université d'Ottawa.
Si la conférence de presse de Nicolas Sarkozy a fait réagir les journalistes français, mardi dernier, c’est d’abord en raison de la proposition du président de la République de supprimer la publicité sur les chaînes de la télévision publique, en échange du prélèvement d’une taxe sur celle des chaînes privées, qui leur serait reversée. Cette mesure pose bien sûr le problème de la survie de l’audiovisuel public français. Mais si elle est mise en œuvre, elle permettra, au contraire de ce qui a cours dans d’autres pays, notamment en Amérique du Nord, de regarder une émission sans être sans cesse interrompu par des publicités intrusives. En ce sens, la proposition de M. Sarkozy est de nature à remettre au goût du jour une certaine « exception française », dans le secteur public du moins, qui ferait la part belle à la fin de la télévision –informer, éduquer et distraire- au détriment du moyen –le financement par la publicité.
Mais ce que remarquait également Anne Chemin dans Le Monde d'aujourd'hui, c’est qu’au chapitre des nombreuses réformes que le chef de l’Etat souhaite engager se trouve la discrimination positive. Pour l’heure, et ce depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, l’idéal universaliste à la base du principe égalitaire interdit que, pour réparer une inégalité de départ, l’on tente de la corriger par une mesure de compensation, telle que l’affirmative action, aux Etats-Unis, le permet avec l’établissement de quotas pour les minorités ethniques. Cet égalitarisme abstrait a plutôt fait le bonheur de la France jusqu’à récemment, puisqu’à l’exception du sinistre épisode de Vichy, la législation française a toujours considéré les hommes comme étant égaux, ne permettant donc aucune discrimination, négative ou positive, et l'intégration n'en a pas pour autant pâti, bien au contraire.
Aveu d'échec
Les difficultés de l’intégration, depuis une trentaine d’années, dues à l’incapacité de la société française à assimiler ses populations immigrées, conduisent naturellement à remettre en question ce modèle universaliste, car aucun principe, si excellent soit-il, ne saurait se soustraire à l’épreuve des faits. Est-il besoin, cependant, de vouloir modifier la Constitution, Loi fondamentale de la Ve République, au prétexte que le modèle d’intégration français présente, comme tout modèle, des limites, des carences, des failles ?
C’est ce que prétend le président français en déclarant vouloir inscrire dans la Constitution le respect de la diversité. Bien sûr, Nicolas Sarkozy met en avant l’égalité hommes-femmes, affirmée par la Constitution de 1946, réaffirmée par celle de 1958, mais qui ne permettait pas, jusqu’à la loi sur la parité de 2000, laquelle avait nécessité une révision constitutionnelle, d’imposer une stricte égalité entre hommes et femmes dans l’accès à la députation.
Il est permis de penser que c’est surtout, inspiré par le modèle anglo-saxon qui encourage la discrimination positive, l’intégration des minorités ethniques et culturelles que le chef de l’Etat veut faciliter, en permettant des lois instaurant des quotas qui leur seraient réservés. On se souvient qu’en 2004, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait poussé à la nomination d’un « préfet musulman ». J’ajoute les guillemets car je ne vois pas l’utilité de cette mention : ne peut-on considérer qu’un préfet est un Français, avant tout et par-dessus tout ? Et que, si un Français musulman –plutôt qu’un musulman de France- n’est pas considéré comme tel et ne se considère pas lui-même comme tel, il convient de tout mettre en œuvre pour que ce soit le cas, plutôt que d’acter cet échec et de tenter d’y remédier par une discrimination qui, positive ou non, réduit une personne à une identité ethnico-religieuse ?
S’il est certains domaines –transparence politique par exemple- dans lesquels l’inspiration sur le modèle anglo-saxon serait bienvenue, on peut douter de l’utilité de vouloir imiter un modèle dont même les Anglo-Saxons constatent les méfaits, comme l’a fait Tony Blair au Royaume-Uni après les attentats du 7 juillet 2005, commis par des Britanniques qu’on avait cantonnés dans leur identité musulmane. La volonté louable de modernisation de la France ne doit pas faire oublier les bases plutôt solides sur lesquelles elle repose depuis 219 ans.
Roman Bernard

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